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Repas de famille
Chacun y va de son commentaire après le sondage plaçant Marine Le Pen en tête dans le sondage concernant le résultat des futures élections présidentielles.
Mais la réalisation de ce sondage appelle en préalable à tout commentaire à s’interroger sur l’objectif recherché par ses commanditaires.
La première question à cet égard est relative au choix du candidat socialiste. D’autant qu’à quelques jours d’intervalles un sondage était basé sur la candidature de Strauss Kahn qui bénéficie depuis pas mal de temps des faveurs des médias, le choix de Martine Aubry dans le cas présent ne pouvait que lui être défavorable. Belle occasion de lui jouer un mauvais tour et d’en jouer un à l’ensemble de la gauche et de son avenir. Car ne serait-il pas de cela qu’il s’agit !
D’ailleurs l’opération continue puisque trois jours après est publié un nouveau sondage mais cette fois-ci avec Strauss Kahn crédité de 2 points de plus que la responsable nationale du PS. Aujourd’hui encore (11 mars ) l’opération se poursuit voilà Strauss Kahn en tête avec 30 %. Décidément on prend les français pour des veaux !
Que Sarkosy ne soit pas en progression ne peut surprendre personne vu son comportement politique catastrophique tant à l’intérieur qu’à l’extérieur de l’hexagone.
Alors reste le score annoncé de Marine Le Pen. Sans doute cela parait à Marie George Buffet un non sens. A elle oui, à bien d’autres communistes sûrement mais que 23/24 % de français eux considèrent que c’est du bon sens, mériterait d’approfondir la question.
Avoir du bon sens ? Cela est-il un argument politique ?
Quoi de plus symbolique qu’un repas de famille, endroit où l’on peut trouver une quinzaine de personnes, d’opinions qui se situent dans une diversité allant de la droite au PCF, pour traduire de manière vivante une explication des résultats du sondage ? Une vision de ce qu’est le bon sens des électeurs !
Autour de la table une palette de ce que l’on baptise aujourd’hui « la classe moyenne » : tous retraités « aisés » entre 3000 et 5000 € de revenus par couple pour vivre. Un agriculteur, un cadre moyen, un cadre supérieur, un VRP, trois professionnels de santé libéraux, un ouvrier- technicien, côté masculin. En ce qui concerne les femmes, d’une manière générale mères de familles : pour l’une d’entre elles cadre de Direction, pour d’autres ménagères et parfois employées. Encore soumises, sauf exception, à l’influence maritale.
Issus de familles aisées la plupart de ces couples de retraités disposent d’une résidence principale en propriété ainsi que de résidences secondaires ou de revenus locatifs. Bref pour la plupart d’entre eux ils sont à l’abri du besoin. Un point noir quasi général : la situation des générations suivantes comporte en majorité des cas de travail précaire, même chez les mieux pourvus, et il faut parfois, pour ces « ainés » soutenir enfants et petits enfants.
Les hommes sont des exemples types d’une ascendance sociale acquise par héritage et résultat de l’exercice d’une profession, ayant nécessité formation et qualification, durant les trente glorieuses. Pour certains c’est un recul par rapport à leurs origines et pour d’autres une progression laborieuse et parfois difficile.
Les femmes ont une origine familiale commune et ont vu leur statut social évoluer en fonction de mariages ou de concubinages. C’est un groupe que l’on peut situer dans la génération des femmes à émancipation limitée. Leur dépendance économique est relative mais certaine. Une génération qui n’a pu se soustraire à la forme d’organisation familiale prévalant encore au lendemain de la guerre. Toutefois elles ont bénéficié des avancées indéniables du nouveau statut moral de la femme.
Comme il se doit on évoque les questions politiques un peu avant le dessert.
