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Une analyse de son dernier ouvrage « Faire mieux ! Vers la révolution citoyenne » par le blogueur « Descartes »

Posté par jacques LAUPIES le 26 décembre 2023

 

Vendredi 22 décembre 2023, par  Descartes, popularité : 100%

 

 

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On peut ne pas aimer la liberté de parole du mystérieux Descartes, toujours est-il qu’il nous livre une pertinente analyse des théories développées par Mélenchon dans son dernier livre « Faire mieux ! Vers la révolution citoyenne ». Cette analyse est fortement teintée d’un point de vue marxiste (on sent que Descartes n’a pas été membre du PCF pour rien), et nous permet de ne pas nous astreindre à ce pensum, la lecture de ce livre, ce qui n’est pas négligeable. Qu’il en soit remercié. Je voudrais simplement rajouter que la totalité de ses propos lui appartiennent et que nous ne faisons que les diffuser… Toutefois, je me suis permis de glisser quelques intertitres pour faciliter la lecture de son article.
PB


Quand j’étais écolier, je me souviens qu’au retour de l’école nous passions devant une vieille maison. Dans le jardin vivaient quatre chiens, quatre molosses terrifiants, que la grille qui fermait le devant du jardin empêchait de sortir dans la rue. On s’amusait, en passant devant, à frapper la grille avec des bâtons ce qui provoquait un concert d’aboiements qui durait un bon quart d’heure et qui nous poursuivait pour le reste du chemin.

Et bien, cette anecdote d’enfance m’est revenue en pensant aux dernières polémiques médiatiques provoquées par le Leader Minimo – chaque fois plus minimo, à mesure que le temps passe – de LFI. Comme un écolier facétieux, il frappe la grille du monde politique et médiatique, et provoque les aboiements des molosses qui se cachent derrière. Peu importe les moyens : on peut insulter un journaliste, s’opposer à une perquisition, dire « noir » là où tout le monde dit « blanc » sur un sujet polémique. Tout est bon, pourvu qu’on puisse rendre fous les pitbulls de l’autre côté de la grille. Mais il y a une différence radicale entre l’amusement plus ou moins innocent d’un groupe d’écoliers, et le calcul politique qui se cache derrière les coups de l’un et les aboiements des autres.

C’est une chorégraphie qui, au cours des années, s’est raffinée sans que rien ne change vraiment sur le fond. Mais c’est ici une chorégraphie sans chorégraphe. Elle fonctionne parce que chacun y trouve son compte. Pour Mélenchon, c’est un moyen d’exister médiatiquement. Cela lui permet aussi de se placer dans le rôle de la victime, persécutée par la « caste » politique et médiatique, qu’il sait rejetée par une portion non négligeable de l’électorat. Un choix habile des thématiques lui permet aussi de se présenter comme le défenseur des communautés, et donc de caresser dans le sens du poil un sentiment communautaire qu’il imagine – à tort à mon avis – pouvoir traduire en termes électoraux [1].

Pour le « cercle de la raison », cette agitation est aussi fort intéressante. Non seulement elle lui fournit un « diable de confort » qui en plus à l’obligeance de faire tout ce qu’il peut pour paraître vraiment diabolique – contrairement à l’ancien « diable de confort », cet RN qui ne fait presque plus tellement peur. Mais surtout, lui permet de jeter un voile pudique sur les véritables questions politiques. Sur la place publique, on ne discute plus du gouvernement de la cité, de ce que la France devrait faire de sa politique étrangère, pas plus que de sa politique énergétique ou éducative. Tout l’espace médiatique est occupé par la question de savoir si l’attaque du 7 octobre est ou non un acte terroriste, ou de savoir si Ruth Elkrief est une bonne journaliste ou au contraire une manipulatrice.

Mélenchon, il faut toujours garder cela en tête, est un piètre stratège mais un grand tacticien. Il ne sait pas où il va, mais il sait comment y aller. C’est pourquoi il est intéressant de suivre les méandres de la tactique mélenchonienne et surtout ses changements de cap. Prenons par exemple la NUPES : elle s’inscrit dans une longue suite de tentatives de reproduire le congrès d’Epinay, qui vit le dirigeant d’une formation politique marginale réussir une OPA sur la vénérable SFIO pour constituer une organisation, le Parti socialiste, capable d’arriver au pouvoir. Depuis son départ du PS en 2008, Mélenchon a essayé à plusieurs reprises le même coup : avec le PCF dans le cadre du Front de Gauche, avec l’ensemble de la gauche lors de la fondation de LFI en 2016, avec la NUPES en 2022. Et à chaque fois, il bute sur le même obstacle : les autres partis acceptent une alliance électorale, ils peuvent aller jusqu’à soutenir la candidature présidentielle de Mélenchon… mais ne vont pas plus loin. Seule une minorité des militants – ceux qui par voie de débauchage constituent les « communistes insoumis », les « socialistes insoumis », les « écologistes insoumis » et ainsi de suite – sont prêts à se fondre dans une organisation qui, n’ayant aucune structure démocratique, n’est en fait qu’un instrument dans les mains de son gourou.

La NUPES a naufragé pour la même raison que le Front de Gauche avant elle. Il est clair que Mélenchon ne conçoit de participer à une alliance que s’il en a la maîtrise, que si les autres se rallient à lui. Or, il s’avère que plus le temps passe, moins les autres sont pressés de se rallier à son panache blanc inconditionnellement. On arrive vite à la situation où Mélenchon, agissant comme s’il avait une autorité qu’il n’a pas, utilise le fait accompli pour faire avaler des couleuvres à ses alliés, qui à leur tour se rebiffent. C’est pourquoi la NUPES n’avait pas d’avenir. Elle ne pouvait être autre chose qu’une alliance électorale, et donc vivre aussi longtemps que le leader minimo pensait une élection imminente. Maintenant qu’il a compris qu’une dissolution n’est pas dans les cartes, qu’on ne voit pas se profiler à l’horizon une situation où le président pourrait avoir intérêt à revenir devant les électeurs, il change sa tactique. Il ne se prépare plus à une législative imminente, mais à une présidentielle en 2027. Et cela suppose d’avoir les coudées franches. La NUPES n’a donc plus aucun intérêt pour lui, au contraire : elle limite sa capacité à dire n’importe quoi, et serait un obstacle à l’heure de chasser sur les terres électorales des communistes, des socialistes ou des écologistes. La NUPES a donc vécu : après avoir copieusement maltraité et insulté ses partenaires, Mélenchon a prononcé son acte de décès en rejetant, bien entendu, la faute sur les autres. Tout comme Mitterrand l’avait fait en 1978, lorsqu’il a cassé le « programme commun », ayant compris son intérêt de se présenter devant les électeurs avec les coudées franches et libéré de toute obligation envers les communistes.

« Faire mieux ! Vers la révolution citoyenne »

A ce point du raisonnement, il faut poser la question de fond. Peut-on réduire Mélenchon à un pur tacticien ? Y a-t-il derrière cette pensée tactique, de ce désir d’égaler son maître en politique, une véritable Weltanschauung, ou mieux encore, une théorie qui donnerait une cohérence au discours ? Pour répondre à cette question, je me suis infligé la lecture de son dernier opus, « Faire mieux ! Vers la révolution citoyenne ». Comme il vaut mieux prévenir que guérir, je m’étais prévu une large dose de chocolat, mon antidépresseur favori, et caché toutes les armes dans la maison, couteaux de cuisine compris. On n’est jamais trop prudent. Ces précautions sont inutiles : le texte contient une large dose de comique involontaire, et s’il suscite une réaction ce serait l’ennui plutôt que la violence.

D’abord, le livre ravira ceux qui aiment les grandes envolées mélenchoniennes. Il n’y a pas à dire, le bonhomme a du talent pour pondre un texte agréable à lire, et qui donne une impression de profondeur et de pédagogie. Il faut le relire avec attention, crayon à la main, pour se rendre compte que des paragraphes entiers qui paraissent profonds n’énoncent en fait que des banalités, quand ce n’est pas des absurdités qu’il serait trop long de commenter (pour des exemples, voir le chapitre « Le nouvel espace-temps », pages 27 sq). Mais à côté de ses envolées lyriques, le livre a un défaut aujourd’hui très fréquent dans les essais de ce type : on y trouve des dizaines – voire des centaines – de paragraphes faits d’énumération en vrac, d’exemples, de chiffres, de données. Il est vrai que de nos jours n’importe quel assistant avec un accès à Google est capable de vous compiler des centaines de pages de cette nature. De quoi remplir largement un livre sans trop se fouler. Je ne dis pas que ce type d’information soit inutile : un exemple, les chiffres sont au contraire indispensables lorsqu’il s’agit d’illustrer ou d’appuyer un raisonnement. Mais balancés en vrac, avec, au bout de plusieurs pages, des conclusions générales du genre « cela montre comment le capitalisme saccage notre planète », sans qu’aucun lien ne soit établi entre le « capitalisme » et les données en question, cela ne sert à rien. Sans trop de difficultés, on pourrait compiler par le même moyen des chiffres et des exemples et tirer la conclusion inverse.

