Réforme ferroviaire. Au Sénat, le plaidoyer des cheminots étrangers

Posté par jacques LAUPIES le 31 mai 2018

 

 

Marion d’Allard
Mercredi, 30 Mai, 2018
L’Humanité
La lutte des cheminots français a reçu, hier au Sénat, le soutien marqué de leurs collègues étrangers. Jacques Demarthon/AFP<br />

La lutte des cheminots français a reçu, hier au Sénat, le soutien marqué de leurs collègues étrangers. Jacques Demarthon/AFP
 

Invitées par les sénateurs du groupe PCF-Verts alors que s’ouvrent les discussions sur la réforme ferroviaire, des délégations de cheminots d’Europe et d’ailleurs sont venues témoigner des conséquences de la libéralisation du rail dans leur pays.

Ils ont donné du grain à moudre aux sénateurs, qui planchent en ce moment sur la réforme ferroviaire portée par le gouvernement. Hier, à l’invitation du groupe Communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), des cheminots allemands, britanniques, espagnols, belges, italiens, luxembourgeois, mais aussi norvégiens ou néo-zélandais sont venus dresser un bilan de la situation du chemin de fer dans leur pays. Parfois totalement privatisé, souvent libéralisé ou en voie de dérégulation, partout le service public de transport ferroviaire souffre de la politique du tout-rentabilité.

Les pourfendeurs du monopole public, gouvernement et direction de la SNCF en tête, dépeignent une concurrence idéale et positive, qui tire les prix vers le bas et garantit la qualité du service rendu aux usagers. « Faux », a répondu hier Oystein Aslaken, cheminot de Norvège et président d’ITF (Syndicat international des travailleurs du transport), qui chapeaute la rencontre. « La libéralisation des chemins de fer est partout négative, c’est l’augmentation assurée des coûts et des tarifs, le tout reposant sur un choix politique délibéré de privatiser l’argent public. »

Une libéralisation toujours synonyme de dégradation

Dans une petite salle du deuxième étage du Palais du Luxembourg, les sénateurs, aux côtés des représentants des syndicats français (CGT, Unsa, SUD, CFDT), ont écouté les cheminots étrangers. Tous vont dans le même sens. Tous dénoncent la concurrence. Tous en appellent au développement du rail et tous, surtout, sont venus témoigner leur solidarité à la lutte des cheminots français. « Nous savons bien que, vraisemblablement, la réforme ferroviaire française, si elle va à son terme, inspirera d’autres gouvernements », a pointé Laurent Bour, cheminot luxembourgeois. Libéralisé sur sa partie fret, le réseau ferroviaire du Grand-Duché, qui cumule 275 kilomètres de lignes, reste largement financé par les pouvoirs publics et l’opérateur historique existe toujours. Mais jusqu’à quand ?, interroge Laurent Bour. En Italie, où le transport de marchandises et de passagers a été ouvert à concurrence – comme en Espagne –, « la compagnie nationale Trenitalia a perdu 25 % du trafic local et 15 % du trafic grandes lignes hors grande vitesse », explique Maria Christina Marzola. Résultat, poursuit-elle, « une forte baisse du nombre de trains avec des conséquences indirectes mais évidentes sur les prix. Car, quand on ne peut plus faire une longue distance d’un trait, on additionne les petits trajets et le nombre de billets ». Mais la cheminote italienne va plus loin : « L’externalisation des travaux de maintenance a désorganisé profondément les choses, c’est l’anarchie en termes de gestion et en dehors de la baisse de ponctualité, cela entraîne surtout des problèmes de sécurité pour les cheminots et pour les salariés des entreprises prestataires. » Finalement, explique Pierre Lejeune, venu de Belgique, « c’est toujours les petites lignes rurales qui subissent le plus durement ces politiques ». Dans son pays, la séparation comptable du gestionnaire d’infrastructures et de l’opérateur ferroviaire est effective depuis 2005. Et « en échange, poursuit le cheminot d’outre-Quiévrain, l’État a repris les 7 milliards d’euros de dette de la SNCB (la compagnie belge – NDLR). Mais malgré les suppressions de postes (4 000 depuis 2015 – NDLR), l’endettement atteint de nouveau 4 milliards d’euros cumulés ».