Tous ont à peu près le même discours et affichent inlassablement les clichés dont il n’est pas difficile de discerner l’origine de production, dans des médias porteurs d’une pensée unique aux effets ravageurs. Ils sont d’évidence en perte des valeurs issues des idées émergentes des années qui ont suivi le mouvement de 1968. Balayé le concept de gauche autour d’un programme commun. Balayée la tradition gaulliste qui à rassemblé ceux qui se situaient dans le camp d’origine droitière. Pour certains mêmes c’est un retour aux lointaines traditions pétainistes que quelque aïeul aujourd’hui disparu leur a laissé en héritage. Tout cela produit un mélange assez étonnant dans leur détermination présente.
Ils font un lien entre leurs expériences, ou celles des autres qui leur sont rapportées, et justifient coûte que coûte une conviction établie à partir de leur « réussite » mais également de leurs souffrances et semble-t-il des inquiétudes, des craintes pour ne pas dire des peurs qui semblent marquer leur entrée dans l’âge. La sagesse qui généralement accompagne la vieillesse peine à se révéler dans la rencontre avec les autres. La remise en cause est difficile.
Mais de quoi peuvent-ils souffrir ? Tant bien que mal chacun d’eux vaque à des occupations distrayantes : shopping et gymnastique d’entretien pour les femmes, rencontres avec des amis assorties de temps à autres des loisirs de la pêche ou de la chasse, de partie de boules ou encore de la découverte d’internet pour les plus désireux de ne pas perdre pied. Aide et soutien assez conséquent aux progénitures en difficulté. Cette dernière intervention lourde et durable est la source la plus conséquente de leur malaise. Cela ne peut évidemment les soustraire au fait qu’ils entrent dans la phase de génération ultime, celle qui n’a plus rien devant elle.
Au fond sur quoi peuvent-ils déterminer leur choix politiques. Leur situation économique ne s’est pas effondrée. Même en perte de pouvoir d’achat, pour certains, ils ne sont pas en situation de pauvreté.
Pour l’ex-agriculteur, la vente du patrimoine familial, avec une spéculation naturelle, courante, sur le foncier l’a mis à l’abri d’un échec dans le métier de paysan. Issu d’une famille à forte tradition religieuse, marquée par la réforme, il semble cependant en avoir perdu un peu des principes. Apparemment il va passer du vote socialiste au vote UMP avec une démarche et des arguments dignes de ceux du FN qu’il diabolise cependant au possible. Etonnant personnage. Râleur et rigolard prêt à aider ses proches il est déconcertant. Un produit courant tout de même.
L’ex cadre supérieur, jouit évidemment d’une bonne pension et grâce à la vente du patrimoine parental, sauve comme il peut une descendance qui vogue dans la précarité. Il est plutôt démocrate chrétien tantôt centriste, tantôt sarkosiste, son dernier penchant. Il est sensible à l’évolution de la fiscalité et peste comme le précédent contre les élus inutiles et les fonctionnaires incapables. Visiblement il n’est pas opposé à la disparition des assemblées territoriales : « on pourrait régler à deux ou trois, pourquoi en élire cinquante ? ».
L’ex cadre moyen, ayant exercé une activité très lucrative dans sa jeunesse, bénéficiant d’une retraite correcte, qui n’avait rien à l’origine, a su se doter d’un patrimoine immobilier qui le met également à l’abri. Il dissimule mal sa sympathie pour le FN. Lui aussi est confronté à l’instabilité de la progéniture. Sans doute ses origines de français d’Algérie pèsent dans ce choix.
Tous trois restent attachés à leurs sources familiales et sont marqués idéologiquement par elles.
Le médecin, très allergique à ces humoristes grossiers qui malmènent les hommes politiques en vue et plus particulièrement de droite, peut, par hypothèse se situer dans le camp de l’un des précédents. Il faudrait mieux le connaitre pour en juger.
Reste la commerçante qui est outrée de savoir qu’à Marseille on jette les cuisinières par la fenêtre quand elles sont usagées (je n’invente rien) que la ville de B. serait magnifique si elle n’était pas dégradée par une certaine catégorie de résidents qui l’ont envahie. Elle n’ose pas trop s’avancer en prononçant l’origine dont tout le monde a bien compris de laquelle il s’agit. Commerce oblige !
