Avec le soutien des députés LR et Horizons, l’extrême droite a, pour la première fois, fait adopter un texte dans le cadre de sa niche parlementaire ce jeudi 30 octobre. Une résolution pour « dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968 » aux forts relents xénophobes.
Jeudi matin, l’extrême droite est parvenue, pour la première fois, à faire adopter une proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaire du Rassemblement national.
Le texte n’a qu’une portée symbolique mais son adoption fera date. Jeudi matin, l’extrême droite est parvenue, pour la première fois, à faire adopter une proposition de loi dans le cadre de la niche parlementaire du Rassemblement national. Sur un texte qui n’aura aucune portée législative mais portant sur un thème brûlant : une résolution pour « dénoncer les accords franco-algériens du 27 décembre 1968 ».
À gauche, hormis ce vote d’Horizons, la cheffe de file des Écologistes Cyrielle Châtelain a dénoncé l’absence de nombreux parlementaires macronistes, alors que seuls un tiers des députés Renaissance et Modem ont pris part à ce vote qui s’est joué à une voix près (185 pour, 184 contre) : « Leur absence est absolument minable. Gabriel Attal se planque, il ne dit rien, au bout d’un moment ça suffit. »
Une voix, c’est aussi celle de Sébastien Chenu, qui préside la séance mais a tout de même pris part au vote, contrairement à la coutume, certes déjà bafouée par Yaël Braun-Pivet en décembre 2023 lors du vote de la loi immigration. « Je note que l’épidémie qui frappait les députés RN ces derniers jours a été résolue », a ironisé Iñaki Echaniz (PS), en référence aux révélations du Canard enchaîné concernant 18 députés lepénistes qui ont déposé des arrêts maladie le 25 octobre afin de pouvoir déléguer leurs votes tout en battant la campagne dans leurs circonscriptions.
Caricaturer ces accords de 1968
Sur le fond, l’objectif du RN était de caricaturer ces accords de 1968, qui octroient certains avantages aux ressortissants algériens (comme une carte de séjour de 10 ans renouvelables) mais aussi des désavantages (interdiction de travailler pour les étudiants, absence de « passeports talents »), jamais évoqués par l’extrême droite. Le tout en assimilant l’immigration algérienne à la délinquance et à des faits divers comme « le meurtre de la petite Lola ou le crime terroriste de Mulhouse », a scandé le rapporteur RN Guillaume Bigot.
De plus, selon les juristes il n’appartiendrait qu’un président de la République de révoquer ces accords, ce qui, fait de manière unilatérale serait de plus illégal du point de vue du droit international.
« Vous prétendez vouloir un jour diriger la France alors que votre conception de la diplomatie la plongerait vers le chaos », a ainsi dénoncé la communiste Soumya Bourouaha, qui a évoqué un « acharnement » contre l’Algérie. « Vous n’attaquez pas un accord mais une mémoire. Celle de millions d’Algériens et d’enfants d’Algériens qui chérissent la République. Et dans une République, un accord ne se casse pas unilatéralement, a ajouté l’écologiste Sabrina Sebaihi. Votre ADN politique n’a pas changé, il est raciste, revanchard et colonial. »
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Des débats houleux, lors desquels Guillaume Bigot a qualifié les rangs de la gauche de « parti de l’étranger, parti de l’Algérie ». Horizons s’est donc inscrit dans les pas de cette rhétorique xénophobe. Mais aussi antirépublicaine, en votant également la proposition visant à rétablir un délit de séjour irrégulier, avec des peines de 3 750 euros d’amende et un an de prison – rejetée via un amendement de suppression.
« Cette opposition factice serait contreproductive. Refuser aujourd’hui ce que nous défendions hier est incompréhensible pour les concitoyens », s’est défendu Xavier Albertini, député Horizons. Pourtant, s’il est un seul vainqueur aux dernières élections législatives, c’est le barrage républicain contre l’extrême droite.
Ce que rappelle le communiste Stéphane Peu, pour justifier qu’aucun membre de son groupe n’a voté les textes lepénistes, y compris celui visant à « limiter les frais bancaires injustes », un copier-coller de celui déposé en mai par Yannick Monnet (PCF) – retiré afin de préparer une proposition de loi transpartisane. « Cette technique n’est qu’une tentative de normalisation. Il est hors de question de cotiser un centime à la banalisation du RN », explique le président du groupe GDR. Horizons est, lui, tombé dans ce panneau en votant avec l’extrême droite, et pour ses idées.