Restent l’Allemagne et le Royaume-Uni. Cités par le gouvernement, l’une comme exemple, l’autre comme contre-exemple. Collé au « modèle allemand », le pacte ferroviaire d’Édouard Philippe entend libéraliser le secteur sans le privatiser totalement, comme ce fut le cas en Grande-Bretagne. Mais à entendre les cheminots allemands et anglais, les deux options aboutissent au même résultat : dégradation du service, augmentation des coûts et des tarifs. En Allemagne, 19 % du réseau n’est plus exploité depuis 2005, la dette sur l’infrastructure a été reconstituée à hauteur de 18,8 milliards d’euros, les subventions publiques ne cessent d’augmenter, les prix des billets ont augmenté de 50 % – bien plus que l’inflation – et la Deutsche Bahn, la compagnie germanique historique, a perdu sur la période la moitié de ses effectifs, a détaillé Winfried Wolf.

Quant au Royaume-Uni, « où, vingt-deux ans après la dérégulation, 70 % de l’opinion publique est favorable à une renationalisation du rail », précise un cheminot britannique, « les tarifs atteignent des sommes faramineuses ». Pour exemple, poursuit-il, « un abonnement annuel à la ligne Manchester-Newcastle – 142 km – coûte 11 500 euros et Manchester-Liverpool – seulement 42 km – 5 000 euros par an ».

Autant d’arguments qui « renforcent la détermination de notre groupe parlementaire », a résumé sa présidente, Éliane ­Assassi, sénatrice communiste de Seine-Saint-Denis. Une détermination exprimée dans une motion du groupe CRCE qui dénonce non seulement le choix du gouvernement de « passer en force par la voie des ordonnances », mais également un travail parlementaire réduit à « un toilettage à la marge, puisque sur le dur du texte, rien n’est négociable ». « Le combat sera difficile », a pour sa part noté Pierre Laurent. « Mais nous voulons rendre ce débat utile, et nous sommes capables de faire bouger les lignes » d’une réforme qui « ne résout aucun des problèmes concernant l’avenir du ferroviaire », a ajouté le secrétaire national du PCF et sénateur de Paris.

Hier, en début d’après-midi, quelques heures avant que ne s’ouvrent les travaux dans l’Hémicycle, des milliers de cheminots sont venus crier leur colère sous les fenêtres du Palais du Luxembourg. Parmi la foule et la fumée, Francis tente de se frayer un passage. Il porte à la veste un badge sur lequel on peut lire « usager solidaire ». Parce que « le service public est le patrimoine de ceux qui n’en ont pas », il encourage les cheminots à poursuivre la lutte. Et à ceux qui considéreraient les usagers comme les premières victimes de ce combat, Francis répond qu’« on ne mesure pas la légitimité et l’importance d’un mouvement aux embarras qu’il peut causer ».

journaliste

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Le groupe CRC au Sénat dénonce une privatisation prévue de la SNCF

Posté par jacques LAUPIES le 30 mai 2018

 

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Nouvelle formule de L’Humanité Dimanche . « Nous voulons montrer qu’il existe des alternatives »

Posté par jacques LAUPIES le 30 mai 2018

 

Entretien réalisé par Caroline Constant
Mercredi, 30 Mai, 2018
L’Humanité
Stéphane Sahuc<br />
Rédacteur en chef de l’Humanité Dimanche<br />

Stéphane Sahuc Rédacteur en chef de l’Humanité Dimanche
 

Dès jeudi, l’Humanité Dimanche dévoile sa nouvelle formule. L’hebdomadaire se veut à la fois « beau » et « accessible », selon son rédacteur en chef, Stéphane Sahuc, pour toujours mieux répondre aux défis de la bataille idéologique pilotée par Emmanuel Macron. Entretien.

Pourquoi une nouvelle formule de l’Humanité Dimanche  ? En quoi s’impose-t-elle ?

Stéphane Sahuc Elle s’inscrit dans le cadre d’une relance des titres de notre groupe, après la rénovation du quotidien et avant la nouvelle ergonomie de notre plateforme numérique d’ici à la fin du mois de juin. Nous avons besoin d’un nouveau magazine pour participer de manière encore plus efficace à la féroce bataille d’idées depuis que Macron est au pouvoir.

Comment va se manifester cette réponse à la bataille idéologique dans le magazine ?