Elle ne se doute pas qu’au retour de cette mémorable journée familiale je vais récupérer en stop un ouvrier agricole marocain qui travaille 10 h par jour dans une exploitation près de B. et fait partie du lot ! Le temps du trajet je saurai qu’il est là grâce au visa de son père qui a obtenu de son patron un contrat dont je crains qu’il ne soit pas définitif.
Enfin il y a l’ouvrier, sans patrimoine au départ mais qui comme la majorité de ses ex compagnons de travail a pris la précaution de construire sa maison et de faire en sorte que personne dans la famille n’ait éternellement à charge un loyer. Produit d’une classe ouvrière qui ne s’en est pas trop laisser conter. Son vote communiste est connu de tous. Son indulgence face à ce groupe ne peut effacer une sorte de révolte qui a des traditions familiales, pour lui comme pour les autres. Non véritablement pauvre, la pauvreté lui apparait insupportable quand elle côtoie l’indifférence ou au mieux l’inconscience. Il est isolé dans ce groupe familial qui lui confirme évidemment que la partie n’est pas gagnée pour lui et ses semblables face à des sympathies politiques perdues.
Le VRP, lui aussi installé confortablement, à l’abri du besoin, semble être le seul à intellectualiser un tantinet son parti pris : il veut sanctionner Sarkosy. Bayrou peut avoir ses faveurs, à moins que Marine soit l’exutoire !
Heureusement le repas est excellent et les convives, malgré tout, très chaleureux ? Tous représentent plus d’un demi-siècle de vie sociale active. Les mêmes questions se posent dans cet univers de plus de 70 ans. Aucun d’eux ne s’abstiendra aux élections. D’évidence le front National et la droite seront les grands bénéficiaires. La dispute entre eux sur le choix à faire en atteste.
Pas le PS, sauf si les deux professionnels de santé présents à ce repas, qui œuvrent dans le maintien à domicile des personnes âgées et semblent prospérer de manière étonnante dans ce secteur de plus en plus porteur, voient leur avenir dans l’institunationnalisation d’un système de solidarité actuellement mis à mal. Mais je ne saurais le dire. Leur évidente prospérité doublée d’un travail intense risque bien de les conduire dans un comportement politique contradictoire.
Et puis il y a les deux vieilles dames qui n’attendent plus grand-chose, dont le regard attendri fait oublier qu’elles appartiennent à ce monde qui a encore le privilège et la faculté de leur apporter un soutien affectif, dernier besoin pour elles, qui supplante tous les autres. J’en vois une de gauche, l’autre de droite. Mais rien n’est sûr. Leur immense privilège : échapper à ces établissements ou règne une terrible promiscuité de la solitude. Leur solitude « confortable » ne me rassure pas outre mesure.
Rien n’est mécanique entre une position sociale et la conscience que l’on doit en avoir. Mais on n’échappe pas aux calculs de ceux qui dominent.
Les médias ont déclenché l’artillerie lourde. Ils font semblant de s’ameuter sur la percée « sondagistique » du FN. Télécommandés ou de leur plein gré tout est fait par eux pour que le capitalisme sauve la mise et ne soit pas troublé dans son pouvoir et son évolution mondialisée. Cela implique que l’un des deux candidats les moins dérangeants soit choisi dans un duel final. Quitte à jouer dangereusement avec l’extrême droite comme faire valoir
Et nos pépés et nos mémés bien attablés semblent tous tomber littéralement dans le piège. L’entrée était convenable, la viande excellente, le dessert au chocolat succulent, le vin de pays mais de qualité. Et la discussion ? Ah ne m’en parlez pas : presque aussi bien qu’avec CALVI dans C dans l’air !
Personne ne s’est demandé qui avait produit le foie gras, qui avait élevé les bovins, qui avait semé et cueilli les épinards, les pommes de terres et les oignons, qui avait récolté les poires ou le chocolat, qui avait taillé la vigne et fait- les vendanges, qui avait ravalé la façade du XVIIème du restaurant, qui avait fabriqué les automobiles qui les transportaient (bien que ce ne fut pas des limousines) qui, qui, etc.