La « théorie de l’ère du peuple »

Une fois qu’on met de côté ces éléments, on rentre dans le vif du sujet, à savoir la fameuse – et fumeuse – « théorie de l’ère du peuple ». Ce qui frappe d’abord, c’est la pauvreté conceptuelle de la pensée mélenchonienne. Une théorie, quelle qu’elle soit, se construit à partir d’une batterie de concepts, c’est-à-dire, d’entités et d’objets rigoureusement définis, dont la théorie décrit les relations. Plus une théorie définit des concepts, plus les relations entre elles seront nombreuses et complexes, et plus la théorie sera riche. La théorie marxienne, pour ne donner qu’un exemple, nous a laissé de nombreux concepts, qu’elle a définies ou redéfinies : classe, bourgeoisie, prolétariat, aliénation, exploitation, plus-value, valeur, travail socialement nécessaire, et j’en passe. Quoi qu’on pense de l’articulation que Marx et ses successeurs ont fait de ces concepts, ils restent présents dans la réflexion y compris par ceux qui, comme Raymond Aron, ont critiqué le marxisme. La « théorie de l’ère du peuple » est de ce point de vue très pauvre. Si Mélenchon introduit quelques notions – « peuple », « oligarchie », « règle verte », « planification écologique », « révolution citoyenne » – il peine à les transformer en véritables « concepts », faute d’un travail de définition rigoureuse.

Prenons par exemple les groupes sociaux. Mélenchon décrète obsolètes les catégories du marxisme. Foin de l’opposition entre bourgeoisie ou du prolétariat, aujourd’hui la confrontation se joue entre le « peuple » et « l’oligarchie ». Mais comment définit-on ces catégories ? Pour ce qui concerne « l’oligarchie », la gêne de Mélenchon est évidente, et c’est pourquoi le paragraphe qui lui est consacré (page 177 sq) noie le poisson avec une avalanche de chiffres : on apprend ainsi que « la moitié des richesses existantes est possédée par le 1% de la population mondiale », que « toutes les trente heures un milliardaire émerge et un million de personnes de plus basculait dans la pauvreté extrême », que « vingt-six milliardaires détiennent autant d’argent que la moitié de l’humanité », sans compter que l’oligarchie « excite les préjugés racisants et genrés » et « fait de l’islamophobie un fonds de commerce ». Et je pourrais continuer, parce qu’il y a une page complète d’informations et accusations de cette nature, parfaitement inutiles pour définir ce qu’est « l’oligarchie », qui y appartient et qui n’appartient pas, et surtout pourquoi. Sur cette définition, les idées de l’auteur sont tellement confuses qu’il tombe dans la contradiction logique : « [l’oligarchiese distingue de la bourgeoisie traditionnelle même si elle la contient parce que son nombre est plus faible, sa propriété plus diffuse » (page 177). Comment un ensemble peut en contenir un autre tout en étant de cardinal plus faible ?

Pour le « peuple » (page 175 sq), c’est encore pire. Je suis obligé de citer in extenso pour que le lecteur apprécie le gloubi-boulga « théorique » que nous sert Mélenchon : « Le peuple est le milieu social constitué par la dépendance aux réseaux collectifs urbains. Mais nous nommons là, en réalité, un ensemble humain présent sous plusieurs noms différents et autant d’états. D’abord, c’est le peuplement. Le mot désigne alors les masses de gens installés dans une zone. Une foule. Elle vaque à ses occupations les plus diverses. Aucun autre lien n’apparaît, sinon les infrastructures matérielles auxquelles il lui faut avoir recours pour aller et venir. Mais bien sûr c’est quand même un ensemble de gens reliés en arrière-plan par des innombrables liens sociaux de la vie réelle. Ils font de chacun le membre d’une famille, l’associé, le colocataire, l’ami Facebook, le syndiqué, que sais-je. Je pourrais citer là tous nos liens sociaux personnels. Le peuplement forme alors une population. Elle est définie par les rapports sociaux au sein desquels elle se constitue. Et quand cette population se met en mouvement pour agir sur des objectifs revendicatifs communs, alors surgit le « peuple ». Le peuple est la forme politique du grand nombre, devenant protagoniste dans la société. Il l’est dans le cadre du conflit central dont l’enjeu est le partage de la richesse et l’accès aux réseaux. Conflit entre le peuple et l’oligarchie ».

Avez-vous compris quelque chose ? Moi si : que l’auteur de ce texte n’a pas les idées claires. Sa définition est tellement englobante qu’elle inclut de fait l’ensemble des groupes humains qui constituent la société. Car après tout, est-ce que les membres de « l’oligarchie » ne sont pas, eux aussi, « installés dans une zone » ? Est-ce qu’ils ne « vaquent » pas, eux aussi, « à leurs occupations » ? Est-ce qu’ils ne sont pas, eux aussi, « reliés en arrière-plan par d’innombrables liens sociaux de la vie réelle » ? Ne sont-ils pas, eux aussi, « membres d’une famille », « colocataires », « amis Facebook » et même « syndiqués » au MEDEF ? Est-ce qu’ils ne se mettent pas, eux aussi, « en mouvement sur des objectifs revendicatifs communs », par exemple, la baisse de leurs impôts [2] ? Qu’est ce qui sépare alors de manière décisive « l’oligarchie » du « peuple » ?

Ces ambiguïtés ne sont pas, à mon sens, le fruit d’une réflexion insuffisante. Elles sont volontaires, et visent à créer un effet de sens, c’est-à-dire, un discours où chacun peut se reconnaître parce qu’il peut prendre un sens différent en fonction des préjugés ou des envies du lecteur. La clé se trouve dans la fin du paragraphe précité : « Conflit entre peuple et oligarchie. C’est « nous » face à « eux » ». Cette phrase est passionnante parce qu’elle montre combien la « théorie » mélenchonienne est subjective. Le lecteur du livre – qu’il soit ouvrier, cadre supérieur, rentier ou grand capitaliste – peut s’identifier au « peuple », puisque le « nous » l’englobe. L’oligarque, le méchant, c’est toujours l’autre. Un résultat impossible d’atteindre avec une définition comme celle, objective, que Marx donne des classes sociales. Ou bien on possède le capital, ou bien on vend sa force de travail, et cela ne dépend nullement de l’identification des individus avec un « nous » qui n’exclut finalement personne. Cette vision du « eux et nous » marque le fait que, pour les mélenchoniens, l’oligarque est une figure abstraite. Les êtres concrets sont tous membres du « peuple ». On retrouve ici une logique très présente dans les classes intermédiaires : le « riche », « l’oligarque », c’est celui qui est plus riche que vous et qui, naturellement, est toujours absent de la pièce. Celui qui occupe une place que vous aimeriez bien atteindre, mais qui n’est pas à votre portée. C’est pourquoi il n’est jamais « nous », mais toujours « eux ». On pourrait ici parler d’une forme « d’envie de classe ».

La « révolution citoyenne »

Le même problème affecte la définition de la « révolution citoyenne », notion tellement centrale dans le discours mélenchonien qu’on s’attendait à une délimitation précise. Comme souvent, Mélenchon ne la définit pas, mais procède à une énumération de mobilisations populaires dans différents pays depuis la fin du XXème siècle (page 191 sq), dans laquelle il est difficile de trouver un fil conducteur, une logique de classification. Qu’y a-t-il de commun entre les « printemps arabes », soulèvement populaire contre des régimes autoritaires, contre des figures usées par une trop longue permanence au pouvoir, et les occupations de Podemos en Espagne et du mouvement « Occupy Wall Street », manifestation des classes intermédiaires dans un contexte démocratique ? Entre le mouvement des Gilets Jaunes ou la protestation contre la retraite à 64 ans en France, qui font partie d’un débat démocratique interne, et la « révolution des parapluies » à Hong Kong qui contestait la mainmise d’un pouvoir vécu comme étranger ? Mélenchon l’établit : « [ces mouvementssont nés d’une même situation, d’un même empêchement essentiel. Le capitalisme est incapable d’organiser la société des réseaux sinon comme société de pénurie pour le grand nombre. Pourtant, le pillage au profit de l’oligarchie n’est pas le déclencheur. La pagaille, l’impossibilité de vivre normalement, l’arrogance et l’indifférence des puissants met le feu aux poudres ». On voit très mal quel raisonnement peut conduire de l’énumération à la conclusion. Pour ne prendre qu’un exemple, cette caractérisation peut difficilement correspondre à la « révolution des parapluies » à Hong Kong, déclenchée non pas pour contester le capitalisme libéral, mais au contraire pour le défendre.

Une fois encore, cette ambiguïté ne doit rien au hasard. L’essentiel pour Mélenchon, c’est de montrer que « sa » révolution est une réalité ailleurs, et donc que le mouvement qu’il cherche à susciter en France est possible. Et accessoirement, que chaque groupe puisse labelliser « sa » révolte comme une « révolution citoyenne », qu’il se reconnaisse parmi le « nous », opposé au « eux ». C’est ainsi que (page 226 sq) les émeutes de banlieue sont élevées au rang de mouvement révolutionnaire. Pour la même raison, Mélenchon prend cinq pages (page 231 sq) pour singulariser le rôle des femmes dans les « révolutions citoyennes », là aussi à grands coups d’exemples tellement édifiants qu’on se demande s’ils ne sont pas inventés, soupçon d’autant plus justifié que ces exemples sont donnés sans mention de date et sans références. Ainsi, par exemple : « Avec cette présence, toutes les activités typiquement genrées changent de registre. Ainsi a-t-on vu des femmes organiser un service d’ordre spontané à Beyrouth lors d’une manifestation. Stupeur des machistes violents dès lors empêchés d’agir ! ». Vous noterez que si l’activité « genrée » de « service d’ordre » a « changé de registre », celle des manifestants « violents » reste très « genrée » : ce sont forcément des hommes. Ce service d’ordre « spontané » (mais « organisé »… on n’est pas à une contradiction près) n’aurait-il pas eu aussi à faire à des femmes – voire des féministes – « violentes » pour les « empêcher d’agir » ?