2,2 milliards en 2025, 5,3 milliards en 2026 : tels sont les efforts budgétaires que l’État exige des collectivités territoriales. L’argument est simple, elles doivent aussi participer à « l’effort général ». Outre que « l’effort » demandé est loin d’être général et loin d’être équitablement réparti, il se trouve que ces chiffres sont faux.
Le Comité des finances locales, qui est loin d’être un nid de dangereux gauchistes irresponsables, a fait ses comptes. En 2025 ce sont plus de 8 milliards qui ont été ponctionnés dans les caisses des collectivités locales et, pour 2026, le chiffre grimpe en réalité à 10 milliards. À tel point que le CFL parle de « culture de la dissimulation » de la part des gouvernements Bayrou puis Lecornu.
Prises en étau entre injonction d’austérité et responsabilités accrues via les transferts de compétences, les collectivités territoriales subissent un étranglement budgétaire doublé d’une asphyxie politique. Depuis des années, et notamment avec la suppression de la taxe d’habitation, elles ont perdu une part majeure de leurs ressources fiscales.
La suppression des compensations promises pour équilibrer ces pertes les laisse le bec dans l’eau. Et quand elles ne sont pas purement et simplement supprimées, ces compensations sont conditionnées à des dépenses obligatoires liées à des objectifs nationaux.
Conséquence, les collectivités ont de moins en moins de latitude pour mettre en œuvre les orientations politiques sur lesquelles les majorités qui les dirigent ont été élues.
Étrangler économiquement les collectivités a des conséquences concrètes sur la vie des habitants en matière de services publics, de qualité de vie, de lutte contre le changement climatique.
Cela en a également en termes démocratiques. En limitant, faute de moyens, les choix politiques des exécutifs locaux, le macronisme entend ancrer l’idée selon laquelle, finalement, une seule politique est possible. Celle de cet « extrême centre » qui, comme le dit l’historien Pierre Serna, « a toujours eu une pente devant lui le menant vers l’extrême droite ».
membre du conseil national du PCF, codirecteur d’Économie&Politique
Ce numéro d’Économie & Politique paraît en un moment où beaucoup de nos lecteurs peinent sans doute à trouver le sommeil. L’an dernier, un mouvement profond de notre peuple avait imposé un rassemblement autour du Nouveau Front populaire et de son programme, et repoussé ainsi la mainmise sur l’appareil d’État des héritiers de Pétain, de Damand, de Touvier, aujourd’hui admirateurs de Trump. En 2025, la menace – dans un mois, dans un an ? – se fait plus pressante que jamais.
Leurs obsessions : briser les reins de tout ce qui peut combattre la domination du capital, à commencer par le mouvement syndical dans ses composantes les plus aguerries ; et aussi un combat pour effacer de la civilisation ce qui a fait l’histoire singulière de la France depuis trois cents ans, depuis les Lumières, la grande Révolution et les révolutions ouvrières du XIXe siècle, jusqu’aux avancées sociales et économiques de la Libération, et jusqu’aux mouvements féministes et émancipateurs d’aujourd’hui.
La responsabilité d’Emmanuel Macron dans la crise politique est accablante. Pourquoi s’obstine-t-il à imposer une politique rejetée par le pays à une écrasante majorité, jusqu’à agir, depuis dix-huit mois, comme s’il choisissait « Le Pen plutôt que le Nouveau Front populaire » ? Pour le comprendre, il suffit, derrière le personnage qui occupe le palais de l’Élysée, de reconnaître toute la férocité d’un système capitaliste en crise. Gonflée de profits, sa fraction la plus oligarchique ne parvient plus à rentabiliser cette masse de capitaux qu’au prix d’une débauche d’aides publiques qui, loin de calmer sa soif de rentabilité, l’encouragent à écraser toujours plus les deux sources de la richesse – la nature et les êtres humains au travail.
Résister à la violence du capital
La violence du capital, en France comme aux États-Unis ou ailleurs en Europe, ajoute une dimension à la crise systémique. Elle compromet encore plus la capacité de l’humanité à occuper durablement sa niche écologique. Elle mine la capacité des êtres humains à vivre en société au sein de chaque nation. Elle attise les conflits internationaux, jusqu’à l’« union sacrée » où les forces du capital semblent ces jours-ci vouloir enrôler les peuples d’Europe pour l’escalade dans la guerre déclenchée par Vladimir Poutine en Ukraine. Et elle semble transformer les traits les plus typiques de la mondialisation financière en leur contraire : le soft power de l’impérialisme américain laisse place à la guerre commerciale de Trump ; l’industrie allemande est aux abois ; le Japon connaît l’inflation ; et les services publics qui font la fierté du peuple français subissent une telle asphyxie qu’ils contribuent désormais au sentiment de déclin qui ronge le pays. L’économie française concentre toutes les faiblesses d’un capitalisme européen servilement arrimé à celui des États-Unis, quoi qu’il en coûte pour les peuples d’Europe et du monde.
