Au jeune amateur de tauromachie, entre autres !
Posté par jacques LAUPIES le 31 juillet 2016
La préhistoire : déjà le taureau
Les grecs ne sont pas en reste
Guernica de Pablo Picasso : le taureau incarne diront certains, la brutalité fasciste !
Tu rêves de « toros » de corridas et même tu veux devenir matador. Tes pères ont gardé de cette Espagne si flamboyante de vie une saveur qu’ils te communiquent.
Hier je reproduisais un article d’une mère, militante inquiète pour l’avenir des jeunes que toi-même tu côtoies tous les jours au collège ou dans ton quartier en cette période de vacances d’été.
Hier encore tu étais obnubilé par ton désir de ne pas manquer les festivités beaucairoises que le Maire (comme le font tous maires de cette ville depuis des décades) prend soin d’organiser.
Tu n’as pas manqué cette manifestation qui s’ajoute à d’autres célébrant le taureau dans une région ou les hommes ont (r)établi des mythes (des traditions) pour servir une économie.
Ici comme dans d’autres endroits du monde celui du taureau, que l’on combat ou avec lequel on joue, a très certainement pour origine la célébration de la dure lutte pour la vie, la nourriture. Le sujet est vaste et je te laisse le soin de consulter les anthropologues pour en savoir plus !
Je me contenterai de faire un constat !
Chacun instrumentalise l’engouement que suscite cet animal à des besoins particuliers : les éleveurs pour asseoir leur élevage et le commerce qu’ils en font, les amateurs de spectacle taurins pour satisfaire ce besoin de fête dont leur enfance, leur adolescence ont été imprégnées avec le besoin de se retrouver, de se rencontrer, d’être mais aussi de paraître, les politiques par opportunisme pour ne pas décevoir un électorat trop attaché à tout ce qui entoure la présence de la bête.
Au plus lointain de nos origines sociales il est l’animal que l’on chasse pour se nourrir. Fort et féroce il faut l’intelligence de l’homme pour le vaincre, l’abattre. Rien d’étonnant que l’on célèbre ce combat, que l’on valorise le courage de celui qui doit donner le dernier coup mais aussi de la horde (humaine) qui organise sa chute. Les civilisations le fixent un peu partout, à toutes époques, par la représentation dessinée, par la sculpture, par l’écriture, Et voila que cela devient un spectacle vivant au fil des temps avec la mise à mort.
Certains voudraient l’interdire non pas parce que l’homme y prend des risques mais parce qu’avec « son intelligence » il conduit à faire de la souffrance de l’animal une vaillance de la part de ce dernier !
Après tout, se disent ces contestataires de cette violence ciblée, choisie, pas trop compromettante : « les amateurs de corridas et même parfois de course libre s’amusent de l’animal et le torturent ». Celui-ci n’est pas en capacité en rentrant dans l’arène de se coucher et de leur dire : « allez vous faire foutre, je n’entre pas dans votre jeu ». Il est stupide, tout aussi stupide que nous qui sommes incapables quand on nous met sur un champ de bataille de jeter notre fusil. D’ailleurs comment lui ou nous pourrions faire autrement puis que l’on vient nous chercher dans le pré avant de nous mettre dans l’arène, après nous avoir jeté quelques ballots de paille.
Dès lors plus moyen d’échapper à la brutalité de l’autre. Fallait y penser avant Monsieur le taureau mais évidemment vous êtes sous domination et incapable de penser avant, tout juste une peu d’appréhension quand on vous conduit à l’abattoir.
Et vous Monsieur le toréador, vous qui pensez, que cherchez vous : le coup de corne fatal ? La gloire, l’argent, une vie meilleure ? Au risque de la mort avec ou sans garantie de paradis ? Bonne question par les temps qui courent !
N’auriez-vous pas mieux à faire ? Construire quelque chose qui respecte la terre, les animaux et surtout les humains !
http://dp.mariottini.free.fr/weekend/madrid/photos/guernica-picassos-pablo.htm
https://fr.wikipedia.org/wiki/Claude_L%C3%A9vi-Strauss
Les raisons de la Guerre d’Espagne
La Guerre d’Espagne ne fut pas une « guerre civile », mais bien une guerre de classe. Le témoignage post mortem d’Enrique O. Milla, tiré de notre « Rouges vies », en ce 80e anniversaire, nous paraît aussi significatif et révélateur que de longs discours. Enrique nous a beaucoup parlé. Il a raconté, raconté, raconté…
« Je suis né pauvre dans une pauvre bourgade de la Mancha, sans moulins ni avant ni après, et dont je me rappelle toujours le nom, facile à retenir : la Gineta, du nom de ce gros chat sauvage tacheté de noir : la genette. La Gineta et son clocher vigie, entourés d’une platitude infinie qui était la nôtre. A en perdre la vue. L’ennemi étant dans le village, le clocher ne servait qu’à donner les heures, toutes les mêmes, toujours les mêmes, les heures d’une exploitation immuable.
