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Enfin l’enquête que nous attendions…

Posté par jacques LAUPIES le 30 novembre 2024

Experts en rien, présents sur tous les plateaux de BFM à Cnews… Enquête sur la plaie des toutologues

La figure du supposé expert médiatique est devenue un incontournable des plateaux de télévision. Mais comment expliquer la multiplication de ces professionnels du commentaire qui meublent le temps d’antenne au détriment d’autres paroles ? Comment devient-on expert en tout et en rien ? Qui sont-ils et que disent-ils du paysage politique ?

Médias

 

11min

Publié le 28 novembre 2024

Enfin l'enquête que nous attendions... dans POLITIQUE
L’économie en flux tendu des chaines d’info les oblige à occuper l’antenne – parfois à la dernière minute-, avec du contenu original pour se différencier de la concurrence.
© Benoit Durand / Hans Lucas / Hans Lucas via AFP

« À vous dans 10 minutes ! » lance le régisseur à l’intention des trois intervenantes qui poireautent dans l’antichambre du plateau de télévision. Comme tous les soirs, cette célèbre émission de talk-show d’une grande chaîne d’information privée s’apprête à recevoir des invités pour débattre d’un sujet de haute importante. Ce soir-là, des « répercussions identitaires » de la dispute entre Inès Reg et Natasha Saint-Pierre dans le télé-crochet « Danse avec les stars ». Soudain, l’éditorialiste star arrive perchée sur ses bottes blanches en cuir. « Je ne savais pas de quoi on allait parler, je viens de voir le sujet, c’est vraiment débile », siffle-t-elle.

Apprendre son sujet à dix minutes de la prise d’antenne et en parler comme si on l’avait savamment soupesé, telle est l’une des prouesses dont on crédite les « toutologues » (les « experts en tout »), ces prodiges de la parole capables de palabrer sur une panoplie de sujets avec le même aplomb, en assénant leur opinion. En langage savant, on parle d’ultracrépidarianismesoit l’art de s’exprimer en dehors de son domaine de compétence. Et sur les plateaux télé, ils sont absolument partout, de BFM à CNews en passant par LCI ou France Info.

Derrière ce néologisme lui aussi fourre-tout, cohabitent une multitude de profils. Vrais experts intervenant sur un sujet hors champ, faux chercheurs qui n’ont jamais publié d’article académique, éditorialistes, chroniqueurs, consultants, lobbyistes et communicants… Difficile pour le téléspectateur de se retrouver dans ce boucan médiatique où il ne sait plus d’où et au nom de quoi ces « experts » prennent la parole. Si depuis l’invention de la télévision, écrivains et intellectuels se sont toujours succédé dans les émissions, c’est l’avènement des chaînes d’information en continu, et leur mise en concurrence, qui a participé à l’arrivée de ces spécialistes du commentariat.

« Même si ce n’est pas leur dossier, ils feront le job »

L’économie en flux tendu de ces chaînes exige que l’antenne soit en permanence occupée avec du contenu original pour se différencier de la concurrence. Mais au moindre coût. Pour ce faire, les chaînes d’info se sont dotées de professionnels – les programmateurs – chargés de trouver en urgence les invités les plus pertinents pour assurer la tenue d’une tranche horaire ou d’une émission. Mais la contrainte de temps, de disponibilité – et le fait que certains chercheurs, dans une posture bourdieusienne, refusent les codes télévisuels qui empêchent de développer sa pensée – peuvent souvent les conduire à se « rabattre sur des solutions de facilité ».

Bastien, programmateur pigiste pour France Info TV, le reconnaît : « Un plateau ne peut pas être vide. Quoi qu’il arrive, il faut toujours que l’on trouve quelqu’un. Si au bout d’un moment, la piste d’un chercheur ne fonctionne pas, on part sur les toutologues qui s’adaptent facilement aux thématiques qu’on peut leur imposer. Nous les connaissons. Nous savons que même si ce n’est pas leur dossier, ils feront le job. »

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Pour se faciliter la tâche, les chaînes se constituent même un pool d’intervenants, dont certains sont rémunérés, prêts à répondre présent au dernier moment. « Pendant les législatives, la rédaction nous a donné une liste d’une trentaine d’habitués des plateaux. Ils venaient tous les jours, mais dans des émissions différentes », explique Valentin, qui travaillait jusqu’à peu pour BFMTV.

Qu’est-ce qui les rend si désirables aux yeux de ces faiseurs de plateau ? « Un bon invité sait parler longtemps pour ne pas laisser de blanc. On évite ceux qui disent qu’ils ne savent pas », affirme le jeune journaliste. Le toutologue n’a pas à se déclarer incompétent : cela reviendrait à admettre que la chaîne l’a invité pour de mauvaises raisons.

« Heureusement que j’avais vu ”The Crown” ! »

Regard droit et sourire sympathique, costumes aux coupes impeccables. Impossible d’avoir manqué Benjamin Morel dans les semaines qui ont suivi la dissolution à la télévision. Pour le coup, on ne peut pas accuser le maître de conférences en droit constitutionnel à Panthéon-Assas de ne pas connaître sa discipline. Selon ses dires, entre le 9 juin et le 22 juillet, il a consacré tout son temps à des interventions médiatiques. Mais, outre ses compétences juridiques, cet habitué des plateaux se retrouve parfois interrogé sur des sujets bien éloignés de son champ d’expertise, comme il le confie à « l’Humanité magazine ».

Benjamin Morel se souvient très bien, par exemple, du 9 avril 2021. Le juriste est invité pour parler de politique française, mais le breaking news le rattrape : le prince Philippe d’Angleterre vient de mourir. Pas le temps de faire venir d’autres spécialistes. Les programmateurs s’en remettent donc à lui, qui attend en loge et accepte de dépanner par solidarité avec la présentatrice.