On trouve une ambiguïté assez similaire sur une question qui a toujours été difficile dans l’extrême gauche, celle de la nature et du rôle de la Nation. Curieusement, le concept est pratiquement absent dans la prose mélenchonienne, ce qui est d’autant plus étonnant que c’est un concept fondamental de l’idéologie de la Révolution française, à laquelle Mélenchon ne perd une occasion de manifester son attachement. La seule mention de la question nationale que j’ai pu trouver (pages 228 sq) fait référence à l’usage des drapeaux nationaux dans les manifestations à chaque « révolution citoyenne » : « Dans chaque cas, des foules brandissant le drapeau de leur pays (…). Le fait de prendre le drapeau et de se l’approprier veut dire, au sens très strict : « ce pays nous appartient », autrement dit « nous sommes le peuple souverain » ». Mais Mélenchon ne tire pas la conclusion qui s’impose : si partout dans le monde le « peuple » brandit le drapeau national pour marquer son caractère de souverain, cela indique un très large consensus sur le fait que la souveraineté n’a de sens que dans un cadre national. Il est vrai qu’une telle conclusion mettrait le discours mélenchonien en contradiction avec sa pratique politique…

La « lutte pour l’accès aux réseaux » une lutte essentielle !

Le manque de conceptualisation gâche l’une des idées les plus intéressantes du livre, qui est la question des réseaux. Mélenchon remarque à juste titre l’importance prise par les réseaux – électricité, eau, gaz, transports, téléphonie, internet – dans la vie économique et sociale. A partir de cette constatation, il prétend faire de la « lutte pour l’accès aux réseaux » une lutte essentielle, qui opposerait une « oligarchie » contrôlant ces réseaux et imposant du fait de ce monopole ses conditions au « peuple ». Il va jusqu’à soutenir que la richesse de l’oligarchie est en fait une « rente » liée à son contrôle des réseaux, qui lui permet de prélever un « droit d’accès ». Le problème est que Mélenchon étend la notion de « réseau » à l’infini. Ainsi, par exemple, il affirme que « Pour chacun en ville, quel que soit le problème, la solution unique est le raccordement à un réseau ». Et il explique : « ainsi, on ne songerait pas d’emblée à l’éducation dans cette catégorie. Pourtant, le moyen d’accéder aux connaissances indispensables pour survivre dans nos sociétés complexes ne peut fonctionner sans former un réseau, un parcours faisant converger toutes sortes d’acteurs de la maternelle à l’université ». Ou bien : « La santé publique est aussi un réseau. D’abord parce qu’elle nécessite l’acheminement et la coordination de nombreux flux : ceux des soignants, du matériel, des médicaments et ainsi de suite ». D’autres paragraphes font d’activités aussi disparates que la livraison de colis ou le commerce alimentaire des « réseaux ». Ici, les définitions vagues conduisent l’auteur à confondre la problématique du réseau avec celle de la division du travail. Car une chose est de dire que nous sommes dépendants du réseau – qui est une infrastructure matérielle, faite de câbles, de tuyaux ou de rails – et une autre est de dire que nous sommes dépendants de l’activité – éventuellement coordonnée – d’autres personnes. Or, cette dernière dépendance ne doit rien au capitalisme. Elle est inhérente à toute société où existe la division du travail. Pour trouver un individu autosuffisant, il faut remonter très loin dans la préhistoire, et pour trouver des communautés autosuffisantes, à l’âge du bronze. On l’oublie souvent, mais déjà à l’époque romaine les chaines de valeur étaient « mondialisées » – même si le « monde » était beaucoup plus petit : le verre était produit par fusion là où les matières premières et les techniques étaient disponibles, puis transportées – quelquefois très loin – sous forme de « pains » ou lingots, qui étaient ensuite chauffés et soufflés à la verrerie – la température nécessaire pour souffler le verre est très inférieure à celle nécessaire pour la vitrification du sable – pour en faire des récipients, qui à leur tour étaient transportés vers des marchés lointains. Même chose pour le fer : le forgeron de village, qui forgeait les fers pour les chevaux du coin, ne partait pas du minerai de fer et n’avait d’ailleurs pas de four assez chaud pour séparer le fer ou le réduire. Il achetait à un marchand des lingots de fer, eux-mêmes fabriqués à partir du minerai, dans un lieu aussi proche que possible à la fois du lieu d’extraction et des gisements de combustible. L’idée d’un processus de production localisé en un seul lieu, de la matière première au produit fini, n’a de réalité que dans des sociétés très primitives.

Parmi les réseaux au sens stricte du mot, beaucoup sont des monopoles naturels [3] et dans ce cas ils sont pratiquement toujours publics ou strictement régulés, et l’accès à ceux-ci est un droit légal. C’est le cas par exemple dans la plupart des pays du réseau électrique. Parler donc d’un « conflit de propriété » à leur propos ou faire de « l’accès au réseau » un « conflit central » entre « peuple » et « oligarchie » n’a pas beaucoup de sens. Pour les autres réseaux, la régulation par la concurrence limite très largement le pouvoir de leurs propriétaires pour imposer ses conditions d’accès. On remarquera d’ailleurs que les réseaux en concurrence – internet, téléphonie mobile – ne procurent pas à leurs exploitants des profits mirifiques, puisque la concurrence sur les prix est féroce. Pour les fournisseurs de service internet, l’activité réseau est plutôt un boulet, leurs gains se trouvant essentiellement dans la vente de contenus (vidéo, musique). Car il y a là une autre confusion dans le discours mélenchonien, c’est la confusion entre le réseau lui-même et ce que le réseau délivre. Le réseau, en tant qu’infrastructure, n’est que le moyen de prêter un service ou de livrer un bien. Le réseau d’eau livre de l’eau, le réseau d’électricité livre l’électricité, mais le réseau d’assainissement ne « livre » rien, au contraire. Il fournit un service d’évacuation. Et cette livraison, cette évacuation sont des services en eux-même, qui doivent être produits par le travail humain. Ce que le propriétaire du réseau facture à ses usagers, ce n’est pas un « droit d’accès », une sorte de nouvel octroi, comme le prétend Mélenchon, mais bien un service qui a sa propre économie.

Une grande absente, la production

Et on arrive ainsi à la faiblesse essentielle dans la « théorie de l’ère du peuple » : elle ignore totalement les processus de production. On chercherait en vain dans le texte la moindre réflexion sur la manière dont les biens et les services sont produits, sur les mécanismes de régulation qui adaptent la production au besoin. Il serait tout aussi vain de rechercher la description d’un mode de production alternatif, qui pourrait se substituer au capitalisme. La production matérielle n’existe en fait pas chez lui : ainsi, tout en invoquant « la tradition efficace du matérialisme » (page 188) il explique que « Le peuple produit et reproduit son existence matérielle en accédant aux réseaux collectifs (…) sans lesquels il lui est impossible de survivre. Le régime de la propriété des réseaux, leur place dans le processus global d’accumulation capitaliste, l’aliénation de soi constituée par leur fonctionnement marchand, font la définition du peuple comme acteur du mode de production ». Autrement dit, ce n’est pas la production de valeur qui fait du peuple un « acteur du mode de production », mais son accès à cette même valeur. Mélenchon regarde le capitalisme uniquement sous l’angle de la distribution des richesses [4]. La manière dont ces richesses sont produites ne semble pas l’intéresser. Il est d’ailleurs remarquable que, après avoir donné aux réseaux une telle importance, il n’ait rien à dire sur leur genèse, c’est à dire, sur la manière dont ils ont été eux-mêmes produits.

Cette indifférence a des conséquences théoriques importantes. D’abord, parce que sans une réflexion sur le mode de production, c’est à dire de la manière dont la production des biens et les services est organisée et régulée, il n’y a aucune possibilité de définir une alternative. Pour le dire autrement, la vision « révolutionnaire » de Mélenchon est purement réformiste : le mode de production capitaliste est une donnée, un universel pour lequel il n’y a pas d’alternative. On peut jouer sur la manière dont richesse et pouvoir sont distribués, mais pas sur la manière dont ils sont produits.

Ensuite, cette indifférence a une conséquence idéologique. Dans la théorie marxienne, la légitimité du prolétariat pour exiger un autre partage des richesses repose fondamentalement sur le fait qu’il en est le producteur. Mais dans la « théorie de l’ère du peuple », sur quoi repose la légitimité du « peuple » à exiger un partage plus juste ? La question n’est pas formellement traitée, mais à la lecture du texte, on voit que c’est pour Mélenchon une question de principe. La répartition capitaliste n’est pas injuste parce qu’elle prive le producteur du fruit de son travail, mais parce qu’elle viole un principe d’égalité abstrait. Du coup, la dynamique de la lutte des classes, qui en fait dans la logique marxiste le moteur de l’histoire, disparaît pour laisser place à un conflit qui est purement idéologique, puisqu’il dépend de l’adhésion et de l’interprétation d’un principe. Ce n’est plus une question matérielle, mais une idée qui devient le moteur de l’évolution sociale.

