Peut-être faut-il citer la jeune représentante brésilienne de « l’assemblée internationale des peuples » aux 11es rencontres internationalistes de Vénissieux le 16 novembre dernier, « la crise est structurelle, elle trouve son origine dans le système productif (…), sa première caractéristique est la crise économique, la deuxième est la crise environnementale, la troisième la crise démocratique, la quatrième la crise sociale ». Elle caractérise la crise environnementale, comme « la logique d’appropriation des biens communs de la nature par des intérêts privés dans le but du profit ». Comme disait Marx, le capital épuise la terre et le travailleur…
La crise climatique n’est pas une question « supplémentaire », en dehors de la crise du capitalisme, elle est au contraire l’exaspération de la dimension environnementale de la crise du capitalisme mondialisé.
C’est pourquoi les communistes doivent porter leur propre analyse sur l’enjeu climatique avec une double exigence :
– d’abord il y a urgence, la terre brule comme disait l’autre, mais non, nous ne regardons pas ailleurs, le profit regarde ailleurs, le capital regarde ailleurs ! L’enjeu climatique est profondément un enjeu de classe. Parce-que les plus pauvres en sont les premières victimes, alors que les plus riches peuvent payer pour s’aménager un cadre de vie adapté ! Parce-que les plus cyniques calculent à partir des « limites planétaires », que la terre ne peut accueillir autant d’humains et qu’il faut en faire disparaitre plusieurs milliards, évidemment les plus pauvres. Mais plus profondément encore parce-que seule la planification peut orienter les activités humaines dans l’égalité et la fraternité en tenant réellement compte des besoins humains et des limites planétaires. Et que le capitalisme est incapable d’une planification s’imposant au profit, que seul le socialisme, sous toutes ses formes, en est capable, comme le montre la Chine depuis dix ans.
– ensuite parce-que l’enjeu climatique est devenu une arme idéologique manipulée dans tous les sens, et que sans un point de vue populaire du climat, une partie des milieux populaires peut être entrainée dans une colère anti-système poussant au déni climatique. « De toute façon, on est dans l’injustice, climat ou pas… ». Comme pour le racisme et l’extrême-droite, si on en reste au débat médiatique dominant, à une bataille de valeurs, si on réduit comme le font le plus souvent les écologiste et les insoumis, la question climatique à une question de comportement personnel, de modes de vie, de consommation à réduire, on cache le système derrière le climat, on cache donc les contradictions, les injustices, et le peuple ne peut que rejeter ce discours « petit-bourgeois ».
Pour le PCF, il y a donc deux écueils qui exige une approche dialectique pour « penser les contradictions »
– d’un coté, on doit reconnaitre l’urgence climatique en affirmant que le climat et plus généralement l’environnement sont des enjeux de classe et être les plus engagés dans la défense des milieux populaires et du monde du travail face à la crise climatique. Isolation et confort thermique pour tous, mobilité décarbonée pour tous, alimentation saine pour tous, réindustrialisation massive pour un emploi digne et qualifié pour tous…
– de l’autre, on doit combattre le discours climatique dominant à gauche centré sur les comportements individuels, les modes de vie. Il faut montrer l’incohérence et l’injustice des politiques climatiques conduites par la gauche et la droite depuis des années. Ainsi un développement du photovoltaïque fondé à la fois sur la privatisation et la marchandisation de l’électricité et sur un développement anarchique tiré par le marché du « votre toit vous enrichit » dont profitent les propriétaires, et que paient tous les consommateurs, y compris les plus pauvres, tout en accompagnant la désindustrialisation, important massivement tous les composants nécessaires. Devant le mur de l’échec avec l’explosion des prix de marché de l’électricité en 2022, le pouvoir a du revenir sur le projet Hercule comme sur la sortie du nucléaire, mais le modèle économique reste le même.
Oui, le plan climat du PCF est une excellente nouvelle et il doit être amélioré, renforcé, diffusé, utilisé par nos parlementaires comme référence de leurs amendements, propositions de lois, déclarations…
Quel rapport entre un scénario climatique et un projet de société ?
Certains croient que ce plan climat devient en quelque sorte le projet de société du PCF, d’autres au contraire, que le projet de société n’a rien à voir et qu’il faut en discuter indépendamment. Les deux positions sont fausses. C’est bien parce-que la crise environnementale est une des dimensions de la crise du capitalisme que notre projet de société doit inclure notre projet pour le climat, l’environnement, la biodiversité !
