Pourquoi les députés communistes veulent inscrire la Sécurité sociale dans la Constitution ?
Posté par jacques LAUPIES le 29 mai 2024
Le parlementaire Pierre Dharréville portera un projet de loi pour consacrer la Sécurité sociale dans la loi fondamentale, ce jeudi 30 mai, lors de la niche du groupe GDR à l’Assemblée nationale. Une façon de défendre cette « institution fondamentale de la République » régulièrement attaquée.

La Sécurité sociale est une vieille dame à laquelle tient une immense majorité de Français. Mais, à 79 ans, elle demeure la grande absente de notre Loi fondamentale. Le député communiste Pierre Dharréville entend bien réparer ce manque, à l’occasion de la niche du groupe GDR à l’Assemblée nationale, jeudi 30 mai.
« C’est une anomalie qu’une institution de telle importance ne soit pas reconnue dans la Constitution, alors que le sont le Défenseur des droits ou le Conseil économique, social et environnemental », relève-t-il. Le parlementaire a déposé avec ses collègues une proposition de loi constitutionnelle pour rappeler que « la Sécurité sociale est une institution fondamentale de la République ».
Solidarité nationale et service public
Car, aujourd’hui, la Sécurité sociale ne figure « dans la Constitution que par ce qu’elle coûte », justifie le parlementaire des Bouches-du-Rhône. En effet, si elle apparaît bien dans le texte depuis 1996, ce n’est pas en tant qu’institution mais sous la mention de projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS), qui est voté annuellement par le Parlement.
Pour pallier ce manque, la proposition de loi entend préciser le but de Sécurité sociale (« elle assure à chaque membre de la société la protection contre les risques et les aléas de l’existence ») et sa philosophie (elle « est fondée sur les principes de la solidarité nationale et du service public. Chacun y a droit selon ses besoins et y contribue selon ses moyens »). Pour l’heure, il est bien fait mention dans la Loi fondamentale des principes d’assistance et de solidarité nationale. Mais rien ne précise quelle institution publique est chargée de les mettre en œuvre. À l’avenir, un gouvernement pourra très bien argumenter que ces droits seraient garantis en les confiant au secteur privé.
Un référendum
« Personne ne pense que l’inscription de la Sécurité sociale dans la Constitution va régler les problèmes, mais cela va lui donner un nouvel élan, précise Pierre Dharréville. Alors que la Sécurité sociale fêtera l’an prochain le 80e anniversaire de sa création, sa constitutionnalisation serait un signal politique et symbolique fort dans une société fracturée. » D’autant plus qu’une proposition de loi constitutionnelle émanant du Parlement doit être validée par référendum par le peuple français. Bénie par l’onction du suffrage universel, la Sécurité sociale serait d’autant plus difficilement attaquable par les libéraux.
Car elle est aujourd’hui sous le feu des gouvernements successifs, de droite ou de centre gauche. En 1983, il est mis fin au remboursement intégral des frais hospitaliers. Après 1989, Michel Rocard introduit la contribution sociale généralisée (CSG). Petit à petit, l’État néolibéral malmène cette institution. En juillet 2018, après avoir supprimé toute cotisation salariale au profit d’un financement par la CSG (l’impôt) et les seules cotisations patronales, le président Emmanuel Macron vantait devant les députés et sénateurs réunis en congrès à Versailles une réforme qui transforme « la philosophie même de notre solidarité nationale ». « Elle implique des droits et devoirs », jubilait-il.
Parallèlement, celui qui était alors rapporteur du projet de loi de financement de la Sécurité sociale, Olivier Véran, avait tenté de modifier la domination même du PLFSS en « projet de loi de financement de la protection sociale » dans la Constitution, ouvrant la voie à une gestion par le seul État de la solidarité nationale.
Résister à Bruxelles
L’inscription dans la Loi fondamentale vise donc à protéger la Sécurité sociale vis-à-vis des tentatives de la remettre en cause au nom de la libre concurrence, notamment celle venue de Bruxelles. La Commission y regarderait dès lors à deux fois avant de s’en prendre à une Sécurité sociale validée par le suffrage universel. De plus, si le droit européen s’impose sur le droit national, le Conseil constitutionnel prévoit une seule exception : quand les directives contreviennent à ce qui est considéré comme « l’identité constitutionnelle de la France ».
La Sécurité sociale reste d’ailleurs un modèle civilisationnel et un patrimoine commun à préserver. « Plus que jamais, il faut la défendre. Elle est amoindrie, mais répond toujours à des besoins extraordinaires. Quand on a un petit bobo, on peut penser que la Sécu rembourse mal. Mais quand des gens sont en affection longue durée, on mesure toute l’importance qu’elle revêt », rappelle Pierre Caillaud-Croizat, militant CGT et petit-fils d’Ambroise Croizat, le fondateur de la Sécurité sociale. « Sa constitutionnalisation permettra de consolider sa place. C’est de la même importance que la récente entrée dans la Constitution du droit à l’IVG », compare-t-il. Et c’est précisément ce que ne veut pas le gouvernement, qui s’est opposé au texte en commission des lois, avec l’appui des élus du Rassemblement national