Il y a eu trois moments ou je n’ai pas été insensible au prise de positions du courant gaulliste : en 1958 quand De Gaulle laissait supposer qu’il allait mettre un terme à la guerre d’Algérie en 1958, son discours de Phnom Penh ou il condamnait la politique des Etats – Unis en Indochine en 1966 et l’intervention de Dominique Villepin contre la guerre en Irak (2003) Cela m’a suffit pour considérer que je devais être attentif à ce que des représentants d’une certaine bourgeoisie peuvent parfois dire et surtout faire…
Posté par jacques LAUPIES le 19 avril 2025
« Le pouvoir de dire non » : l’essai au parfum présidentiel de Dominique de Villepin
Dans un manifeste intitulé le Pouvoir de dire non, l’ancien premier ministre de Jacques Chirac pousse ses pions. Publié sur internet, son texte établit une véritable doctrine visant à s’adresser au-delà de sa famille politique d’origine.

© Jumeau Alexis/ABACA
S’il réfute pour l’instant toute ambition présidentielle, Dominique de Villepin vient pourtant de publier un texte aux allures de manifeste. Mis en ligne le 7 avril sur le site du Grand Continent, Le pouvoir de dire non se présente comme un diagnostic de l’état du monde autant qu’une projection de ce que devrait être la politique française face à un « changement d’ère ».
Ce document de 48 pages ne se limite pas à une réflexion géopolitique, atout majeur de l’ancien ministre des Affaires étrangères de Jacques Chirac, dont le discours à l’ONU contre la guerre en Irak en 2003 a marqué l’histoire. Son titre renvoie directement à ce « non » de la France qui empêcha les Nations unies de donner leur onction à l’invasion américaine. Il va plus loin, en soumettant des pistes pour la politique étrangère française, pour l’Europe, et, in fine, pour la politique intérieure.
Selon cette « pièce de doctrine », ainsi que la qualifie son éditeur, le monde ne traverse pas une simple crise mais un basculement historique, que Villepin relie à cinq « modes d’épuisement » empruntant à la figure de Prométhée : l’épuisement écologique (ressources, climat, biodiversité), celui de la mondialisation, de la force militaire (échecs en Irak, Afghanistan, Sahel), de la logique marchande, et de l’humanité elle-même, à travers la « dataïsation » du monde, nouvelle forme de domination exercée par les géants du numérique.
Le « nouvel âge de fer »
Dans ce tableau, le trumpisme est présenté non comme une cause, mais comme un symptôme d’une « économie morale fondée sur la domination ». En face, « la Russie ne revient pas à l’empire, elle ne l’a jamais quitté », tandis que la Chine se construirait comme un royaume de contrôle et d’autosuffisance, « un monde en soi ». L’Europe, quant à elle, apparaît comme un contre-modèle, fondé sur le droit et le compromis, mais menacé d’implosion par les extrêmes droites.
Le diagnostic est implacable et difficile à contester. Mais comme il ne « suffira pas de dire non », Villepin tente de tracer un chemin, d’esquisser une réponse française et européenne à ce « nouvel âge de fer ». Il identifie deux camps : celui de « la Contre-Révolution », qui veut « abolir l’héritage des Lumières, restaurer l’ordre par la peur et imposer la soumission, en exaltant le mythe d’une pureté originelle » et celui des « enfants de la Révolution », aujourd’hui divisés entre « ceux qui veulent prolonger l’élan révolutionnaire » et « ceux qui veulent consolider les acquis et préserver ainsi le centre des dérives autoritaires ». L’enjeu, écrit-il, est double : « maintenir l’unité entre ces deux courants, seule chance de l’emporter dans des démocraties où l’illibéralisme progresse ; et faire émerger une lecture modérée, capable d’exercer le pouvoir sans trahir ses principes ».
La volonté d’une « fiscalité équitable »
C’est dans cette volonté de synthèse que peuvent surgir les désaccords. Car Villepin va jusqu’à avancer une série de propositions qui forment l’ébauche d’un programme. Il place la « diplomatie climatique » au cœur d’un « nouvel acte républicain » qui se veut refondateur tant pour la France que pour le monde. Il suggère d’inscrire la neutralité carbone en 2050 dans la Constitution, comme un objectif « contraignant et opposable ». Il appelle à « reprendre la main sur les secteurs stratégiques : énergie, eau, numérique, transports, alimentation ». Non pour interdire, mais « pour planifier ». Un message que ne renieraient pas de nombreux électeurs de gauche, y compris chez les insoumis.
L’ancien Premier ministre propose aussi un plan quinquennal pour construire « 500 000 logements par an », autant pour des raisons énergétiques que pour « garantir à chacun les moyens de vivre dignement, de penser librement et de choisir sa voie sans être assigné à sa condition ». « Cela suppose une fiscalité équitable, qui corrige, redistribue et valorise l’effort, avec un accès réel aux droits fondamentaux : la santé, le logement, l’emploi, la mobilité », insiste-t-il.
Celui qui se réclame du gaullisme veut rassembler au-delà de son camp, mais il lui faudra lever certaines ambiguïtés. Comment se concrétiserait cette « fiscalité équitable » ? Que signifie ce « pas de côté » sur les retraites, sinon une échappatoire floue ? Sans réponses claires, ce manifeste pourrait bien n’être qu’un sursaut rhétorique, même s’il faut en saluer l’existence, tant la droite dont l’ancien premier ministre est issu, s’est enfoncée dans une faillite politique, morale et intellectuelle.