Bien sûr, notre projet de société ne se réduit pas à notre plan climat, mais les deux doivent être cohérents, pas seulement un plan climat comme un chapitre de notre projet de société. Car les liens entre les dimensions économiques, environnementales, culturelles, militaires, sociales de la crise sont si denses qu’on ne peut pas discuter d’environnement sans discuter d’économie, sans discuter de social, sans discuter de culture. Mais le plan climat doit clairement s’inscrire dans la perspective du changement de société, et notre projet de société, que je propose comme d’autres d’appeler le socialisme à la française du XXIe siècle, doit affirmer qu’on peut développer une société décarbonée, juste, organisant la gestion publique d’une nature considérée comme le cadre indispensable de la vie humaine, de la société, et donc du socialisme.
Rappelons que les premières aires naturelles protégées du monde ont été créées par l’URSS naissante [1], que le premier plan d’agroforesterie était lancé par l’URSS en 1948, avant que Khrouchtchev ne s’aligne sur le modèle intensif américain de l’agriculture « chimique ». Rappelons aussi que plusieurs rapports internationaux ont désigné Cuba comme le leader mondial du développement durable, malgré la violence du blocus US. Peut-être faut-il regarder le plan cubain à long terme pour faire face au changement climatique adopté en 2017, appelé Tarea Vida (Objectif vie).
Notre dernier congrès a affirmé la nécessité d’un débat sur notre projet de société, il faut l’ouvrir, mais nous avons fait un pas important en publiant le plan climat dans sa première version, car notre projet de société ne peut être un discours théorique pour marxiste, mais doit pouvoir être présenté comme un programme d’actions concrètes permettant de faire le lien entre la lutte dans les conditions actuelles, ce qu’un gouvernement communiste ferait pour organiser la rupture, et aussi esquisser la visée à long terme d’une autre société, pour nous le socialisme. (voir la proposition ancienne de 5 chantiers communistes)
Comment faire vivre le plan climat, comment le faire évoluer ?
Il faut d’abord faire connaitre les points forts de ce plan climat, ce qui en fait un scénario radicalement différent notamment du scénario negawatt qui inspire le reste de la gauche. Le premier point fort de notre plan « empreintes 2050″, c’est qu’il est fait pour les milieux populaires ! Il démontre qu’il est possible de sortir des énergies fossiles en 2050, tout en proposant des « Jours heureux » aux Français avec une amélioration des conditions de vie d’une grande majorité de la population. Il affirme que toutes et tous auront accès aux vacances, au droit à la mobilité, que toutes et tous seront bien logés, bien chauffés, dans des maisons ou appartements assez grands, que toutes et tous auront accès à une alimentation de qualité.
Sa première affirmation, c’est qu’il n’y a pas de réponse à l’urgence climatique sans réponse à l’urgence sociale, que la justice sociale est la première des mesures écologiques urgentes ! C’est pourquoi, nous disons qu’il faut à la fois une très forte réduction des consommations fossiles, et une très forte augmentation de production d’électricité pour répondre à tous les besoins, un renforcement radical de tous les services publics pour assurer l’égalité partout.
Sa deuxième affirmation, c’est de constater que les émissions d’un français se réduisent depuis 2015, mais que son impact carbone augmente, par le poids des importations. C’est la désindustrialisation qui permet la réduction des émissions. Notre plan climat affirme qu’il faut évaluer l’empreinte globale, et il en tire son nom « empreintes 2050″. Il prend donc en compte une réindustrialisation massive dont les conditions économiques, technologiques, internationales, sociales restent évidemment un immense chantier.
Enfin, ce travail est une première, car il cherche à rendre cohérente des revendications diverses en les intégrant dans un modèle technique évaluable par rapport aux autres scénarios. C’est la source de discussions légitimes sur différents sujets
– il faut le développement du rail, mais jusqu’ou ? diviser par 2 ou par 10 le fret routier ? Il y a les propositions sur ce sujet de la CGT des cheminots, mais il faut aussi intégrer le coût des infrastructures nécessaires, donc de l’acier nécessaire, le besoin énergétique correspondant, et le réalisme d’une croissance du rail qui en France, n’aura sans doute pas le rythme chinois, pour de nombreuses raisons.
– il faut garantir le droit à une mobilité décarbonée, et donc réduire fortement la voiture thermique, en part modale notamment en agglomération, mais aussi dans le parc automobile. Mais quel rythme réaliste pour les familles populaires qui ne peuvent se payer un véhicule électrique couteux, et réaliste pour la transformation de notre filière industrielle de l’automobile ? Quel rythme réaliste de renforcement des réseaux de transport urbains ? combien de kilomètre de métro, de tram ?