Stéphane Sahuc Nous voulons montrer qu’il existe des alternatives, aussi bien individuelles que collectives, aussi bien théoriques que pratiques, déclinées de manière nationale ou dans un quartier, par le biais de l’interview, de l’expertise, de l’analyse. En essayant de voir tout ce qui bouge, tant sur le plan intellectuel que pratique, pour s’opposer aux projets de remodelage de la société engagés par Macron. Parce qu’on est face à un pouvoir qui a le projet non dissimulé de transformer la société française. Nous commençons d’ailleurs par analyser la question des quartiers populaires. Parce qu’ils sont un enjeu compte tenu du nombre d’habitants, parce que c’est un lectorat auquel on aspire à s’adresser de manière plus importante encore, et parce que ce sont eux qui sont directement dans le viseur de la transformation que j’évoquais. Pour exemple, la manière dont ont été traitées par le pouvoir les recommandations du plan Borloo illustre ce que veut faire Macron : l’idée qu’il développe, c’est moins de permettre aux quartiers de s’en sortir que de permettre aux premiers de cordée de ces quartiers d’en sortir. Avec ce premier numéro, nous essayons de montrer, à l’inverse, qu’il peut y avoir un contre-plan pour améliorer la vie de ces habitants et de ces quartiers. Nous allons d’ailleurs mener cette campagne plusieurs mois. Elle pourrait se conclure par une rencontre, un débat, un échange à la Fête de l’Humanité, en septembre, avec des élus, des responsables d’associations, des habitants, des profs qui vivent et travaillent dans ces quartiers.

Qu’est-ce qui fait que cette formule, que vous quittez, ne vous permettait plus de répondre à ces objectifs, et en quoi cette nouvelle formule va vous permettre d’y arriver ?

Stéphane Sahuc Tout n’était pas à jeter dans l’ancienne formule, loin s’en faut. On maintient beaucoup de choses. Mais nous allons désormais construire davantage le journal à partir des sujets qu’à partir des rubriques. Pour être clair, avant, l’organisation du journal était immuable, avec l’ordre des rubriques, social, politique, société, international. Aujourd’hui, l’idée de la première partie du journal, qu’on a baptisée « Partis pris », c’est vraiment de choisir dans l’actualité les trois ou quatre sujets qu’il nous semble important de traiter. On pourra donc commencer le journal aussi bien par un sujet international que par un sujet social. Une seconde partie, que nous avons appelée « Nos vies », sera plus axée sur ce qui fait la vie quotidienne des lecteurs, que ce soit autour des enjeux du logement, ou de Parcours sup, en ce moment. La dernière partie, qui s’appelle « Découvrir », est celle où on pourra plus se poser, avec des pages idées, histoire, mais aussi sur ce qu’on appelle dans notre jargon la prescription, en médias et en culture. Pour donner des conseils, en cinéma, en littérature, en musique. L’idée, c’est vraiment d’avoir un journal à la fois accessible et beau. L’organisation va peut-être surprendre nos lecteurs, qui sont habitués à quelque chose de très découpé, très organisé.

Avec un journal moins figé ?

Stéphane Sahuc L’Humanité Dimanche sera plus souple. Pour parler de la culture, qui était figée à quatre pages dans l’ancienne formule, aujourd’hui rien ne nous empêche de la monter à six pages, quand on le souhaite. Même si on va retrouver des pages, des rubriques qui existaient, comme l’histoire, les sciences, nos idées, les plaisirs, la santé. Et les médias, bien évidemment, avec un petit changement : on a décidé de plus travailler sur la prescription des programmes télévisés, de leur donner plus d’espace, et de fournir au lecteur une sélection triée sur le volet.

Visuellement aussi, il y a un changement dans la maquette ?

Stéphane Sahuc La maquette est plus aérée. Justement pour faciliter la lecture, y compris des sujets longs sur huit pages. Même si d’autres rubriques seront plus denses, comme les pages « Idées ».

 

journaliste

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Trois philosophes se penchent sur la référence à Marx : si vous hésitez à tout lire, je vous recommande cependant A.BADIOU

Posté par jacques LAUPIES le 29 mai 2018

 

Que signifie, aujourd’hui, la référence à Karl Marx ?