Cet idéalisme se retrouve aussi dans la vision que le livre donne du « pouvoir ». Pour Mélenchon, le pouvoir est associé à la prise de décision. Il l’écrit d’ailleurs formellement : « La citoyenneté est cette fonction. Elle consiste à exercer le pouvoir. Le pouvoir dont il est question ici est celui de décider. C’est-à-dire, concrètement, de prendre le contrôle au sens large du terme ». Le problème est que « décider » et « prendre le contrôle », surtout « au sens large du terme », ce n’est pas du tout la même chose. Entre la « décision » et sa réalisation il y a une mécanique bien matérielle qui est déterminante. Le « pouvoir », ce n’est pas la capacité à décider, qui n’est qu’une manifestation de volonté, mais la capacité de traduire sa volonté en actes.

Pour conclure

La « théorie de l’ère du peuple » est ce qu’on peut appeler une « théorie ad hoc », un manifeste idéologique. Elle ne surgit pas du besoin d’analyser et de modéliser le réel, mais de justifier un projet politique – et accessoirement, de légitimer la prétention d’un groupe social, les classes intermédiaires, à en prendre la tête. Tant que la pensée à gauche était soumise au cadre marxien, il est clair que le rôle des classes intermédiaires ne peut être que marginal, le premier rôle étant réservé au prolétariat. C’est d’ailleurs de là que vient le grand traumatisme de mai 1968, quand les classes intermédiaires ont pris conscience que le prolétariat ne leur était pas soumis. L’idée du « peuple » définie comme un « nous » généralisé permet aux classes intermédiaires de se placer du bon côté de l’Histoire, celui des opprimés. Ce qui les dispense de s’interroger sur leur position réelle dans le mode de production, sur leurs intérêts, sur les privilèges dont elles bénéficient. Et accessoirement, compte tenu des avantages objectifs dont elles disposent, de prendre la tête du « peuple » et parler en son nom.

En dehors de ça, le livre contient beaucoup de développements, certains intéressants, d’autres amusants, d’autres encore absurdes [5] qui, lus avec une certaine distance, donnent une idée assez complète de ce qu’est le monde selon Mélenchon. Et de pourquoi ce monde n’apporte, finalement, pas grande chose de nouveau.

Publié dans POLITIQUE | Commentaires fermés

Pour Gérard Dapardieu, contre les maîtres censeurs du wokisme

Posté par jacques LAUPIES le 21 décembre 2023

Une voix s’élève contre « les cucul la praline » ! Merci.

Article de leJDD • 33 m
Pour Gérard Dapardieu, contre les maîtres censeurs du wokisme dans POLITIQUE

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Pour Gérard Dapardieu, contre les maîtres censeurs du wokisme

Pour Gérard Dapardieu, contre les maîtres censeurs du wokisme© SYSPEO/SIPA

C’est une bien étrange, absurde et hypocrite époque, trop souvent sans nuances d’analyse dans ses frénétiques jugements à l’emporte-pièce, celle qui, sous prétexte de libérer les individus de toute inégalité sociale, et a fortiori de toute discrimination sexuelle, à l’instar de ce à quoi s’adonne effectivement aujourd’hui ce que l’on appelle pudiquement le « wokisme », c’est-à-dire l’éveil des consciences, ne fait que les emprisonner, au contraire, en une détestable, paradoxalement rétrograde à bien des égards, police des mœurs !

C’est pourtant là ce qui arrive malheureusement, sans même parler ici des éventuelles manipulations médiatiques en cet épineux dossier, à l’encontre de Gérard Depardieu, qui, si certains de ses propos ne sont effectivement guère du meilleur goût, et peuvent même paraître déplacés ou grossiers sur le plan comportemental, voire offensants pour autrui et la gent féminine en particulier, n’en font pas encore, pour autant, l’haïssable coupable, y compris pour ce crime éminemment condamnable qu’est le viol, dont cette nouvelle cabale, aiguillonnée également en cela par une conception pour le moins étriquée, agressive et revancharde, du féminisme, est en train de l’affubler, sans autre forme de procès, ces jours-ci.

Pis : c’est un des principaux piliers de toute démocratie correctement entendue – la présomption d’innocence, en matière de justice – qui,  avec cette hystérique chasse à l’homme, aussi violente qu’inédite dans son immonde procédé, est en train de vaciller et peut-être même, si nous n’y prenons pas sérieusement garde avant qu’il ne soit trop tard, de s’effondrer, pour notre plus grand malheur à l’avenir !

Le wokisme, un totalitarisme idéologique doublé d’un terrorisme intellectuel.

Ainsi ce pseudo-féminisme tamponné de wokisme nauséabond, malveillante antichambre d’un inquiétant sectarisme, sinon d’un terrorisme intellectuel à faire pâlir d’envie les pires procès staliniens du passé, ne se révèlerait-il donc à l’arrivée, par-delà ses apparentes intentions émancipatrices de départ, qu’un nouveau genre de totalitarisme, qui s’ignore et ne dit pas son nom ou, pis encore, s’avance masqué : pétri d’interdits moralisateurs, jugements normatifs, conformismes ambiants, sentences expéditives, déclarations péremptoires, raccourcis simplificateurs, comparaisons frauduleuses, avis tendancieux, amalgames approximatifs, opinions caricaturales, imprécations discriminatoires, exclusions arbitraires, culpabilisations outrancières, accusations diffamatoires, allégations mensongères, anathèmes indignes, déductions infondées, verdicts manichéens, dogmatismes étriqués, carcans idéologiques, calomnies en tous genres et autres tout aussi gratuits, malveillants ou suspicieux procès d’intention, de notre pseudo-modernité.

Oui : en cette nouvelle ère de délation, bien plus encore que du « soupçon », d’impostures intellectuelles et de postures morales, le wokisme (dont l’arbitraire cancel culture et sa tyrannique « bien-pensance » se révèlent être aujourd’hui les agents les plus concrets et les symptômes les plus tangibles) s’avère à présent une des plaies les plus purulentes, parfois infectes sous son fascisme latent, au sein d’un monde contemporain qui, manifestement, n’a plus de moderne, face à cette consternante régression intellectuelle sous couvert d’ouverture d’esprit et de tolérance morale – suprême mais hypocrite alibi – que le nom, désormais vide de sens !

Ne pas confondre l’homme et l’artiste

Mais il y a pire encore en cet emblématique cas Depardieu : la très dommageable confusion ainsi instillée, au mépris de toute considération de la liberté comme de la grandeur de l’art, entre l’homme, pour peu reluisant qu’il soit parfois, et l’artiste précisément, comme le font en effet, ici aussi, les adeptes, toute honte bue, de la suppression de ses films sur nos écrans de télévision ou de son statut de « citoyen d’honneur » dans certaines villes de Belgique, voire carrément de sa « légion d’honneur » en France.

Ainsi, ce monstre sacré du cinéma, que nous avons jadis tant aimé, y compris dans ses subversives mais mythiques Valseuses, et qui, quelques années après, fut aussi cet immense et émouvant acteur du légendaire Cyrano de Bergerac (par ailleurs l’un des plus illustres représentants, ce penseur de haute volée, du libertinage érudit à l’Âge Classique), ne serait-il donc plus aujourd’hui, par cet ignoble lynchage médiatique aux relents d’une non moins abjecte vindicte populaire, qu’un monstre désormais voué aux gémonies ?

Inénarrables traîtres censeurs, véritables dangers pour l’imprescriptible liberté d’expression, ces médiocres maîtres penseurs autoproclamés, et, de surcroît, du haut, pour corser cette lamentable affaire, d’on ne sait quel arrogant et prétentieux pupitre ! Il est vrai qu’il n’est pas jusqu’à l’enfer qui, comme l’énonce un célèbre adage, ne soit pavé de bonnes intentions…

A cet abominable train-là, il n’est d’ailleurs pas exclu que ces nouveaux procureurs, gardiens trop zélés d’une hypothétique morale ambiante, s’évertueront à interdire un jour, peut-être même dans un futur proche, la lecture, dans nos écoles et lycées, de Baudelaire et ses vénéneuses Fleurs du mal ou de Flaubert et sa sulfureuse Madame Bovary, comme s’échina naguère à le faire conjointement, concernant ces deux géants de la littérature française et même universelle, le bien nommé Ernest Pinard (oui : cela, connaissant la légitime passion de Gérard Depardieu pour le bon vin, ne s’invente pas !) lorsqu’il crut les condamner pour outrage aux mœurs !