« Objectivement, mes connaissances sur le prince Philippe étaient très limitées. Heureusement que j’avais regardé la première saison de ”The Crown” ! » en rigole aujourd’hui le constitutionnaliste, qui a dû arrêter son analyse aux années 1960 faute d’avoir visionné les saisons suivantes de la série Netflix : « Il faut avoir la capacité de réorienter ce que vous dites, sans jouer les imbéciles et raconter n’importe quoi », résume-t-il.

Mais quand l’expert ne bénéficie d’aucune légitimité académique, comment s’assurer de sa crédibilité ? La sortie d’un livre est un puissant levier de légitimation, peu importe sa qualité. « Sur un sujet donné, on va regarder qui a déjà écrit dessus. Et on guette en permanence les sorties d’ouvrage », nous confie le programmateur d’une émission de talk-show. Quand on est profane, on se rattache à des « éléments de surface » comme le livre, à en croire le chercheur Nicolas Gauvrit, coauteur avec Sébastian Dieguez de « l’Expertise sans peine ».

L’essai, l’ultime instrument de légitimation

« Les médias attribuent une certaine importance aux livres, alors que chez les universitaires, les livres ne comptent pas beaucoup », poursuit ce mathématicien qui a eu l’idée de cet ouvrage agacé par les impostures scientifiques lors du Covid. Car un auteur d’essai n’est jamais relu que par un éditeur, et non par ses pairs, contrairement à une publication dans une revue scientifique. « Il existe une certaine facilité à se faire éditer. Il suffit que l’éditeur y voie un intérêt commercial », poursuit Nicolas Gauvrit. Voir le pullulement d’essais en tous genres sur les étagères des librairies.

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Celui ou celle qui voudrait garder un rond de serviette sur les plateaux a tout intérêt à publier souvent, et si possible sur un spectre large, pour montrer sa capacité à intervenir sur tous les sujets, qualité recherchée des programmateurs. Six essais en quatre ans, par exemple. Tel est le CV de Chloé Morin, présentée comme politologue et « spécialiste de l’opinion ».

Ex-directrice de l’opinion de la Fondation Jean-Jaurès, cette diplômée de Sciences-Po (non titulaire d’une thèse en science politique) peut être lue indifféremment dans « l’Opinion », « Libération », « le Monde », « le Figaro » ou encore « le JDD » et tient des chroniques régulières pour « Marianne », « la Montagne » et « le Point », qui l’a recrutée début septembre 2024.

On a donc pu profiter de son « expertise » sur le manque d’eau dans l’émission « C dans l’air » de France 5, avant de la lire au sujet de la lecture à l’école dans une tribune pour « l’Opinion ». Mais Chloé Morin a tout de même un sujet de prédilection : le « wokisme ». Sujet pratique, puisqu’il permet d’être expert d’à peu près tout, pour peu qu’on mobilise le terme. Ainsi, sur un plateau au sujet du cinéma français, Chloé Morin peut affirmer : « L’académie des Césars est convertie aux préceptes woke, qui minent la société américaine. »

L’opinion, ce grand fourre-tout

Car se dire spécialiste de l’opinion est surtout une manière de donner la sienne. Et l’analyse de l’opinion est un fourre-tout assez large pour permettre la prolifération de spécialistes souvent rattachés à des think tanks ou des cabinets de conseil en communication en quête de visibilité médiatique pour se légitimer aussi auprès de leur clientèle – des « experts » qui défendent surtout des positions libérales sur l’économie.

C’est le cas de Backbone Consulting, domicilié rue de la Boétie, à Paris, à l’angle des Champs-Élysées. Ce cabinet de gestion de réputation et de conseil aux dirigeants, spécialiste de la communication de crise, compte parmi ses clients Carglass, Chanel ou l’UNFP. Sa fondatrice, Véronique Reille-Soult, écume presque quotidiennement les plateaux.

« Pas pour donner son avis », assure-t-elle, mais pour « servir de porte-voix de ce que l’on peut observer, car notre métier est d’étudier l’expression de l’opinion ». Habituée des « Informés » de franceinfo, elle y est présentée comme maîtresse de conférences à Sciences-Po, alors qu’elle n’est en réalité que « chargée d’enseignement ». Être maîtresse de conférences nécessite au minimum l’obtention d’une thèse, donc d’une publication examinée par ses pairs.

Selon Véronique Reille-Soult, « Backbone ne fait pas de la recherche, mais de la veille, de l’analyse des mouvements sociétaux sur les réseaux sociaux ». « Comme notre propos est de regarder l’expression de l’opinion, et que globalement maintenant, tout le monde s’exprime sur tout, on peut étudier tous les sujets », explique-t-elle.

« Aujourd’hui, on parle de tout »

Outre les humeurs des internautes et des communautés numériques, Backbone dit pouvoir, grâce à ses outils, analyser la popularité de la figure d’Alexeï Navalny dans l’opinion publique russe en se basant sur les émojis qui lui sont associés. Mais aussi scruter la communication digitale de Modi« champion des interactions sur Instagram avec 43 millions d’abonnés », ce qu’elle était allée expliquer en tant « qu’experte » sur Public Sénat. Un champ d’intervention large, donc. Toutologie ? Véronique Reille-Soult balaie : « Je ne considère pas être une toutologue parce qu’il se trouve que ce n’est pas mon avis, mais celui des gens. Et aujourd’hui, tout le monde s’exprime sur tout. »

Cette extension du domaine de la parole, Christophe Barbier la constate depuis quinze ans, y compris chez les éditorialistes. Une catégorie particulière de journalistes dont on attend qu’elle donne son opinion. « Il ne faut pas que ce soit une opinion gratuite, mais une argumentation qui peut être contredite par une autre », soutient l’ancien directeur de « l’Express ».