C’est à cette violence du capital, relayée partout dans le monde par l’inhumanité des marchés financiers, qu’il faudrait s’attaquer pour conjurer les catastrophes annoncées.
Des forces existent autour de nous pour le faire. Les géants capitalistes de la révolution informationnelle, en façonnant le monde pour le soumettre à leurs exigences de rentabilité, créent sans le vouloir les bases matérielles et technologiques d’une civilisation dont le moteur ne serait plus l’accumulation du capital matériel et financier, mais un développement insoupçonné de toutes les capacités humaines, bref d’une civilisation où « le libre développement de chacun serait la condition du libre développement de tous », pour citer le Manifeste communiste. La montée des BRICS et du Sud global, la puissance acquise par la Chine malgré les énormes contradictions nées de son propre développement, épouvantent l’impérialisme américain. Le génocide des Palestiniens n’arrêtera pas le mouvement d’émancipation des peuples contre les restes du colonialisme.
Mais où sont les forces en France pour résister au péril imminent ?
L’obstacle qui demeure, c’est l’état de la gauche. Ses divisions, son apparente impuissance devant l’emprise de l’extrême droite sur les esprits, reflètent, plus profondément, le poids persistant de conceptions étatistes et réformistes qui ne répondent plus aux conditions du monde d’aujourd’hui. Pour répondre à la crise systémique, « on a tout essayé » depuis cinquante ans, a-t-il été dit, mais toujours en déléguant à l’État le soin de corriger plus ou moins les ravages d’un capital laissé libre de décider de la gestion des entreprises et de l’utilisation de l’argent. En ont résulté les échecs de plus en plus douloureux des expériences gouvernementales de 1981, 1997, 2012, et un profond ressentiment dans l’électorat populaire.
Une autre logique, dès le budget 2026
Comme après les échecs de Thermidor, de 1848 ou de la Commune de Paris dont la critique a ouvert la voie à la révolution de 1917, toute alternative crédible doit reposer sur un profond « renouvellement de logiciel ». C’est ce qui ressort des débats entre économistes et personnalités de toute la gauche dont notre revue a rendu compte depuis juin 2024. C’est aussi ce qui doit inspirer, dans l’urgence, l’alternative au projet de budget 2026.
C’est pourquoi notre dossier est axé sur les travaux menés sur ce sujet entre la direction du PCF et sa commission économique. Contre le chantage à la « dette », il faut renverser la perspective. Ce qui est vital, avant toute autre considération, c’est de dépenser tout ce qu’il faut pour réparer les services publics, les rénover et les développer à la hauteur des besoins. Les marchés financiers s’y opposent ? Alors, il faut, sans attendre, commencer à se rendre capable de se passer d’eux, en mobilisant les moyens immédiatement disponibles, à savoir les institutions financières publiques, branchées sur la création monétaire de la BCE, qui peuvent agir comme la première version d’un pôle bancaire public. C’est ainsi qu’on pourra porter les dépenses au niveau requis, bien au-delà de ce que pourra rapporter la taxation des « riches », et doter un puissant fonds de développement des services publics ancré sur des délibérations, des choix et des contrôles démocratiques, dès les territoires et les acteurs économiques et sociaux qui les font vivre.
Ce sera un « choc de demande ». Pour réussir, il doit s’accompagner d’un « choc d’offre », ou plutôt d’un « choc d’efficacité » : plus d’emplois, des emplois permettant à chacun de déployer ses capacités, un accès démultiplié à la formation pour toutes et tous, des investissements ciblés pour y contribuer et non pour licencier, précariser, délocaliser. Il faut engager les entreprises dans cette voie, par de nouveaux pouvoirs des salariés en leur sein, et par l’exercice, sur leur comportement, de leviers qui donnent du pouvoir à la société : des conférences locales, régionales, nationale pour l’emploi, la formation et la transformation écologique des productions ; une utilisation des prélèvements sociaux et fiscaux pour pénaliser les patrons qui s’opposeraient à cette nouvelle logique ; un nouveau crédit bancaire à taux réduit, voire nul ou négatif, pour inciter les autres à « jouer le jeu » en baissant le coût du capital qui pèse sur ces entreprises, et en leur permettant ainsi d’augmenter les salaires, de former et d’embaucher.