Anniversaire de la naissance de l’auteur du Capital.
Traduit de l’anglais par Jérôme Skalski
Lundi, 28 Mai, 2018
L’Humanité
Trois philosophes se penchent sur la référence à Marx : si vous hésitez à tout lire, je vous recommande cependant A.BADIOU dans POLITIQUE

Au lendemain du 200e anniversaire de la naissance du penseur révolutionnaire allemand, la signification de ses œuvres et de ses concepts interpelle le champ philosophique. Avec les contributions des philosophes Slavoj Zizek, Étienne Balibar et Alain Badiou.

  • Répéter son geste d’ancrage par Slavoj Zizek, philosophe

Slavoj Zizek, philosophe et psychanalyste slovene. Photo Albert Facelly pour l'Humanite DimancheLa question de la pertinence de la critique de Marx de l’économie politique à notre époque de capitalisme globalisé doit être résolue de façon dialectique : non seulement la critique de Marx de l’économie politique, ses grandes lignes concernant la dynamique capitaliste, reste toujours actuelle, mais on devrait même aller plus loin et affirmer que c’est seulement aujourd’hui, avec le capitalisme mondial, que, pour le dire en hégélien, sa réalité rencontre son concept. Cependant, un renversement proprement dialectique intervient ici : à ce moment précis, la limite doit apparaître, le moment du triomphe est celui de la défaite. Après avoir surmonté les obstacles externes, la nouvelle menace vient de l’intérieur, signalant une incohérence immanente. Quand la réalité atteint pleinement son concept, ce concept lui-même doit être transformé. Là réside le paradoxe proprement dialectique. Marx n’avait pas tort, il avait souvent raison, mais plus encore qu’il ne l’aurait cru lui-même.

Alors, qu’en résulte-t-il ? Faut-il radier les textes de Marx comme un document intéressant du passé et rien de plus ? Dans un paradoxe proprement dialectique, les impasses mêmes et les échecs du communisme du XXe siècle, impasses clairement fondées sur les limites de la vision de Marx, témoignent en même temps de son actualité : la solution marxiste classique a échoué, mais le problème subsiste. Le communisme n’est pas aujourd’hui le nom d’une solution, mais le nom d’un problème, le problème des communs dans toutes ses dimensions – les biens de la nature comme substance de notre vie, le problème de nos biens communs biogénétiques, le problème de nos biens communs culturels ; la « propriété intellectuelle » et, last but not least, les communs comme l’espace universel de l’humanité duquel personne ne devrait être exclu. Quelle que soit la solution, il faut faire face à ces problèmes.

Dans les traductions soviétiques, la déclaration bien connue de Marx à Paul Lafargue, « Ce qu’il y a de certain, c’est que je ne suis pas marxiste », a été rendue par : « Si c’est du marxisme, je ne suis pas marxiste. » Cette mauvaise traduction rend parfaitement compte de la transformation du marxisme dans un discours universitaire. Dans le marxisme soviétique, Marx lui-même était un marxiste, participant à une même connaissance universelle qui constituait le marxisme ; le fait qu’il ait créé l’enseignement connu plus tard sous le nom de « marxisme » ne déroge pas à la règle. Sa dénégation fait référence à une mauvaise version spécifique qui se proclame faussement « marxiste ». Ce que Marx voulait dire était quelque chose de plus radical : un écart séparait Marx de lui-même, le créateur, qui a une relation substantielle avec son enseignement, des « marxistes » qui suivent cet enseignement. Cet écart peut également être rendu par la célèbre blague des Marx Brothers : « Vous ressemblez à Emmanuel Ravelli.

– Mais je suis Emmanuel Ravelli.

– Ce n’est pas étonnant que vous lui ressembliez. »

Le type qui est Ravelli ne ressemble pas à Ravelli, il est simplement Ravelli, et, de la même manière, Marx lui-même n’est pas un marxiste – un parmi les marxistes –, il est le point de référence dispensé de la série – c’est la référence à lui qui fait d’autres marxistes. Et la seule façon de rester fidèle à Marx aujourd’hui est de ne plus être un « marxiste », mais c’est répéter le geste d’ancrage de Marx d’une manière nouvelle.

  • Marx métamorphosé par Étienne Balibar, philosophe

Étienne Balibar. 23 mars 2016. credit Magali BragardOn nous dit : Marx est de retour… Comme s’il était jamais parti ! Mais ce qui est vrai, c’est que sa compréhension et son usage se sont métamorphosés. Et c’est des choix qu’impose cette métamorphose, des possibilités qu’elle ouvre, des révisions qu’elle demande, que je voudrais dire ici quelques mots.