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Sauf que ces commentateurs sont de plus en plus amenés à prendre position sur des faits qui, il y a quelques années, n’auraient pas relevé du politique. « Il existe une idéologisation des faits divers et des zones étranges où l’on nous sollicite pour tirer l’analyse d’un fait vers la politique », considère l’homme qui traîne son écharpe rouge depuis trente ans à la télévision. Des débats qui revêtent le plus souvent un caractère identitaire, appelant à « un durcissement de l’opinion, et une montée en virulence des débats d’experts et d’éditorialistes », regrette Christophe Barbier.

La montée en puissance de la toutologie s’accompagne d’une droitisation des contenus, relève l’historien des médias Alexis Lévrier : « La parole de droite, voire d’extrême droite vaut très cher dans des médias. Les chaînes d’information en continu ont tendance à mimer CNews et à diffuser ces discours devenus mainstream. » Où s’arrête le commentariat et où commence la propagande politique ? Et que reste-t-il de l’expertise et de la parole médiatique dans ce grand mélange des genres ? Il doit bien y avoir un toutologue qui pourrait nous répondre…

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Sous pression, Michel Barnier capitule face à l’extrême droite et recule sur l’AME

Posté par jacques LAUPIES le 29 novembre 2024

 

Menacé de censure par le NFP et le RN, Michel Barnier a fait le choix de céder aux demandes de l’extrême droite de Marine Le Pen en actant un recul sur l’aide médicale d’État (AME). La gauche dénonce un déshonneur.

Politique

 

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Publié le 28 novembre 2024

Sous pression, Michel Barnier capitule face à l’extrême droite et recule sur l’AME dans POLITIQUE p2-3-barnier-edited
À ses trousses, l’ensemble des forces du NFP menacent de le censurer, révoltées par le caractère austéritaire des deux textes comme par le contournement du Parlement.
© Karim Daher / Hans Lucas

Pour sauver sa peau, Michel Barnier accepte de vendre son âme à l’extrême droite. Depuis qu’il a annoncé sa volonté d’engager la responsabilité du gouvernement en appliquant l’article 49.3 de la Constitution pour faire adopter à la fois le budget de l’État et celui de la Sécurité sociale, le premier ministre manque d’air.

À ses trousses, l’ensemble des forces du NFP menacent de le censurer, révoltées par le caractère austéritaire des deux textes comme par le contournement du Parlement. « Il faut une censure rapide ! tonne Ian Brossat, sénateur communiste et porte-parole du PCF. Ce gouvernement n’a aucune légitimité pour appliquer cette politique. Il faut protéger les Français de ce gouvernement de forcenés. » « Le premier ministre préfère tomber que discuter. Nous ne le sauverons pas ! », promet Cyrielle Chatelain, présidente du groupe Écologiste et social à l’Assemblée nationale.

C’est vers le Rassemblement national que le gouvernement a fait le choix de se tourner ce jeudi pour se donner du souffle, en lui offrant un lot de « victoires », comme revendiqué par Jordan Bardella. Baisse des soins pris en charge par l’aide médicale d’État (AME) pour les sans-papiers, suspension de la hausse envisagée sur l’électricité, réflexion sur la proportionnelle… Pour le gouvernement, tout est bon pour éviter la chute promise.

« Michel Barnier ajoute le déshonneur à la faiblesse »

Depuis quelques jours, l’extrême droite, vexée de voir ses « lignes rouges » être ignorées par l’exécutif, laissait fortement entendre que ses troupes pourraient mêler ses voix à celles de la gauche pour censurer le gouvernement. « Aucune de nos mesures n’a été, même hypothétiquement, inscrite dans la proposition budgétaire du gouvernement », dénonçait encore Marine Le Pen, ce jeudi, dans le Figaro.

« On a donné sa chance à Michel Barnier, et finalement, il n’a rien négocié avec le RN ! » surenchérissait dans la foulée Sébastien Chenu, député RN du Nord, chez LCI. Pour le gouvernement, l’heure a rapidement été à la panique. En guise de réaction, tôt ce jeudi, le ministre de l’Économie et des Finances, Antoine Armand, amorçait déjà la reculade à venir, déclarant être prêt à faire « des concessions » sur les textes budgétaires afin d’éviter la « tempête » économique et financière qu’entraînerait selon lui la chute du gouvernement.

Quelques heures plus tard, Michel Barnier passe lui-même aux actes. Dans un premier temps, il annonce au Figaro qu’il décide « de ne pas augmenter les taxes sur l’électricité dans le projet de loi de finances 2025. Cela permettra une baisse des prix de l’électricité de 14 %, qui ira donc bien au-delà de la baisse de 9 % prévue initialement ». Et d’une ligne rouge en moins, dont le RN tire les marrons du feu, alors que le NFP l’exigeait aussi.

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Puis, le premier ministre va plus loin, annonçant s’attaquer à l’AME, symbole de l’obsession de l’extrême droite contre les sans-papiers. « Nous n’allons pas la supprimer, mais le panier de soins pris en charge va être sensiblement diminué, dévoile-t-il. En outre, nous allons engager dès l’an prochain une réforme de l’AME pour éviter les abus et les détournements. »

Enfin, pour contenter davantage l’extrême droite, le premier ministre précise avoir demandé une évaluation sur « toutes les options possibles » pour « introduire la proportionnelle dans le scrutin législatif ». Là encore en suivant une revendication de longue date du RN, et en ignorant les travaux de la gauche sur le sujet. « Nous serons en mesure de présenter un projet de loi au début du printemps, dès que le calendrier législatif nous le permettra », promet-il alors. Michel Barnier a également confié vouloir trouver un compromis sur la question de la hausse des cotisations patronales, ce dont s’est réjoui Jordan Bardella.