Face à l’urgence, un projet de civilisation pour boussole
En somme, pour surmonter le désarroi que peut inspirer l’imminence des périls, ces mesures prennent pour boussole, dans la situation d’extrême urgence où nous nous trouvons, ce que le 39e congrès du PCF a appelé l’« actualité brûlante du projet communiste », et la transition socialiste qu’il décrit vers une société libérée de l’exploitation capitaliste et dépassant les délégations de pouvoirs constitutives du libéralisme bourgeois. Nous ne nous en remettons pas à un « déjà-là communiste » qui rendrait inutiles les idées originales et l’action autonome d’un parti révolutionnaire. Nous ne nous complaisons pas non plus dans l’utopie d’un socialisme futur qui ne laisserait comme programme, en attendant, que de « gérer loyalement les affaires du capitalisme ». Nous agissons pour armer au mieux le mouvement populaire, en inscrivant la perspective révolutionnaire dans chaque proposition immédiate, dans chaque mobilisation.
Dans cette voie exigeante mais porteuse d’avenir, notre peuple a plus besoin que jamais de l’action du PCF, pour résister et pour réaliser l’unité du salariat, du monde du travail, de toutes celles et tous ceux – une écrasante majorité – qui ont un besoin vital d’empêcher le capital en crise de dégrader leur présent et de mettre en danger leur avenir. Et donc de toutes les forces politiques, sans exclusive, qui ont vocation à les représenter. Mais l’urgence est là. Que faire dans les quelques semaines, les quelques jours à venir, où le sort du pays peut basculer vers le pire ?
Même si le défi est encore plus redoutable aujourd’hui, la constitution du Nouveau Front populaire, qu’aucun stratège de parti n’avait préparée, a montré le ressort démocratique, ancré dans une espérance d’émancipation, que notre peuple possède encore.
La bonne nouvelle a été le vigoureux réveil des mouvements sociaux au mois de septembre. Il a empêché le pouvoir de tourner la page de la réforme des retraites, et il a éveillé les esprits à l’expression d’alternatives à l’austérité. C’est de ses exigences que peut naître, autour d’un projet dont le programme du NFP peut être la base de départ, un nouveau rassemblement politique respectueux, cette fois-ci, de l’apport et de la place de toutes ses composantes dans la répartition des candidatures entre circonscriptions, pour être le plus efficace possible face à l’extrême droite. En retour, une nouvelle perspective politique est précisément ce dont les mobilisations populaires ont besoin pour gagner de la force. Il est encore possible de répondre à cette attente. Économie & Politique s’attache, avec les moyens modestes qui sont les siens, à fournir des arguments, des outils, des références utiles à toutes celles et tous ceux qui s’engagent dans cette bataille.
L’examen du budget de Sébastien Lecornu démarre sous l’étroite surveillance des marchés financiers. La hausse des taux auxquels la France emprunte profite à ses créanciers sur lesquels règne l’opacité.
Un fantôme hante le débat public, celui de la dette française. Depuis plus de vingt ans, il affole les populations, court les plateaux de télé, s’invite dans les discours de nos dirigeants. « Chaque seconde, la dette augmente de 5 000 euros », grondait François Bayrou cet été.
L’examen à l’Assemblée nationale du budget de son successeur, qui prévoit 30 milliards d’euros d’économies, se déroule sous l’étroite surveillance des « marchés ». La récente dégradation de la note française par l’agence S & P (de AA – à A +) vient apporter de l’eau au moulin des défenseurs de l’austérité.
Qui encaisse les intérêts de la dette française ?
Il manque néanmoins un absent de taille à ce débat : si la France emprunte, c’est qu’il existe des prêteurs pour acheter sa dette. Et lorsque les taux d’intérêt grimpent, c’est qu’ils font les affaires de certains.
En 2026, la France empruntera 310 milliards d’euros sur les marchés financiers. Concrètement, l’Agence France Trésor (AFT), sorte de superbanquier siégeant à Bercy, ira vendre aux enchères, chaque mois, des obligations assimilables du Trésor (OAT, ou obligations d’État). Comme dans n’importe quel prêt, ce dernier n’est pas gratuit : l’État va verser plus de 59 milliards d’euros d’intérêts à ses créanciers – c’est la « charge » de la dette.