– il faut un logement de qualité pour tous, donc construire beaucoup, mais il y a aussi des logements vacants, inoccupés, des transformations familiales qui font exploser le nombre de logements nécessaires en réduisant le nombre de personnes par logement. Le scénario negawatt propose lui clairement de réduire le nombre de m2 par personne logée.. Nous le refusons, mais la répartition géographique des populations est un enjeu important du logement, entre zones hypertendues et zones en voie de désertification…
– il faut une alimentation saine pour tous, et donc évaluer la part de viande dans cette alimentation. D’autres scénarios reposent sur une très forte réduction de l’alimentation carnée, nous proposons moins de viandes, mais de meilleure qualité. Peut-on réellement proposer de nourrir sainement l’ensemble des Français avec une agriculture familiale de proximité ? Les cubains qui n’ont pas le choix sont en difficulté sous le blocus. Mais ne faut-il pas regarder aussi ce que l’industrialisation permet dans la production de protéines (pisciculture, viande synthétique, protéines végétales…) ?
Un débat des communistes pour une bataille idéologique de masse
Sur tous ces sujets, il y a de nombreux débats, sur les solutions techniques, sur leur dimensionnement. L’équipe qui élabore le plan climat doit nous garantir la cohérence de ce plan, les liens entre les différentes activités humaines, combien d’acier pour le rail, combien de béton pour le logement, combien d’énergie pour les mobilités, combien d’emplois consommateurs d’énergie, de surface, de logistique… ? Ce travail a une dimension technique qui ne se partage pas facilement. Un des enjeux de l’amélioration de ce plan climat est d’élargir le cercle de connaissance militante sur le modèle lui-même, l’interaction entre ses différentes parties, les conditions de sa cohérence globale, pour que le modèle soit porté le plus massivement possible par les communistes.
L’évolution de notre plan doit être en dialogue permanent avec tous les acteurs sociaux, syndicaux, économiques, technologiques… Ce ne peut être un débat « en chambre », mais un débat politique et public avec le mouvement social et syndical. Car d’ici 2050, la science, les techniques, les conditions économiques et sociales auront beaucoup changées. Car pour sortir de la crise capitaliste et de la guerre mondiale, il y a nécessité de transformations profondes du modèle économique, industriel, de distribution, et de transformations des pratiques, des usages. C’est tout le débat sur la sobriété, qui pour certains est en fait un moyen déguisé de parler d’austérité, non pas de réponse aux besoins, mais au contraire, de réduction des attentes, des espoirs en une vie meilleure. C’est toute l’idée de progrès social, économique, culturel qui est nié par des discours conservateurs se cachant derrière la « sobriété heureuse ».
Beaucoup de jeunes sont sensibles à ces discours, à partir de l’expérience de la pauvreté qui conduit à s’adapter à une vie peu dépensière. On peut supprimer sa télé, ne plus manger de viande, ne jamais prendre l’avion, et pourtant avoir une vie sociale de proximité riche et passionnante. Mais une telle perspective ne peut être que celle d’une minorité, le plus souvent de couches moyennes éduquées. Elle ne permet pas de répondre aux attentes des familles populaires, des familles ouvrières, de ceux dont le travail nécessite plus d’énergie. Elle ne tient pas compte du grand nombre de familles populaires ayant des liens avec des proches partout sur la planète et qui donc ont besoin de déplacements périodiques en avion. Elle ne tient pas compte des traditions culinaires, culturelles autour de l’alimentation qui doivent être respectées.
Porter les « jours heureux », c’est affirmer que nous nous battons pour que tout le monde ait accès au confort, à ce qui se fait de mieux dans chaque domaine. Oui, nous défendons le progrès, pas un progrès de la gabegie, du gaspillage, de la consommation marchande et publicitaire, mais un progrès qui permette à tous de se déplacer, se loger, se vêtir, manger, se cultiver, s’amuser sans autres limites que celles que nous fixons collectivement et démocratiquement parce-que nous sommes conscients des limites planétaires.
Quand Macron nous parle du climat, c’est pour nous serrer la ceinture, pendant que les plus riches continuent leur gabegie. Le défi climatique est trop sérieux pour le laisser aux élites capitalistes. Les communistes proposent ce plan Empreinte 2050 pour sortir des énergies fossiles en proposant des « Jours heureux. Nous devons poursuivre le travail de ce plan climat dans la perspective du socialisme pour la France, dans un monde décarboné et débarrassé des guerres !