Pour la plupart, les parents qui les ont précédés ont durement travaillé et les enfants qui les suivent ont inventé le mot « galère » ou « bobo ». Savent-ils, ces vivants du troisième âge qu’ils sont les meilleurs auxiliaires des seigneurs fanfaronnant très souvent à la une des « Paris Match » et autres revues dont ils raffolent. Ils ont pourtant eux aussi joué un rôle économique et social non négligeable, payé des impôts plus qu’ils ne l’auraient du.
Ont-ils un peu oubliés d’où ils viennent ? Ce qui ne les aide pas à comprendre ou ils vont ! Faut-il les juger ? Sûrement pas ! Médire sur eux ne sert à rien mais dire est utile !
L’auto stoppeur lui était bien loin de tout cela ! Pas de véhicule, pas très bien mis, un sac plastic pour tout bagage il venait de la ferme qui l’emploie, en portait l’odeur même, et regagnait un quartier que l’on dit plein de jeunes chômeurs qui font du bruit le soir mais ne jettent pas encore les cuisinières usagées par les fenêtres !
Mais lui ne vote pas comme la plupart de ses voisins de la cité.
Ah s’ils avaient été autour d’un tajine dans son douar en bordure du Rif peut-être mes voisins de table auraient-ils été plus soucieux et compatissant à l’égard de ses semblables. Peut-être…
Il ne mesure pas combien il symbolise le présent et l’avenir. Lui pur produit de ce qui alimente la vague déferlante d’un nouveau prolétariat. Neuf, sans acquis historiques sauf ceux de cinquante ans d’oppression qui ont succédé à presque autant de domination coloniale, eux-mêmes résultant de siècles ou ont alterné esclavages et féodalisme sur fond d’obscurantisme. Mais voila que l’occident les interpelle, fait naitre des illusions !
O surprise la révolte les anime, peut-être même la révolution. Pas lui mais les autres là-bas. Pourtant nous les voyons courbés, priant dans le désert, un fusil à leur côté. Comme l’a dit l’une des convives : « Dans la rue je n’aime pas les voir prier, mais là c’est beau ». Les religions ne finiront pas de nous étonner! Les réactions de cette femme qui va voter Le Pen encore plus. Elle pas plus que lui ne mesurent combien de manipulations les attendent.
BHL et Ménard sont à l’affût. Ces « vierges » masculins effarouchés en mal de jouer les sauveurs de l’Humanité ne vont pas tarder à jouer les héros libérateurs et justifier quelque opération militaire pour sauver une révolution – ou des rebelles – dont on ne sait pas toujours d’où ils viennent et qui les manipule. Pas plus d’ailleurs que nous savons d’où viennent BHL et Ménard !
Quand nous disions à ce jeune maghrébin sortant de la mosquée l’autre jour que la solution pour trouver un emploi n’était plus individuelle mais bien dans une lutte collective n’a-t-il pas répondu : « croyez moi nous ferons bientôt pareil que la bas !» Il n’en avait rien à faire d’un état islamique en Tunisie, ce qu’il voulait c’est travailler, « sortir de son inutilité en France» comme il le disait lui-même. La violence ne semblait pas l’effrayer ? Pourrons-nous le convaincre qu’il y a des voies plus fortes et plus efficaces que la révolte spontanée. Et surtout de se défier des bobos philosophes.
Allez faire de la politique avec ça ? L’immigration résulte du désir de s’en sortir coute que coute, de pouvoir manger et dormir, d’être tranquille comme me dit souvent un ami marocain, là bas, « ne plus être un chien c’est mon rêve » Est-il si différent de ces jeunes français.
Que demande le peuple ? Cela ne change guère : le pain, la paix, la liberté. Que leur offrent nos dirigeants et leurs experts : moins de pain, moins de liberté et la guerre !
Un français sur quatre accepte, un autre refuse ? Et deux s’en foutent, manière de ne pas être d’accord !
Ah tout de même cela ne m’a pas coupé l’appétit ! Et si j’étais comme les autres ? Gourmand et bavard !
(à suivre peut-être)
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