Sans surprise, ces offrandes accordées à l’extrême droite font bondir la gauche, qui y voit une preuve de la fragilité du gouvernement, comme de sa démission morale. « Barnier offre une victoire immense à l’extrême droite, en particulier avec ses propos sur l’AME, déplore Sarah Legrain, députée FI de Paris. Quelle sera la prochaine étape ? Leur promettre de jeter les migrants à la mer ? Barnier ajoute le déshonneur à la faiblesse. À la fin, il ne récoltera que la censure. Même en cédant au RN. » « C’est un gouvernement aux abois condamné à faire des œillades à l’extrême droite, dénonce Ian Brossat. Concernant l’AME, c’est un scandale et une fausse économie uniquement pensée pour faire plaisir à l’extrême droite dont les conséquences sanitaires seront terribles. L’idée d’un appel d’air créé par ce droit ne résiste pourtant pas à l’épreuve des faits. »

Jordan Bardella en veut plus

D’autres reculs sont-ils à redouter ? C’est en tout cas ce qu’espère Jordan Bardella qui, sentant la crainte du premier ministre, a publié à la suite de ces annonces multiples une liste d’exigences à contenter. Avec, en particulier, un « sérieux tour de vis migratoire et pénal » : « Notre pays ne peut plus accueillir une immigration de masse qui bouleverse son identité et pèse lourdement sur ses comptes publics », a-t-il écrit sur X.

Puisque le chef du gouvernement cède avec tant de facilité à l’extrême droite, pourquoi se priver d’en demander plus ? « Michel Barnier a commis deux fautes, observe un cadre du groupe EPR. La première, c’est d’avoir donné au RN une position centrale. Il y avait d’autres stratégies à tenter avant. Et la seconde, une fois ce chemin pris, c’est d’avoir considéré leur tolérance comme acquise, sans véritable contrepartie. Évidemment que nous allions finir par être pris à notre propre jeu. »

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Avant de céder à l’extrême droite, le gouvernement, paniqué par la possibilité de tomber, a aussi usé d’une autre stratégie. Celle de faire planer le risque d’un pays à genoux en cas de censure du gouvernement. « S’il n’y a pas de budget, c’est extrêmement grave, avait par exemple averti Michel Barnier, en première ligne. Il y aura une tempête et des turbulences graves sur les marchés financiers. En dehors des mesures d’urgence que l’on peut faire pour faire fonctionner les hôpitaux et payer les fonctionnaires, tout s’arrêterait ! » « J’espère que les responsables politiques seront à la hauteur, a ensuite surenchéri Maud Bregeon, porte-parole du gouvernement. La conséquence d’une crise politique et d’une crise financière grave impactera notre poids diplomatique et notre capacité à défendre nos intérêts à l’échelle européenne et internationale. »

Dans ce concours de cris d’orfraie, une ancienne première ministre, Élisabeth Borne, députée EPR du Calvados, a réussi à supplanter l’ensemble de ses camarades, n’hésitant pas à brandir les plus gros mensonges possibles pour tenter de maintenir son camp au pouvoir. « Tous ceux qui veulent voter une censure sur ces textes, il faut qu’ils aient en tête les conséquences que ça aura pour les Français, avertit-elle. Et il faut que les Français le sachent aussi. Si le budget sur la Sécurité sociale est censuré, cela veut dire qu’au 1er janvier, votre carte vitale ne marche plus. Cela veut dire que les retraites ne seront plus versées. Et au bout d’un moment, les fonctionnaires ne seront plus payés. »

La démission du président, « seule solution » ?

Un scénario catastrophe démenti alors par… un autre poids lourd de son camp. La présidente de l’Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. « J’entends tout et souvent n’importe quoi, a-t-elle réagi à l’antenne de Sud Radio. Nos textes sont bien faits, notre Constitution et nos règles sont là. Il n’y aura pas de « shutdown » à l’américaine ! » Un rappel à l’ordre dans les pas de ceux prononcés par la gauche. « Arrêtons de vouloir faire peur aux gens, a exigé Marine Tondelier, secrétaire nationale des Écologistes. Les Français n’ont pas besoin de cacophonie, mais de repères. Qu’on les protège et qu’on apaise. » En cédant à l’extrême droite, Michel Barnier a fait le choix contraire. Pour se sauver lui, mais aussi le président de la République ?

Selon un sondage Elabe, 63 % des Français se prononcent pour une voie : la démission du président de la République en cas de chute du gouvernement de Michel Barnier. Une option étonnamment poussée, ces derniers jours, par deux personnalités bien éloignées des rives de la gauche. Le rapporteur général du budget, Charles de Courson (Liot), et le maire LR de Meaux, Jean-François Copé. Tous deux considèrent que c’est « la seule solution ». Le premier ministre en a choisi une autre : la capitulation. Et le répit sera peut-être de courte durée.

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Dmitri Novikov (KPRF) : Les révolutions ne sont jamais vaincues Discours pour le 107e anniversaire de la Révolution d’Octobre 1917

Posté par jacques LAUPIES le 28 novembre 2024

 

Jeudi 21 novembre 2024, popularité : 24%

 

Le 7 novembre, à l’initiative du groupe KPRF de la Douma d’État, une table ronde a été organisée pour marquer le 107e anniversaire de la Grande Révolution socialiste d’octobre.

Nous publions le discours de Dmitry Novikov, vice-président du Comité central du Parti, paru dans l’édition du 7 novembre de la Pravda.

Traduction Marianne Dunlop pour « Histoire et société ».

Chers camarades !