Dans les manifestations auxquelles donne lieu le bicentenaire, deux surtout me semblent révélatrices du changement de conditions dans lesquelles s’effectue aujourd’hui la lecture de Marx, et de la conjoncture inattendue dans laquelle nous sommes maintenant. La plus voyante, c’est l’inauguration en grande pompe, dans la ville natale de l’auteur du Manifeste communiste, d’une statue géante offerte par la République populaire de Chine : dernier grand pays au monde à être gouverné par un « parti communiste », et puissance tendanciellement dominante du nouveau capitalisme mondialisé. Il n’est pas sûr qu’on lise beaucoup le Capital en Chine, mais il n’est pas certain qu’on ne le lise pas. De toute façon, cette référence ne peut être écartée d’un revers de la main sous prétexte que ce Marx-là ne serait pas « le vrai ».

Non moins révélatrice est la touchante unanimité des grands organes de presse où se forge le consensus néolibéral, The Economist de Londres et The Financial Times, pour nous expliquer que, sans doute, la mise en œuvre des « politiques marxistes » a débouché sur la catastrophe et sur l’horreur, mais le diagnostic portant sur les contradictions du mode d’accumulation, et donc l’inévitabilité des crises, doit plus que jamais être pris au sérieux. Cela suppose qu’on puisse découper Marx en tranches : l’économie par-ci, la politique et la philosophie par-là, ce que je ne crois pas, mais qui témoigne du fait que la puissance analytique de sa pensée et le principe de sa critique du capitalisme ont survécu à la tragédie des révolutions et contre-révolutions du XXe siècle.

Le capitalisme dans lequel nous vivons aujourd’hui, dont la logique pénètre désormais tous les aspects de la vie quotidienne, n’est pas seulement un capitalisme mondialisé et financiarisé, c’est un capitalisme qui vient après le socialisme historique sous ses différentes formes, dont le marxisme a été l’une des composantes. Pour une part, il s’en démarque violemment ; pour une part, il s’en nourrit, au risque du déséquilibre permanent. La lecture de Marx dont nous avons besoin aujourd’hui (et qui, bien sûr, est plus qu’esquissée de divers côtés, sous la forme d’une réjouissante multiplicité d’interprétations) doit elle aussi se concevoir et s’organiser comme une lecture « post-socialiste », y compris dans un rapport critique au socialisme de Marx. Ce qui impose un rapport critique à son communisme : le communisme de Marx ne se confond pas avec son socialisme, car il vient de beaucoup plus loin dans l’histoire des idéaux de l’humanité. Mais il ne peut en être séparé par une simple décision, puisque Marx avait précisément trouvé dans la « loi de socialisation » inhérente au capitalisme les fondements de sa conception du communisme.

De ce que Marx a écrit et pensé (désormais bien plus largement accessible qu’à l’époque où, sous l’inspiration d’Althusser, nous nous proposions de « lire le Capital »), je pense qu’il faut tout garder des questions et tout repenser des réponses. Cela vaut pour la critique de l’économie politique, en surmontant les limitations que lui avait imposées sa dépendance par rapport aux économistes de la révolution industrielle, et en levant l’obstacle que constitue sa conviction du caractère purement « apologétique » de l’économie bourgeoise. Cela vaut pour les schémas du processus révolutionnaire au moyen desquels il avait cherché à inscrire la révolution prolétarienne dans la continuité des révolutions bourgeoises, au prix d’une dénégation de son universalisme potentiel et d’une sous-estimation de ses propres contradictions. Et cela vaut, bien sûr, pour la lutte des classes : il est évident à la fois qu’aucune relation sociale n’échappe à sa détermination et qu’elle ne constitue que l’une des structures de domination et de résistance, dont les idées de « transformer le monde » et de « changer la vie » tirent leur actualité permanente. On pourrait résumer cela en disant que Marx, deux cents ans après sa naissance, est entré dans une conversation où il a autant à apprendre qu’à enseigner. C’est la démocratie des idées révolutionnaires. Je crois qu’il en eût été satisfait. À tout de suite, vieille barbe !