Séparer l’art et la morale

Ainsi, en guise de conclusion à cette humble mais sincère défense du truculent mais surtout grand Gérard Depardieu, comment ne pas se souvenir ici, précisément, de ces mots, frappés au coin de l’intelligence critique la plus souhaitable, du cher Oscar Wilde, le dandy le plus flamboyant de son temps, lorsqu’il écrivit, dans la préface de son génial Portrait de Dorian Gray, cet aphorisme passé désormais à la postérité, n’en déplaise à ses détracteurs, ceux-là mêmes qui le jetèrent injustement dans son obscure geôle de Reading, d’autrefois : « Il n’existe pas de livre moral ou de livre immoral. Un livre est bien écrit ou mal écrit, un point, c’est tout. » Et encore, dans le même ordre d’idées : « Nul artiste n’a de sympathies éthiques. Chez un artiste, toute sympathie éthique est un maniérisme impardonnable. »

A méditer, ces paroles, avec la gravité qui sied en pareille circonstance si, du moins, l’on ne veut pas malencontreusement ressembler à ces redoutables « Fouquier-Tinville de café littéraire », odieux épigones d’une Révolution Française mal comprise en ces maléfiques temps de l’infâme Terreur, pour paraphraser ici le sceptique mais lucide Raymond Aron lorsqu’il fustigeait à raison, dans ses insignes Mémoires, un de ces intellectuels d’opérette, germanopratins à ses heures éperdues, sur lequel, préférant cependant taire ici discrètement son nom, je laisserai choir, pour ma modeste part, un voile charitable.

Oui : comme notre triste époque, où ces inquisiteurs d’un nouveau mais mauvais genre ne craignent pas de se vautrer impunément dans d’aussi pestilentielles purges, manque de ce panache, en effet, que glorifia magnifiquement bien, avec autant de compassionnelle maestria et nostalgique poésie, ce douloureux mais gigantesque Depardieu dans l’admirable, sinon immortel, Cyrano !

*Philosophe, écrivain, auteur d’une quarantaine de livres, dont « La Philosophie d’Emmanuel Levinas – Métaphysique, esthétique, éthique » (Presses Universitaires de France), « Requiem pour l’Europe – Zagreb, Belgrade, Sarajevo » (Editions L’Âge d’Homme), « Le Testament du Kosovo – Journal de guerre » (Editions du Rocher), « Traité de la mort sublime – L’art de mourir de Socrate à David Bowie » (Editions Alma/Nuvis), « Afghanistan – Chroniques de la Résistance » (Editions Samsa).

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Seule la perspective du socialisme peut résoudre les défis de notre époque :

Posté par jacques LAUPIES le 21 décembre 2023

Seule la perspective du socialisme peut résoudre les défis de notre époque :

Cette perspective d’une nouvelle étape socialiste devient non seulement possible, elle devient nécessaire et urgente. Tous les travaux convergent pour constater que les états capitalistes piétinent sur la réduction des émissions de CO² et qu’une catastrophe de grande ampleur menace désormais notre civilisation humaine. En même temps, émerge dans le débat international la perspective d’une communauté de destin pour l’humanité.

La réponse à la crise du CO² nécessite au moins six éléments clés que seule une perspective socialiste peut correctement dessiner :

  • une planification supervisant l’ensemble des grands choix économiques et industriels, dégagée de la logique de rentabilité de court terme exigée par le capital ;
  • d’immenses investissements de très long terme, incompatibles avec la recherche capitaliste du profit ;
  • un développement massifs de nouveaux services publics, hors de la logique du marché ;
  • la mobilisation de toutes les couches de la société ;
  • l’arrêt de la militarisation et des conflits pour mobiliser tous les moyens disponible dans l’effort collectif ;
  • un codéveloppement Sud – Nord fondé sur le libre accès aux savoir-faire et le partage des ressources.

La crise climatique n’est pas le seul défi auquel l’humanité est confrontée :

  • Le défi de la paix et du désarmement mondial, avant qu’une catastrophe n’arrive ;
  • Le défi du développement pour donner à chaque enfant, où qu’il naisse, l’accès à la santé, au savoir, à l’éducation, à la culture et à une vie décente ;
  • Le défi des migrations pour faire en sorte qu’on ne soit plus contraint de quitter son pays, mais simplement libre de le faire ;

Seule une perspective d’une transition à l’horizon d’une génération vers une société socialiste permet de sortir du vide de la pensée dominante et d’envisager une solution aux défis de notre époque historique, de mobiliser largement les classes travailleuses, de ré-ouvrir un avenir positif pour l’humanité (les « jours heureux ») et de trouver la paix et l’harmonie, tant au sein des sociétés humaines que dans leurs rapports avec la nature.

 

Qu’est-ce qu’un socialisme de nouvelle (2ème) génération ?

Au vingtième siècle, au moins une douzaine de pays ont mis en place des sociétés socialistes, sur plusieurs continents. Tous ces pays sont partis d’une économie capitaliste très peu développée, souvent arriérée, parfois marquée par la colonisation ou des formes de néo-colonialisme. Malgré leur diversité historique et géographique, ils ont un certain nombre de traits communs, de réussites communes (notamment dans l’éducation, la santé, le développement, la paix, l’internationalisme, la culture, la réduction des inégalités), mais aussi d’échecs ou de difficultés semblables (notamment, à l’exception de la Chine et du Vietnam aujourd’hui, le dynamisme économique, à l’exception de Cuba, la vitalité démocratique). Ils correspondent à une époque historique. Ils sont une source d’enseignement, d’expérience pratique. Ils ont fait l’objet d’une bataille idéologique intense pour les dénigrer et les criminaliser qui a conduit à ce qu’une partie de la population le rejette sous le couvert du concept idéologique de totalitarisme. Il est temps d’entrer dans une phase de bilan objectif de ces étapes et moment historiques, passés ou existants.

Les pays développés n’offrent pas d’exemple de société socialiste, mais des institutions portées ou initiées par les partis communistes et socialistes peuvent être également sources d’exemples (pour la France par exemple la sécurité sociale, telle que portée par Ambroise Croizat, ou EDF tel que fondé par Marcel Paul.

Pourquoi pouvons- nous et devons nous envisager aujourd’hui un socialisme de nouvelle génération ?

  • Depuis la première génération d’états socialistes, le monde a considérablement évolué. La population humaine a grandi dans des proportions inouïes et la classe travailleuse également. Selon la banque mondiale, la population active mondiale est de 3,4 milliards de personnes en 2021, Elle n’était que de 2,3 milliards de personnes, en 1990, soit une plus d’un milliard de personnes en 30 ans. C’est considérable. En 1950, la population active mondiale n’était « que » de 1,1 milliards de personnes. Les forces productives se sont également développées. La production mondiale d’électricité est passée de 15 000 Térawatt.heures en 2000 à 27 000 TWh en 2020, alors qu’elle n’était que d’environ 1000 TWh en 1950. Le nombre mondial d’utilisateurs d’internet a doublé au cours des 7 dernières années pour atteindre 5,4 milliards de personnes.
  • Dans le monde actuel, une société socialiste ne peut s’édifier de manière isolée, comme ce fut le cas au 20ème siècle (par force) mais dans une inter-relation économique et industrielles mondiale, C’est donc (comme l’a expérimenté la Chine) une économie socialiste de marché, et non une économie de type socialiste étatique qui seront établies dans un premier temps. Les formes économiques socialistes (propriété collective des moyens de production, distribution centralisée et équitable) cohabiteront avec des formes capitalistes (propriété privée, distribution par le marché) pendant une période de dépassement progressif des secondes par les premières. Sur le plan des formes politiques, nous disposons désormais également d’expériences de formes démocratiques avancées et ouvertes (Cuba qui vient de voter un code de la famille le plus plus avancé du monde selon une procédure démocratique exemplaire, Chine) pour de futurs états socialistes.
  • Les moyens techniques actuels rendent possible la planification globale du pilotage de l’économie et de la production que les défis écologiques et de développement mondial rendent nécessaires. Ils permettent également d’intégrer sans contrainte excessives, des formes individuelles et privées de production, des mécanismes de marchés pour rendre cette planification globale compatible avec une liberté économique individuelle.

 

Cadre et positionnement général :

Le socialisme est le cap qui nous permet de répondre aux défis actuels et d’avancer vers la société communiste. Formuler cette perspective nous permet d’identifier les priorités actuelles, qui consistent à créer les conditions nécessaires à l’établissement futur de sociétés socialistes en Europe et dans le Monde.

Le cadre général dans lequel nous pouvons agir, mobiliser reste prioritairement la nation. C’est le cadre historique, social et culturel de la souveraineté populaire. C’est dans ce cadre que doit d’abord être établi un rapport de force de classes suffisant. Ce n’est que sur cette base, réalisée si possible dans plusieurs nations, que des changements pourront être obtenus au niveau européen.

Par ailleurs, les tensions internationales et les conséquences de la guerre posent aujourd’hui la question de la survie de l’UE.

Nous présenter aux élections au parlement de l’UE est important pour ;

  • faire connaître et converger nos idées entre pays,
  • interpeller les gouvernements et les responsables politiques,
  • appuyer nos mobilisations respectives les unes sur les autres,
  • contribuer au développement des forces communistes et ouvrières dans tous le pays,
  • fédérer et organiser ces forces au sein du Parti, outil démocratique essentiel pour une transformation révolutionnaire de la société toute entière.

Mais nous ne pouvons pas nous limiter au périmètre de l’UE. Il existe déjà une rencontre régulière des partis communistes et ouvriers au niveau international. Il est important d’œuvrer à ce que se constitue un cadre spécifique entre ces partis sur le périmètre de l’Europe.

Nous proposons à ce titre la réalisation d’une revue internationale partagée (papier ou en ligne), polyglotte (4 ou 5 langues, plus si possible), impliquant un nombre significatif de partis communistes et ouvriers d’Europe, représentatifs de la diversité culturelle, historique et politique de notre continent comme premier cadre de discussion collectif continental.