107 ans nous séparent de la Grande Révolution Socialiste d’Octobre. Ce jour-là, les soldats révolutionnaires et le prolétariat de Petrograd, sous la direction des bolcheviks, ont renversé le gouvernement provisoire, qui avait fait complètement faillite. Une nouvelle ère s’est ouverte dans l’histoire du monde : l’ère de la justice sociale et du pouvoir du peuple incarné dans la vie, l’ère du socialisme.

Est-ce beaucoup ou peu – 107 ans ? Beaucoup si nous les évaluons du point de vue des changements réalisés grâce à la Grande Révolution d’Octobre. Ces années ont été marquées par les incroyables réalisations de l’Union soviétique : l’industrialisation, la transformation des campagnes, la révolution culturelle, la défaite du fascisme, la percée dans l’espace. La liste des mérites de notre révolution comprend également des valeurs mondiales telles que l’effondrement des empires coloniaux et l’émergence d’un certain nombre d’États socialistes.

D’autre part, dans l’histoire de l’époque ouverte par octobre 1917, seule une petite partie – initiale – du chemin a été parcourue. C’est peu par rapport à tout ce qui reste à faire pour le triomphe du socialisme, pour le droit de chaque nation à être libérée de l’esclavage capitaliste, de la dictature impérialiste, du dollar et de la dette, des formes les plus diverses de néo-colonialisme.

Dans notre monde plein de contradictions, la cause de Lénine est vivante et victorieuse. C’est elle qui assure le décollage économique de la Chine et du Viêt Nam. Le président Xi Jinping l’a souligné à plusieurs reprises, et lui-même, il convient de le rappeler, n’est pas seulement président de la République populaire de Chine, mais aussi secrétaire général du comité central du parti communiste chinois.

Bien sûr, l’anniversaire de la révolution socialiste est aussi l’anniversaire des attaques contre la signification et la cause de la Grande Révolution d’Octobre. C’est l’anniversaire des innombrables tentatives de diffamation, de dépréciation, de dénigrement, de vilipendage, d’oblitération de l’accomplissement historique mondial des travailleurs. Immédiatement après la victoire des ouvriers et des soldats de Petrograd, les ennemis de la révolution ont commencé à parler de « conspiration » et ont prétendu que les bolcheviks s’appuyaient sur une partie négligeable de la population.

Mais la vie les a démentis. Le soulèvement réussi de la capitale est suivi des événements connus sous le nom de marche triomphale du pouvoir soviétique. Ce nouveau pouvoir s’est établi dans tout le pays, rapidement et presque partout de manière pacifique. Et lorsque la menace extérieure s’est manifestée, des millions d’ouvriers et de paysans se sont soulevés sous les bannières de l’Armée rouge. Dans le même temps, les tentatives des généraux et des atamans blancs de créer des armées de masse ont échoué. Ni les injections financières des gouvernements occidentaux, ni la terreur sanglante visant à rassembler le plus grand nombre possible de personnes dans leurs unités militaires ne leur ont été d’un grand secours.

Dans la défense du pouvoir soviétique, notre peuple a fait preuve d’une énergie sans précédent. Cela a permis d’expulser les interventionnistes et les collaborateurs, de restaurer l’économie nationale et d’élever le pays à de nouveaux sommets. Ces grands processus ne sont pas un « accident ».

Lénine soulignait avec autorité : « Au moment décisif, au moment de la conquête du pouvoir et de l’établissement de la République soviétique, le bolchevisme était uni, il attirait à lui tous les meilleurs courants de la pensée socialiste qui lui étaient proches, il réunissait autour de lui toute l’avant-garde du prolétariat et la gigantesque majorité des travailleurs ».

La Grande Révolution Socialiste d’Octobre était absolument naturelle. Elle a été préparée par toute l’histoire antérieure de la Russie et de l’humanité. Les signes avant-coureurs de la victoire du prolétariat étaient la stratification sociale terrible et sans cesse croissante, l’exploitation cruelle, l’inaccessibilité des masses aux réalisations culturelles et les guerres sanglantes déclenchées par le capital. Tous les signes caractéristiques d’un capitalisme en décomposition – le capitalisme au stade impérialiste – étaient là.

En offrant une brillante alternative au capitalisme, le Grand Octobre fut aussi un salut pour notre pays. Les détracteurs actuels du socialisme ont tenté à maintes reprises de présenter la Russie du début du vingtième siècle comme une puissance en pleine expansion. Mais le développement relativement réussi de certaines industries n’effaçait pas le fait que le pays était une périphérie dépendante du monde bourgeois. L’éclat de la couronne du tsar et l’ampleur du manteau impérial dissimulaient la subordination croissante au capital occidental, l’endettement croissant et le retard économique multidimensionnel.

On nous dit que la Russie était un leader dans l’exportation d’un certain nombre de produits agricoles. Oui, c’est vrai. Mais on « oublie » de préciser que le pays achetait à l’étranger les outils agricoles les plus simples. L’exportation de blé à grande échelle était assurée par la malnutrition massive et souvent la famine de sa propre population.

Même des objets aussi simples que des épingles, des rasoirs et des croix en pendentifs étaient importés d’Europe, sans parler des machines-outils. Le sous-développement de sa propre production industrielle s’est clairement manifesté lors des guerres de Crimée, russo-japonaise et de la Première Guerre mondiale. Ce sous-développement a coûté à la Russie des millions de vies – morts et mutilés.

La Russie tsariste était surtout en tête pour ce qui est du taux de mortalité, y compris la mortalité infantile. Le pays était également en tête pour l’analphabétisme. Elle était en tête pour l’incidence des infections, des maladies parasitaires.

Les contradictions nationales s’aggravaient. Après l’effondrement de la Russie « unie et indivisible », elles se sont immédiatement reflétées. Sous le gouvernement provisoire, ces contradictions se sont immédiatement traduites par une « parade des souverainetés ».