Mon grand-père, le Juanillo, gagnait sa chienne de vie avec son âne « Borrico », esclave de petits boulots éreintants. Il devait payer un droit, comme mon père Joaquín, pour arracher les « tocones », les souches des chênes déjà coupés par d’autres plus fortunés, et les vendre au village comme bois de chauffage. Déterrer ces souches relevait des travaux forcés… Les souches, c’est ce qu’il restait quand les riches avaient tout pris. Le Juanillo payait pour glaner les restes du festin forestier des propriétaires.
La Gineta était un village riche peuplé de pauvres, une sorte de mendiant assis sur un trône de céréales, de blé, et puis de lentilles, de safran, l’or de la région. La terre appartenait à ceux qui la possédaient de génération en génération, à une poignée de « terratenientes », à « don Arturo », aux « Alonso », à « don Tomas », des « dons » comme des sons de cloche et des propriétés en centaines et milliers d’hectares. Ici on comptait en « fanegas ». Leurs troupeaux de brebis et de mules avaient plus de droits que nous, les « jornaleros », les ouvriers agricoles… En effet, la plupart de ceux qui travaillaient la terre ne la possédaient pas.
Nous, ceux d’en bas, nous étions soumis à ces « don Fils de pute » et devions voter pour eux. Lors des élections, les « don Dinero » (messieurs Fric) distribuaient de porte en porte quelques billets de banque pour acheter les votes des ouvriers agricoles. Ils faisaient le chantage à l’embauche, menaçaient, promettaient… La droite organisait de grandes « cuervas » (sorte de sangria), des beuveries afin que le peuple, joyeux, « vote bien ». Les pauvres s’y saoulaient la veille des élections, mangeaient quatre « tortas de manteca » (des galettes au saindoux). Le jour des élections, les « esbiros » (hommes de main des riches) donnaient à chacun la bonne « papeleta », le bon bulletin, à l’entrée du bureau de vote. Ils appelaient cela « democracia ». « Una gran mierda ».
Ils m’ont fait devenir communiste à « latigazos » (coups de fouet). Je devais avoir à peine dix ans lorsque mes parents me placèrent à la « aldea » (la ferme « La Castra »), chez « don Rios », à 5 km du village, puis chez le richissime Juan Lozano, grand propriétaire et patron de la Banque d’Albacete, puis à La Grajuela, de riche en riche. De négrier en négrier. J’étais « gorrinero », expert en surveillance animale, mention porcine, jeunes mules, etc. Par temps de pluie, la « trapera » (une couverture) devait d’abord protéger les mules, puis nous.
Le « capataz » (« contremaître ») préparait le « gaspacho manchego » et les « migas ». Le tout mal préparé, tellement mal qu’on aurait dit une merde à laquelle les cochons ne goûtaient même pas.
La nuit, nous les gamins, nous dormions dans l’étable, sur un sac de paille, derrière les pattes des mules. Elles nous piétinaient et nous couvraient d’excréments.
Les ouvriers agricoles, eux, dormaient dans des « camastros », des lits-hamacs surélevés. Nous, nous étions le sous-lumpen prolétariat rural !
A cinq heures du matin, je me levais pour allumer le feu. Si je passais l’heure, bastonnade à volonté ! La volonté « del amo » (du patron) faisait office de code du travail . L’humiliation était notre pain quotidien.
Gamins, nous mangions dans un coin, en dernier, ce qui restait, le plus souvent du pain et un morceau de lard. Nous gardions les troupeaux de « sol a sol », du lever au coucher du soleil. Avec un bout de pain et une orange. Sans rétribution aucune. « Don Hijoputa » nous nourrissait et nous payait à base de coups de pied au cul. Lorsque les cochons ou les dindons, les jeunes mules, les chèvres, nous échappaient et allaient se régaler dans les blés, les gardes chiourmes, contremaîtres à cheval, nous tapaient dessus avec une longue perche en bois d’olivier. Comme des picadors saignent un taureau. Nous servions de chiens de troupeaux. Notre vie était pire que celle des animaux dont nous avions la charge. « Vida de perro » (vie de chien).
Chaque trois semaines, le patron nous autorisait à rentrer à pied, au village, chez nous, pour changer de linge. Nous étions couverts de poux. En chemin, j’avais peur de l’orage…
En 1931, lorsqu’est arrivé le moment de commencer à briser nos chaînes, nous étions prêts à mourir plutôt que de continuer à supporter une vie de paria, la faim au ventre et juste le droit de se taire. »
D’après Enrique O. Milla, in « Rouges vies », ed. Librairie des Territoires, Sarrant (Gers).
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