Ce positionnement doit nous permettre de préciser et de rendre plus concrète notre spécificité sur le champ politique.

 

Construire de nouveaux cadres de coopération multilatéraux pour rendre caduques les traités

L’Union Européenne se trouve aujourd’hui en zone de grande fragilité économique, stratégique, industrielle, sociale et politique. Les désaccords s’accumulent. L’Euro, monnaie unique de la plupart des pays de l’UE n’a pas permis pour l’instant de se protéger de la hausse des taux pratiquée par la banque centrale états-unienne, et cela menace d’une grave récession.

Après 70 ans environ de soi-disant « construction européenne », il est temps d’établir un bilan.

L’UE devait garantir la paix, la démocratie et la prospérité. Elle est aujourd’hui un facteur de guerre, de grande pauvreté, de destruction des acquis sociaux. Elle est l’outil essentiel de retrait de la souveraineté, une camisole de force sur les choix démocratiques. Elle préside à la désindustrialisation massive et sombre dans la crise économique. L’euro devait nous protéger et nous libérer de la domination du dollar. En réalité, il nous soumet à la politique décidée à Washington et New York.

L’Union Européenne se trouve aujourd’hui en zone de grande fragilité économique, stratégique, industrielle, sociale et politique. Les désaccords s’accumulent. La politique de hausse des taux pratiquée par la banque centrale états-unienne et la BCE menace d’une grave récession.

Cela crée une situation inédite, complexe et très dangereuse : Il n’existe aucune option juridique pour changer radicalement une politique qui ne fonctionne pas et qui menace une partie du continent d’un grave chaos.

  • Quitter l’UE individuellement nécessite un processus d’au moins 5 années, comme la montré l’exemple britannique (et encore, la Grande Bretagne est insulaire et n’avait pas adopté l’euro). En cas de départ conflictuel, il existe des possibilités énormes de chantage à l’égard du pays qui souhaite sortir.
  • Réécrire les traités nécessite l’unanimité des pays concernés. Cela pose un grave problème démocratique et un grave problème pratique.

La nécessité fait toujours son chemin. Mais il est difficile de connaître à l’avance les détours exacts que ce chemin peut prendre.

La position historique du Parti doit être maintenue : Il faut sortir des traités que, nous, n’avons jamais soutenu. Il faut dénoncer radicalement la démarche et la méthode de fonctionnement de l’UE et son élargissement. Il faut bâtir une Europe de coopération librement consenties et réversibles, entre nations souveraines et peuples associés.

Mais nous pouvons aller plus loin aujourd’hui. Car les BRICS aujourd’hui montrent une autre voie. Ils ouvrent la possibilité d’une véritable alternative à l’hégémonie monétaire états-unienne sans perte de souveraineté, mais au contraire dans la reconquête de celle-ci par l’établissement de mécanismes monétaires, financiers et commerciaux ouverts et équitables.

Le choix n’est plus entre l’acceptation des traités et le repli national. Le choix est entre deux systèmes de relations internationales. D’un côté, une UE repliée sur elle-même, inféodée aux USA et verrouillée par les traités. De l’autre, un système multipolaire de relations internationales basé sur le respect de la souveraineté, le multilatéralisme et le développement.

Même si nous ne pouvons pas formuler de mécanisme institutionnel précis pour y parvenir, nous devons clarifier la direction de sortie de crise. Nous devons nous prononcer pour la voie du multilatéralisme, de la construction d’institutions mondiales de régulation et de coopération, autour du cadre de l’ONU, sur des bases équitables et ouvertes, sans hégémonie d’aucune sorte.

Le continent européen doit sortir de la crise et de la division et bâtir des institutions ouvertes, équitables et également respectueuses et garantes de la souveraineté de chaque état.

Pour cela, il faut réaffirmer la primauté du droit national. La souveraineté n’est pas un obstacle. Elle est au contraire le moyen indispensable pour bâtir ces nouveaux cadres internationaux.

Dans la prochaine élection européenne, nous pouvons développer ce positionnement autour de 5 axes majeurs :

 

Axe n° 1 : Pour l’internationalisme de classe, au service de la paix, de la coopération et du développement

Alors que le monde est comme jamais menacé d’une guerre nucléaire et d’une destruction catastrophique, écarter les logiques de guerre, de militarisation, les alliances militaires, les occupations de tous pays par d’autres et les tentatives de domination mondial est une priorité.

Il faut créer les conditions d’une paix durable, fondée sur l’égalité des nations, pour permettre un désarmement massif et définitif, et réaffecter les fonds faramineux actuellement investis dans l’armement vers la transition climatique et le développement, les véritables urgences.

L’égalité des nations nécessite un accès égal de tous les pays au développement. Cela suppose l’arrêt de toute forme de sanctions économique contre quel pays que ce soit, l’accès égal de tout pays au commerce international, l’établissement d’un système financier international démocratique et ouvert, la dissolution de tous les blocs commerciaux, l’annulation massive des dettes publiques et la création d’un fond financier international massif pour le développement et la construction des infrastructures productives dans les pays en développement.

Cela implique une rupture dans la politique européenne et de l’UE, le désalignement sur les USA, l’annulation du partenariat stratégique UE – OTAN avec pour objectif la dissolution de l’OTAN et la solidarité illimitée avec les pays du Sud. Cela suppose le respect total de la souveraineté de chaque pays, l’arrêt de toute ingérence, de manipulation externe et le respect des étapes de développement et des formes politiques propres.

Les expériences tragiques de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye (…) ont montré l’impossibilité et le danger de changer de l’extérieur le cours politique d’un pays. Une solidarité active des forces progressistes au niveau international suppose le respect du mouvement et des étapes propres de développement de chaque pays.

L’Europe pour sa part, doit établir un cadre de sécurité commun, garantissant la paix sur le continent et une libre coopération entre tous les pays. Aucun pays ne peut être exclu a priori de ce processus. Pour éviter d’être coupée en deux par des logiques de blocs, le continent européen doit faire le choix de la neutralité et l’OTAN doit être dissoute.

La guerre en Ukraine doit cesser au plus vite. Des négociations doivent régler les conditions d’une paix durable et mutuellement acceptable. Le cercle vicieux de la guerre doit être stoppé. Un cessez- le-feu et l’arrêt des livraisons d’armes doivent être la priorité, et les initiatives de la Chine, des pays africains, du Brésil en faveur de la paix doivent être soutenues.

La guerre terrible qui fait rage en Palestine doit également cesser. Le danger d’un embrasement général s’élargit. Un grand nombre de pays appellent également à la désescalade, au cessez le feu et à des négociations sérieuses et équilibrées.

Dans toutes les zones qui sont déstabilisées le chemin vers la paix ne peut passer par la restauration de l’ordre ancien qui a mené à ces blocages, à ces crises et à ses guerres.

L’Union Européenne doit cesser d’alimenter les conflits par les armes comme par la propagande et accepter les médiations et le rôle prééminent de l’ONU comme cadre multilatéral de coopération.

L’Union Européenne doit cesser toutes les opérations qui transforment la Méditerranée, la Manche et d’autres mers en cimetière. Une politique d’accueil digne, humaine et légale doit être proposée pour les millions de personnes qui fuient les guerres, les conditions climatiques et la misère.

Nous devons aussi proposer un vaste et inclusif partenariat pour le développement, en faveur de la construction des infrastructures (énergies, transport, télécommunications en particulier) et du développement des services publics en Afrique et au Proche Orient. Nous proposons que chaque pays de l’UE abonde ce fond de développement à hauteur de 2 % de son PIB (niveau des dépenses militaires exigé par l’OTAN) sans contrepartie ni dette pour les pays en voie de développement.

Chaque personne doit pouvoir vivre dignement dans son pays et participer à son développement.

 

Axe n°2 : Pour le climat, un nouveau système productif est à bâtir : Plan de transition climat

La parti présentera le 6 novembre prochain son plan de transition climat – remplacer par le nom officiel de ce plan – qui est un plan très solide scientifiquement et très ambitieux économiquement et socialement. Ce plan apporte une argumentation solide pour porter des changement urgents. Notre parti est le seul à porter, autour du climat, un projet de société global et cohérent, le seul à exprimer que les changements nécessaires ne sont pas que techniques mais nécessitent de modifier en profondeur les structures sociales et économiques.

Il suppose notamment (en cohérence avec les travaux de la commission économie) :

  • D’énormes investissements publics dans de nombreux secteurs (production énergétique, logement, transports, usines et structures productives, …) ;
  • De réorienter massivement les flux de plus-value en direction de ces investissements, sur la base d’autre critères que la rentabilité ;
  • De modifier la structure financière et les critères comptables ; reconstituer les monopoles publics dans les domaines du transport, de la production d’énergie et des réseaux ;
  • Le retour d’une organisation en service public de secteurs clés comme la production électrique, l’énergie ou les transports de voyageurs et de marchandises, et le développement de nouveaux services publics comme par exemple un service public de voitures individuelles électriques partagées.
  • Un vaste plan éducatif.
    L’ambition de ce plan et l’urgence des problématiques donne tout son sens à la perspective socialiste que nous envisageons à moyen terme pour notre pays.