Parfois, même nous, les communistes d’aujourd’hui, qui défendons le sens et la cause de la Grande Révolution d’Octobre, disons par souci de concision : « Lénine a sauvé l’unité territoriale de notre pays ». Non, pour être précis, Lénine ne l’a pas sauvée. Il n’y avait plus rien à sauver. Il n’y avait pas de pays uni. Lénine n’a pas sauvé l’unité de la Russie, il l’a recréée. Il l’a recréée à nouveau, rapidement, de manière convaincante, sur la base la plus solide : la fraternité internationale des peuples.

Le gouvernement provisoire, qui avait remplacé le gouvernement tsariste, n’a résolu aucun des problèmes nationaux. Six mois après la révolution de février, des processus de désintégration multiformes ont été lancés dans le pays. Une grave famine s’installa. Le spectre d’une catastrophe totale est apparu dans toute sa splendeur. Les ouvriers et les paysans qui ont suivi les bolcheviks et Lénine ont mis fin à la désintégration.

« La signification et la cause de la Grande Révolution d’Octobre », tel était le titre d’un article de G.A. Ziouganov dans le journal « Russie soviétique » à l’occasion du 80e anniversaire de la révolution. C’était à l’époque des « fringantes années quatre-vingt-dix », le moment du dénigrement le plus sauvage de l’ère soviétique. L’article a joué un rôle important dans le travail pratique du Parti. Il a fourni aux communistes et aux partisans du KPRF de nombreux arguments importants pour la justice historique et pour la cause de notre lutte aujourd’hui. Il a exprimé les idées les plus importantes affirmant la validité de l’une des thèses du programme du KPRF. Il s’agit de la thèse de l’unité des significations de classe sociale et de libération nationale dans la lutte des masses laborieuses.

A tous ceux qui sont prêts à dénigrer le nom de Lénine et la cause bolchevique, nous devons dire : « Apprenez à répondre à certaines questions par vous-mêmes ». Par exemple, la suivante : comment se fait-il qu’en trois ans et demi, les gouvernements tsariste et provisoire n’aient pas remporté de grands succès au cours de la Première Guerre mondiale ? À cette époque, la Russie avait des alliés puissants : les États-Unis, l’Angleterre et la France, qui se développaient rapidement, et qui étaient de véritables grandes puissances. Les puissances étaient grandes, mais la victoire ne venait toujours pas… Alors que le gouvernement de Lénine, en deux ans et demi, a vaincu les armées de tous les interventionnistes.

En effet, les bolcheviks ont vaincu les adversaires d’hier de l’Entente – jetant, comme Lénine l’avait promis, à la poubelle de l’histoire la « honteuse » paix de Brest. Mais dans le même temps, les Rouges ont vaincu les anciens alliés de l’Entente : l’Angleterre, la France et les États-Unis. En même temps, ils ont vaincu les hordes de traîtres qui s’étaient mis au service des interventionnistes étrangers – tous ces Koltchaks et ces Krasnov, ces Wrangel et ces Skuro. Nous avons également vaincu une horde de gouvernements nationalistes. Nous avons vaincu les bandes de Petlioura, de Makhno, les Basmatchi et les bandits….

Et comment tout cela a-t-il pu se produire si la révolution socialiste dans notre pays était un accident, une sorte de « zigzag de l’histoire » !

L’ignoble destruction de l’Union soviétique – la principale création de la Grande Révolution d’Octobre – a apporté des souffrances incalculables aux peuples de notre pays. Mais ceux qui disent que les révolutions ne connaissent pas la défaite ont raison. Il en a été de même pour la Grande Révolution socialiste d’octobre. Aussi cynique qu’ait été la réaction eltsinienne, elle n’a pas réussi à effacer tous les acquis de notre peuple grâce au socialisme. Et le rôle joué par le KPRF dans cette lutte sera toujours reconnu.

Quant aux accusations portées contre notre révolution, il y a longtemps qu’elles ont reçu une réponse cinglante. Et pas seulement par les bolcheviks. Le grand poète russe Alexandre Blok a écrit : « Malheur à ceux qui pensent trouver dans la révolution la réalisation de leurs seuls rêves, aussi élevés et nobles soient-ils. La révolution, comme un tourbillon tonitruant, comme un blizzard, apporte toujours du nouveau et de l’inattendu ; elle trompe cruellement beaucoup de gens ; elle plonge facilement les dignes dans son tourbillon ; elle ramène souvent les indignes à la surface, sains et saufs ; mais – ce sont là ses péripéties, cela ne change pas la direction générale du courant, ni le formidable et assourdissant grondement qu’elle émet. Ce grondement est cependant toujours de l’ordre du grandiose. »

Sur le site du KPRF
Traduit par Marianne Dunlop pour Histoire et société

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Solidarité de classe à l’égard d’un criminel ?

Posté par jacques LAUPIES le 27 novembre 2024

Benyamin Netanyahou pourrait bénéficier d’une « immunité » en France, annonce le Quai d’Orsay

Dans un communiqué publié ce mercredi 27 novembre, le ministère des Affaires étrangères invoque les obligations prévues dans le droit international liées aux « immunités des États non parties à la CPI » pour justifier sa prise de position malgré le massacre en cours à Gaza.

Monde

 

3min

Publié le 27 novembre 2024

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Benyamin Netanyahou et son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, sont accusés de « crimes de guerre » et de « crimes contre l’humanité ».
© GPO/XINHUA-REA

Le ministère des Affaires étrangères a communiqué une position plus précise de la France quant au mandat d’arrêt émis contre le Premier ministre israélien, Benyamin Netanyahou, par la Cour pénale internationale (CPI).