  • Les formes neuves de l’appropriation collective par Alain Badiou, philosophe

Alain Badiou. 2014(c)LeemageFaute de se souvenir que le vrai titre du Capital est Critique de l’économie politique, on a souvent réduit Marx à une pensée analytique de l’organisation économique des sociétés. Il s’est finalement retrouvé, au milieu notamment de ses ennemis de toujours, comme un auteur des parcours académiques en sciences sociales. Cette académisation de Marx a permis de le séparer de ses vrais descendants : Lénine, ou Mao, et donc de lui épargner leur sort de maudits « totalitaires ».

Mais la vie, l’action et les écrits de Marx témoignent du contraire. Le but qu’il poursuivait sans faiblesse était la naissance et le déploiement d’une organisation internationale des prolétaires. Il a été avec Engels, comme Lénine avec Trotski, Mao avec Chou En-lai, Castro avec Che Guevara, le militant, le dirigeant des efforts pour atteindre ce but dans les conditions de son époque, où l’Idée communiste faisait son apparition.

Je voudrais citer ici deux passages du Manifeste qui, à mes yeux, concentrent l’orientation fondamentale qui nous rattache encore à Marx. Ma première citation serait : « Les communistes ne forment pas un parti distinct opposé aux autres partis ouvriers. Ils n’ont point d’intérêts qui les séparent du prolétariat en général. Ils ne proclament pas de principes sectaires sur lesquels ils voudraient modeler le mouvement ouvrier. Les communistes ne se distinguent des autres partis ouvriers que sur deux points : 1º Dans les différentes luttes nationales des prolétaires, ils mettent en avant et font valoir les intérêts communs du prolétariat. 2º Dans les différentes phases évolutives de la lutte entre prolétaires et bourgeois, ils représentent toujours et partout les intérêts du mouvement en général. »

Et la deuxième : « En somme, les communistes appuient partout tout mouvement révolutionnaire contre l’ordre des choses social et politique existant. Dans tous ces mouvements, ils mettent en avant la question de la propriété, quelle que soit la forme plus ou moins développée qu’elle ait revêtue, comme la question fondamentale du mouvement. »

En somme, le militant participe à tous les mouvements dans lesquels la subjectivité dominante semble être une opposition réelle à l’ordre dominant. Mais il y observe, et tente par tous les moyens d’y faire prévaloir trois principes :

1. L’internationalisme, qui exclut que le mouvement laisse place au nationalisme, à la mention, par exemple, de « la France » et de ses intérêts, y compris sous la forme actuelle du fétichisme de « notre République ». Encore moins pourra-t-on tolérer tout ce qui relève des traces du colonialisme : le racisme, l’islamophobie et autres ingrédients de la réaction contemporaine.

2. La subordination de ce qui est une nécessité tactique à la stratégie d’ensemble, le « mouvement en général », qui vise l’affaiblissement d’abord, la destruction enfin, de l’ordre capitaliste et bourgeois. On évitera toute forme de soutien constant, notamment électoral ou syndical, avec des forces dont il est évident que leur but n’est que de conquérir des positions de pouvoir à l’intérieur de l’ordre dominant. On ne fera en particulier nul usage de la catégorie sous laquelle se présentent toutes les trahisons, à savoir la catégorie de « gauche ».

3. La question de la propriété bourgeoise et de l’absolue nécessité de son abolition. Marx indique que ce principe doit prévaloir quelle que soit la forme plus ou moins développée qu’elle (la propriété) a revêtue. Aujourd’hui, cette forme est littéralement extrémiste : dans le monde, une centaine de personnes possèdent autant que deux milliards d’autres. Le gouvernement Macron veut nous aligner sur ce genre de norme. D’où l’impératif militant : dans tout mouvement, aujourd’hui, affirmer un rejet total, non seulement des privatisations en cours (de l’université, de la SNCF, des hôpitaux…), mais de toutes celles auxquelles la gauche comme la droite ont contribué depuis 1983, et proposer les formes neuves de l’appropriation collective de tout ce qui relève du bien public. Prioritairement : enseignement, santé, transports autres que familiaux, communication (poste, téléphone et réseau Internet), énergie, eau potable.

Dans le cadre de la lutte entre la voie capitaliste aujourd’hui dotée d’une puissance sans précédent et la voie communiste à reconstruire, Marx nous indique non seulement ce que doivent être le cadre de notre pensée, mais plus encore l’orientation générale de nos actions.

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Réception des demandeurs d’asile ?

Posté par jacques LAUPIES le 27 mai 2018

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