 

Axe n° 3 : Faire sauter les verrous libéraux, développer de nouvelles formes sociales avancées de propriété des outils de production : pôles publics

Le traité de l’UE de Lisbonne, comme ceux qui l’ont précédé, sacralisent la propriété privée, l’économie de marché et l’accumulation capitaliste du profit. Les bourgeoisies des pays de l’UE (en particulier française) se sont appuyés sur ces outils et la valeur quasi-constitutionnelle des traités pour détruire et vider de leur sens les conquêtes populaires de l’après guerre. Les avancées historiques portées par le conseil National de la Résistance est encore inscrite dans le cœur de la société française.

Elles ont cherché à faire tourner la roue de l’histoire en arrière et le résultat en est, non pas une « construction », mais une destruction.

Nous devons clairement réaffirmer la supériorité de la propriété collective des grands moyens de production, notamment en ce qui concerne l’énergie et le transport et la fin des mise en concurrence des grands services publics (y compris la santé, l’éducation l’eau…) et, en créant de nouveaux services (voir Anicet Le Pors) pour la protection des personnes, de l’environnement et de l’humanité.

Nous disposons en France d’une expérience très avancée en termes de service public nationalisés, dont le meilleur exemple est la création de l’Electricité de France par Marcel Paul, le Parti Communiste et la mobilisation des électriciens et gaziers. Ce modèle était basé sur :

  • la garantie, pour tous, d’un service universel, de qualité, moderne et à bas prix, hors marché capitaliste ;
  • un statut très avancé des personnels en termes de formation et de protection sociale, droit du travail, participation à la gestion et aux décisions stratégiques ;
  • la capacité à contribuer à la modernisation du pays, en relation avec les entreprises privées du secteur selon une répartition des rôles stable et claire et grâce à l’articulation avec le Commissariat à l’Energie Atomique, créé aussi à la libération par le communiste, prix Nobel, Frédéric Joliot Curie.

L’avancée de ce modèle a été paradoxalement confirmée par la vague de nationalisation de 1981. Il est en effet clair que la seule nationalisation d’entreprises de secteurs stratégiques n’avait pas alors permis des avancées réelles, ni pour les consommateurs, ni pour les salariés, ni pour le pays.

La notion de pôles publics, développée par le parti et la commission économique du Parti répond à cette problématique. Elle permet d’envisager une nouvelle étape qui s’appuie sur l’expérience de 1945, en l’approfondissant dans la perspective future d’une économie socialiste de marché.

Elle doit être un axe de campagne fort, à décliner concrètement sur les secteurs concernés.

Il faut démontrer que le développement de services publics modernes et portant le développement du pays est incompatible avec ce traité qui doit donc être remplacé par un nouveau cadre multilatéral de coopération.

Enfin, il faut porter clairement l’idée que la réindustrialisation d’un pays comme la France nécessite une forte implication de l’état et de la puissance publique. Les pôles publics peuvent être le vecteur essentiel de cette réindustrialisation.

Un pôle public du logement, récupérant les logements et bâtiments possédés par les banques et assurances et maître d’ouvrage de la rénovation et de la construction des logements en lien avec les collectivités et les habitants serait par exemple un puissant outil de transformation urbaine et de l’aménagement du territoire. Il pourrait tirer l’ensemble de la filière vers de nouvelles technologies de production et de nouveaux modes d’usage du logement.

 

Axe n° 4 : Unir le peuple en renversant les hiérarchies sociales

Le ton populaire, simple, direct et plein de solidarité porté par notre secrétaire national depuis la campagne présidentielle a fait mouche dans de nombreuses catégories sociales. C’est parce qu’il répond à une problématique majeure de notre société. C’est parce qu’il est au fond, un discours qui porte et appelle à un point de vue de classe. Il change les termes du débat.

La bourgeoisie a l’habitude d’imposer sa hiérarchie sociale : les classes supérieures dominent la société. Les « essentiels », ceux qui produisent les richesses, font vivre et fonctionner l’ensemble de la société sont invisibilisés et privés largement de participation à vie sociale et politique. La petite bourgeoisie se considère habituellement comme le porte-parole légitime du peuple (privé de parole) et déteste être remise en cause dans ce rôle.

Un actif sur deux est soit ouvrier, soit employé. Mais la présence de ces classes sociales à l’assemblée, au sénat, ou même dans les conseils des collectivités locales est rare. La presse et la télévision ne leur accorde qu’une portion congrue. Le travail en général reste un huis clos.

La dignité, l’ampleur et la popularité du mouvement contre la réforme des retraites sont un autre exemple de prise de parole et d’intervention de classe dans la vie politique. Ce mouvement a également reçu un fort soutien dans de nombreuses catégories sociales, tout en rencontrant des obstacles, en particulier pour généraliser les grèves. Pour changer la donne politique et les termes du débat une nouvelle phase et d’autres perspectives comme celle d’un front populaire des grèves et des luttes et les renforcements des organisations syndicales et politiques à l’intérieur des entreprises sont nécessaires. .Le moment des élections européennes doit être une étape importante

de débat et de mobilisation dans les entreprises. En agissant ainsi, nous permettrons aux travailleurs de se saisir de l’élection européenne, de lui donner un sens et d’y faire irruption pour que cette élection soit un moment de lutte et de structuration.

Cela montre la capacité des classes travailleuses à porter une direction pour l’ensemble du peuple. Ce n’est pas un hasard si la popularité de notre secrétaire national s’est accélérée à la suite de ce mouvement social.

C’est cette analyse de classe, portée par la classe qui peut seule donner son sens à la notion de souveraineté comme un droit collectif du peuple. Non seulement la grande bourgeoisie française n’a pas défendu la souveraineté nationale, mais elle a même appuyé son abandon au sein des institutions européennes. Car pour la bourgeoisie, la perte de souveraineté était au fond une reconquête : la reprise des acquis sociaux de 1945, la destruction de la capacité d’agir du peuple.

Plutôt la soumission à l’UE et aux USA que les acquis de la Libération.

Nous devons porter une critique de classe concrète et pédagogique de la démocratie bourgeoise libérale actuelle. Nous devons lui opposer un retour aux sources de la démocratie et une République sociale, laïque et féministe : le gouvernement du peuple par le peuple et pour le peuple, la priorité de l’intérêt collectif sur les intérêts privés, notamment ceux du capital qui dominent aujourd’hui, la satisfaction collective des droits et besoins matériels essentiels, le développement des forces productives pour répondre aux besoins sociaux, l’unité du peuple comme base.

 

Axe n°5 : Faire société autour du travail

La misère économique et sociale, la perte du sens au travail et des repères collectifs constitue une source majeure de mal-être. La division des gens entre eux, la construction d’opposition en large partie artificielle entre des catégories de population qui partagent au fond de mêmes intérêts sociaux, le développement des réflexes racistes et des oppositions religieuses (réelles ou fantasmées) est un grand danger. La crise de la jeunesse, le développement des trafics, notamment de drogue, de la violence, dont les classes populaires sont les premières victimes exacerbe ces divisions.

La crise démocratique et la manipulation de l’opinion publique par des médias contrôlés par les grands groupes capitalistes enferme notre peuple dans des répétitions dangereuses. Les rejets se multiplient mais l’oligarchie financière continue d’imposer sa politique et son point de vue. C’est un cercle vicieux : la difficulté à porter des changements politiques profonds nourrit l’abstention des classes populaires et le désintérêt pour la politique. En même temps, l’abstention et le désintérêt des classes populaires empêche de porter des changements dans notre système politique. Le verrou du traité de l’UE et le fonctionnement des institutions de l’UE est un outil essentiel de ce blocage démocratique.

Une large partie de la classe travailleuse n’a plus accès à un collectif syndical actif sur son lieu de travail ni à une expression politique communiste. C’est encore plus vrai pour les couches les plus jeunes et les plus précarisées.

Or, ceux qui font tourner la société sont les mieux placés pour voir ce qui ne fonctionne pas et sont les seuls capables de l’énergie nécessaire pour le combat du changement. C’est le sens des orientations de notre dernier congrès. Cela doit aussi, dans la lignée de notre histoire et de nos campagnes déjà menées, un axe fort de campagne : la parole à la classe travailleuse, des candidats de la classes travailleuse pour des députés de la classe travailleuse, un travail pour construire des expressions collectives.

Les prises de consciences s’accélèrent. L’unité des classes travailleuses, l’organisation collective à l’échelle des masses doit traduire ces prises de consciences en capacité d’agir. Le Parti et les organisations de masse sont l’outil à développer pour porter et structurer cette capacité d’agir collective.

En cohérence également avec nos choix de congrès, nous devons porter l’ensemble de ces débats sur les lieux de travail qui sont les lieux privilégiés de conscientisation et de formation.

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L’Europe, à nouveau divisée, est dans l’impasse : (suite)

Posté par jacques LAUPIES le 21 décembre 2023

L’Europe, à nouveau divisée, est dans l’impasse :

Dans ce contexte, l’intervention militaire de la Russie en Ukraine, a été le catalyseur qui a accéléré la polarisation des lignes de tensions internationales. Elle-même est la conséquence de la pression exercée par l’Occident (l’OTAN) et les USA à travers le coup d’état du Maïdan en 2014, qui visait à arrimer l’Ukraine au camp occidental. Cet expansionnisme est lui-même lié à la crise non résolue du capitalisme contemporain et au besoin en résultant de circonscrire la souveraineté d’un nombre croissant d’états.