Dans un court texte publié ce mercredi 27 novembre, le Quai d’Orsay annonce que Benyamin Netanyahou et les « autres ministres concernés » par les mandats d’arrêt pourraient bénéficier d’une « immunité ». Le ministère français des Affaires étrangères invoque les obligations prévues dans le droit international liées aux « immunités des États non parties à la CPI », ce qui est le cas d’Israël.

« Crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité »

« La France respectera ses obligations internationales, étant entendu que le Statut de Rome exige une pleine coopération avec la Cour pénale internationale (CPI) et prévoit également qu’un État ne peut être tenu d’agir d’une manière incompatible avec ses obligations en vertu du droit international », annonce ainsi le Quai d’Orsay.

La Cour pénale internationale a décidé de délivrer, jeudi 21 novembre, des mandats d’arrêt contre Benyamin Netanyahou, ainsi que contre son ancien ministre de la Défense, Yoav Gallant, pour des « crimes de guerre » et « crimes contre l’humanité perpétrés dans la bande de Gaza, du 8 octobre 2023 au moins jusqu’au 20 mai 2024 », jour où l’accusation a déposé les demandes de mandats d’arrêt.

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La chambre a « des motifs raisonnables de croire » que le chef du gouvernement israélien et celui qui était encore jusqu’à peu son ministre de la Défense « portent chacun la responsabilité pénale des crimes suivants en tant que coauteurs pour avoir commis les actes conjointement avec d’autres : le crime de guerre de famine comme méthode de guerre ; et les crimes contre l’humanité de meurtre, de persécution et d’autres actes inhumains ».

Pas de quoi empêcher la diplomatie française de réitérer « l’amitié historique qui lie la France à Israël, deux démocraties attachées à l’État de droit et au respect d’une justice professionnelle et indépendante ». De plus, le ministère des Affaires étrangères annonce que l’Hexagone « entend continuer à travailler en étroite collaboration avec le Premier ministre Netanyahou et les autres autorités israéliennes pour parvenir à la paix et à la sécurité pour tous au Moyen-Orient ».

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Michelin, Auchan, Valeo… Savez-vous combien ces entreprises ont raflé d’aides publiques avant de licencier ?

Posté par jacques LAUPIES le 26 novembre 2024

Michelin, Auchan, Valeo… Savez-vous combien ces entreprises ont raflé d’aides publiques avant de licencier ?

La plupart des entreprises françaises qui réalisent des plans « sociaux » ont été généreusement arrosées d’aides publiques. La gauche réclame des comptes, le gouvernement temporise.

Social et Économie

 

9min

Publié le 26 novembre 2024

Michelin, Auchan, Valeo… Savez-vous combien ces entreprises ont raflé d'aides publiques avant de licencier ? dans POLITIQUE
Le 6 novembre 2024, à Cholet, dans le Maine-et-Loire, les salariés tiennent un piquet de grève contre la fermeture du site annoncé par la direction de Michelin.
© Frederic Petry / Hans Lucas

Ce 5 novembre, à l’Assemblée nationale, Michel Barnier passe un sale quart d’heure. Plusieurs entreprises, comme Michelin et Auchan, viennent d’annoncer des plans de suppressions de postes en rafale et les députés entendent mettre le premier ministre sur le gril. À la suite d’une série de salves venant de la gauche, le député André Chassaigne (PCF) plante la dernière banderille : « Monsieur le premier ministre, en cette journée noire pour l’emploi, allez-vous encore dire aux milliers de familles touchées que vous êtes fier de cette politique qui distribue des aides aux entreprises sans jamais protéger les salariés ? »

« Je ne suis pas fier d’une politique qui détruirait des emplois, jamais ! » rétorque Barnier d’une voix blanche, avant d’ajouter : « Je me préoccupe de savoir ce qu’on a fait, dans ces groupes, de l’argent public qui leur a été donné ; je veux le savoir. Nous poserons des questions, nous verrons si cet argent a été bien ou mal utilisé. »

135,6 millions d’euros de CICE pour Michelin

Embarrassé par la polémique naissante, le locataire de Matignon comprend en sortant de l’Hémicycle qu’il sera bien obligé de se jeter à l’eau… mais sans trop se mouiller. Il promet la réalisation d’un audit sur les aides perçues, notamment par Michelin, mais ne veut pas se mettre les groupes à dos. « Un audit, ce n’est pas une condamnation », démine-t-il dans Ouest France. Les multinationales ont-elles pu toucher à mauvais escient des subventions ? « Je pense qu’elles les ont globalement bien utilisées », esquive-t-il prudemment. Avant de lever toute ambiguïté : il ne demandera jamais leur remboursement.

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Entre-temps, les multinationales prises pour cible ont lâché quelques informations parcellaires sur l’utilisation des aides publiques. Et Matignon a semblé s’en contenter. Pourtant, Michelin 1 n’a pas été fort loin dans l’opération transparence, se bornant à donner le chiffre du crédit d’impôt recherche (CIR) perçu pour la seule année 2023.

Il y aurait pourtant matière à développer. Selon nos informations, le groupe a touché cette année-là 30,8 millions d’euros de CIR ; 4,3 millions d’euros en mécénat et autres crédits d’impôts ; 5,5 millions d’euros de subvention d’exploitation ; 4 millions d’euros de chômage partiel (allocation versée par l’État au groupe + pertes de cotisations salariales et patronales correspondant à l’activité réduite) ; sans compter 5,8 millions d’euros en réduction d’impôts de production. Soit un total de 50,4 millions d’euros en allègements et réductions d’impôts divers. Par ailleurs, entre 2013 et 2018, le groupe a perçu en moyenne 22,6 millions d’euros de crédit d’impôt compétitivité emploi (Cice), soit environ 135,6 millions d’euros au total.

Chez Auchan, les millions du contribuable n’ont pas empêché la casse sociale

Auchan, quant à lui, s’est concentré sur le seul Cice (500 millions d’euros entre 2013 et 2018), mais s’est bien gardé d’indiquer le montant des allègements de cotisations perçues depuis cette date – le Cice a été transformé en baisse de cotisations à partir de 2019.

Contactée par l’Humanité, une source proche de la direction ne nous a pas répondu sur le sujet, mais elle nous apprend que le groupe a touché 8,2 millions d’euros en 2020-2022, au titre du chômage partiel. Seule certitude, les millions du contribuable n’auront pas empêché la casse sociale : selon des données internes, les effectifs d’Auchan Retail France ont fondu entre 2019 et 2023, passant d’environ 64 700 à moins de 55 000, soit 9 700 postes détruits.

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« Vous pensez sérieusement que les aides publiques ont été utilisées pour embaucher et augmenter les salaires ? » enrage Sophie Serra, déléguée syndicale centrale CGT chez Auchan. « Quand je suis rentrée chez Auchan, il y a trente-quatre ans, je touchais l’équivalent de 17 mois de salaires avec intéressement et participation, se souvient-elle. Et il y a vingt-sept ans, j’ai pu payer les frais de notaire de ma maison rien qu’avec l’intéressement ! Cela a bien changé : l’année dernière, j’ai touché 60 euros d’intéressement. Et pour ce qui est de l’emploi, nous avons eu au moins quatre plans de départs depuis 2013. »

Auchan n’est pas le seul concerné. Entre 2013 et 2019, des milliards d’euros ont été déversés en Cice, assortis de promesses de transparence restées lettre morte. « Au début, les entreprises avaient pour obligation d’informer les comités d’entreprise du montant du Cice et de l’utilisation qui en était faite, rappelle Arnaud Choisy, expert au cabinet Syndex. La règle était que ça devait financer des hausses de salaire, des créations d’emploi, des investissements… Mais, en pratique, les déclarations étaient un peu fictives et, surtout, totalement intraçables. »

Valeo a perçu 76 millions d’argent public en 2023

« Traçabilité. » Le terme revient en boucle à chaque polémique sur l’utilisation des aides publiques. Les élus du personnel ont toutes les peines du monde à obtenir des informations, d’où un sentiment de frustration ravivé en cas de restructuration. En annonçant son intention de fermer trois sites en France (1 200 salariés concernés), l’équipementier automobile Valeo2 a suscité en interne des réactions courroucées.

Il faut dire que, selon nos informations, il a perçu au moins 76 millions d’euros d’argent public l’année dernière : 51,5 millions sous forme de CIR, 21,7 millions sous forme de subventions diverses et 2,8 millions de chômage partiel. Sans compter les allègements de cotisations.

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C’est pour tenter d’ouvrir les portes du coffre-fort que les syndicalistes ont décidé de monter au créneau jusqu’au sommet de l’État, quitte, pour l’instant, à se heurter à un mur. « Il y a quelques jours, nous avons été reçus dans un bureau à Bercy par le secrétaire général du Comité interministériel de restructuration industrielle (Ciri), raconte Gilles Martin, de la CFDT Auchan. Nous avons réclamé des informations concernant le montant de l’ensemble des allègements de cotisations sociales touchées par Auchan. En guise de réponse, les membres du gouvernement nous ont expliqué qu’ils n’étaient pas les mieux placés pour le savoir… mais qu’ils allaient regarder quand même. »

Une commission d’enquête

Dès le 7 novembre, les députés insoumis ont déposé une proposition de résolution visant la création d’une commission d’enquête pour faire la lumière sur l’utilisation des fonds publics par Michelin. « Contrairement à ce que voudraient faire croire ses dirigeants en ne comptant que les aides perçues l’an dernier, les fermetures d’usines n’ont pas commencé en 2024, recadre Clémence Guetté, députée FICholet et Vannes ne sont pas les premières victimes des plans sociaux de l’entreprise. En 2019, les 619 travailleurs de l’usine de La Roche-sur-Yon ont aussi perdu leur emploi. Encore avant, c’étaient les usines de Poitiers, Toul et Joué-lès-Tours qui fermaient ».

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« Le montant global des aides publiques aux entreprises est passé de 30 milliards d’euros dans les années 1990 à 200 milliards depuis le Covid, rappelle de son côté André Chassaigne, député PCF. Faire la lumière sur l’utilisation de cet argent est un enjeu à la fois économique, social et démocratique : les citoyens et les législateurs doivent avoir les réponses. »

L’État n’est pas le seul bienfaiteur des entreprises. Les collectivités locales mettent elles aussi la main à la poche, dans un cadre à peine plus transparent. Et avec les mêmes déconvenues. En 2021, l’agglomération du Beauvaisis décide d’accéder aux demandes de la multinationale Agco, leader mondial des équipements agricoles, qui souhaitait que l’on facilite les flux de marchandises entre trois de ses sites, au moyen d’un pont. L’ouvrage sort de terre, pour un montant de 13 millions d’euros, quasi exclusivement financés par l’État et les collectivités.

C’est dire si le récent plan de suppression de 103 emplois annoncé par Agco à Beauvais laisse un goût amer aux élus. « Cela suscite beaucoup d’émotion, confirme Thierry Aury, conseiller municipal d’opposition (PCF) à Beauvais et élu au conseil d’agglomération. La construction de ce pont a été lancée à la demande exclusive de l’entreprise, qui nous avait promis qu’elle créerait 300 emplois. Et ça se termine en réalité par un plan social. » De son côté, la direction assure qu’elle a tenu ses engagements, créant 320 postes dont 256 à Beauvais… sans calmer la colère.

  1. La direction n’a pas répondu à nos questions. ↩︎
  2. La direction n’a pas répondu à nos questions ↩︎

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