En Europe (continent européen), des changements radicaux sont apparus après le début de l’intervention militaire russe sur le territoire ukrainien. Après des années de fluctuation, les relations entre la Russie et la Biélorussie d’une part, les pays de l’UE, la Grande Bretagne et les USA d’autre part sont réduites à un niveau jamais atteint pendant la guerre froide. Une grande vague de militarisation parcourt le continent.

Les USA ont encerclé les pays de l’UE dans un véritable mâchoire stratégique : les pays de l’UE n’ont que peu de ressources, notamment énergétiques. Ils sont dépendants d’approvisionnement pétroliers et gaziers extérieurs. Le gaz russe, une des sources d’énergie bon marché dont bénéficiait l’économie de l’UE passait par trois itinéraires possibles : les gazoducs NorthStream 1 & 2, sous la Baltique ont été détruits. Les deux autres itinéraires passent l’un par la Pologne, l’autre par l’Ukraine, deux pays très proches (voire satellites) des USA. Par leurs alliés, les USA disposent donc du principal robinet énergétique de l’économie de l’UE. Par la pression médiatique et diplomatique, ils ont même convaincu l’UE de renoncer à une large partie des approvisionnements pétroliers directs venant de Russie, obligeant les pays de l’UE à acheter en Inde le pétrole russe, ré-étiqueté après raffinage et plus cher.

Cette situation a également produit un changement de nature des institutions de l’UE. Celle-ci devient ouvertement un centre support de l’OTAN et de la politique états-unienne, sur laquelle elle est totalement alignée. La Suède et la Finlande, jusqu’ici officiellement neutres, ont engagé le processus d’adhésion à l’OTAN. La Pologne, alliée privilégiée des USA en Europe, s’est engagée dans un processus de militarisation accélérée qui modifie les équilibres géopolitiques du continent et peut provoquer de nouveaux conflits. Une pression accrue est désormais exercée sur les états de l’UE pour bloquer leurs relations avec la Chine.

En même temps, ce changement est en train de faire mûrir une crise économique et sociale majeure au sein de l’UE, une perte de compétitivité que se traduit déjà par une fragilisation du tissu productif et un appauvrissement massif. Surtout, la politique de l’UE paraît désormais sans perspective. La fuite en avant néo-libérale épuise les ressources fondamentales accumulées durant la reconstruction après-guerre. La position générale est de continuer à faire ce qui ne marche pas, mais même la conviction des néo-libéraux les plus acharnés s’émousse.

 

Le verrou de la politique impérialiste peut être levé :

Cette situation est lourde de dangers, mais elle est aussi porteuse de nouvelles perspectives pour les classes travailleuses du monde. Depuis environ 50 ans, la domination états-unienne et des grandes bourgeoisies sur le monde a constitué des barrières majeures sur la voie de l’émancipation populaire. Les expériences socialistes ont été combattues avec cynisme et acharnement. Les idéaux communistes ont été vilipendés et diffamés. L’histoire a été travestie. Toute tentative de changement a dû faire face non seulement aux menaces et au chantage, mais surtout à l’isolement du marché mondial et à l’étouffement économique à une échelle jamais vue. Cuba, qui résiste, en est encore le témoin.

Pour tous les pays, quel que soit leur niveau de développement, la politique néo-libérale est désormais synonyme de misère, de régression et de chaos.

En revanche, l’émergence de nouveaux rapports internationaux, la croissance de la Chine et sa politique d’investissements (BRI : Belt and Road Initiative), fondée sur la construction des infrastructures clés et la libération des forces productives ouvre la possibilité d’une autre voie, souveraine vers le développement et la résolution des crises. Elle permet d’envisager d’en finir au niveau mondial avec le néo-colonialisme et le néo-libéralisme.

La crise cumulative du capitalisme et de l’impérialisme mobilise progressivement des forces de changement d’une ampleur nouvelle. Une solution salvatrice pour l’humanité devient possible, un socialisme de deuxième génération, seul capable de résoudre les contradictions actuelles. Cela rend possible l’émergence d’une prise de conscience des classes travailleuses. Une nouvelle phase est en train de se ré-ouvrir : la perspective de la socialisation et la transition des classes travailleuses de classes en soi vers classes pour soi.

 

 

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https://lepcf.fr/spip.php?page=article&id_article=5330

Posté par jacques LAUPIES le 20 décembre 2023

Après une longue phase de réaction …

Depuis la seconde guerre mondiale, les USA ont dominé la production industrielle, le commerce internationale, la production et le raffinage pétrolier (meilleure source d’énergie disponible), les technologies de pointe, et une bonne partie de la production culturelle et scientifique. Partant de cette position, ils ont rapidement mis la main sur les outils de contrôle financiers, monétaires et politiques de l’économie mondiale, imposant un nouveau régime impérialiste au monde capitaliste.

A ce moment, les USA ont été en situation d’exercer un contrôle global sur les flux de profit et d’accumulation du capital. Les étapes ultérieures de ces développement ont correspondu avec les crises successives d’accumulation capitaliste, en premier lieu avec la première grande crise générale de suraccumulation de l’après guerre qui a commencé à la fin des années 1960. Ces crises successives ont poussé la puissance capitaliste dominante à chercher des solutions diverses qui se sont rassemblées sous l’appellation de « néo-libéralisme » : dérégulation, libre circulation des capitaux et généralisation de l’évasion fiscale, financiarisation, ouverture des marchés, externalisation de la production industrielle vers des pays sans protection sociale, à faible monnaie et bas prix de la force de travail.

Ces différentes solutions ont conduit à une restriction générale de la souveraineté des états, soumis aux exigences des capitaux portées à la fois par la structure de la sphère financière et monétaire et par l’appareil impérialiste des USA et leurs relais officiels ou officieux. Ce processus a été grandement renforcé par la disparition de l’Union Soviétique qui constituait le principal contrepoids à la puissance états-unienne dans les relations mondiales.

 

… une situation mondiale radicalement nouvelle

L’affaiblissement de la souveraineté des états et la force du contrôle financier et monétaire ont empêché, durant des décennies, la formulation d’une perspective alternative concrète. Cependant, après une longue évolution, l’ascension de la Chine suivie par d’autres grands pays du « Sud global » a ouvert de nouvelles perspectives. Les points de domination états-uniens sont aujourd’hui étiolés ou menacés. La Chine domine désormais la production industrielle dans de nombreux secteurs. Elle dispose d’une capacité scientifique et technologique de 1er plan. Elle est la deuxième économie du monde et le principal partenaire commercial de la plupart des pays. Elle dispose ainsi depuis de nombreuses années d’excédents commerciaux et de réserves monétaires qui lui permettent de contrebalancer la position états-unienne. Elle peut proposer à de nombreux pays un autre système avec une véritable alternative aux capitaux états-uniens et au dollar. Elle peut leur ré-ouvrir la voie du développement des forces productives.

D’autres grands pays ont commencé à poser les jalons d’un développement conséquent et nouent aujourd’hui, notamment au sein des BRICS (l’alliance initialement créée par le Brésil, la Russie, l’Inde, la Chine et l’Afrique du Sud) Cette alliance s’est récemment élargie à 6 nouveaux pays et est en position de contester frontalement les rapports mondiaux et de les modifier radicalement.

La crise du capitalisme US – UE est de ce fait privée de solutions et resurgit aggravée et élargie.

C’est pourquoi le monde est désormais entré dans une période de changements accélérés. Après une longue évolution du système productif mondial, ces changements sont en train désormais de bouleverser complètement les rapports internationaux et, en particulier, la domination impérialiste états-unienne. De nouvelles perspectives s’ouvrent. Les pays du « Sud global » relèvent la tête et sont en situation de se battre pour réaliser leur développement économique et social tant attendu.

L’affaiblissement de l’impérialisme et les fractures internationales ouvrent des potentialités nouvelles.

Les bourgeoisies mondiales, notamment celles qui avaient le plus profité de cette période de réaction ont parfaitement compris la situation. Elles résistent pied à pied, par tous les moyens à leur disposition et quitte à piétiner les principes dont elles avaient fait leur raison d’être, comme la liberté du commerce pour défendre leurs privilèges. Quitte aussi à écraser les plus faibles pour sauver les plus forts.

Les anciennes colonies et semi-colonies de l’Occident avaient conquis une indépendance formelle dans la période 1945 / 1975 pour l’essentiel. Cependant, pour la plupart d’entre eux, la domination coloniale directe avait simplement été remplacée par une domination néo-coloniale masquée. S’en est suivi pour ces pays une longue phase de développement empêché, de quasi-stagnation économique et d’exclusion du monde développé. Maintenus à la périphérie du système productif mondial, la plupart de ces pays n’ont pas accédé aux infrastructures productives nécessaires à leur développement. La libre circulation des capitaux, la domination monétaire et l’ouverture des marchés ont laminé les premiers pas réalisés par ces pays dans la voie du développement notamment sous la forme catastrophique des « Plans d’Ajustement Structurel » du FMI.

Cette réduction de la souveraineté des états a également atteint les pays capitalistes développés et a également conduit à des régressions catastrophiques : chômage et réapparition de la pauvreté de masse, désindustrialisation et liquidation des services publics, montée de la réaction et du fascisme.

(à suivre)

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