Etudiants et apprentis
Posté par jacques LAUPIES le 18 juillet 2014
L’article ci dessous publié sur le site de l’Humanité traite de l’entrée des jeunes dans l’enseignement supérieur.
Y sont évoquées quelques vérités. Pour avoir fréquenté l’université de Nîmes en 2006, 2007 en auditeur libre, je constate que les choses n’ont guère changé et même semblent s’aggraver pour les étudiants.
« C dans l’air » est une émission que je regarde assez régulièrement parce qu’elle se situe à une heure qui me convient et qu’y sont abordés les sujets d’actualité dans les domaines économique et social et même sociétal.
Bien que je puisse avoir toutes les raisons d’être écœuré par les propos tenus par les mêmes personnages qui occupent le plateau, généralement serviteurs zélés de la pensée unique, je persiste à les écouter ce qui évidemment a pour effet de me conforter dans ma vision des questions évoquées.
Et ce soir on y parle d’apprentissage, de relations sociales et de négociations, de reprise « désespérément » attendue, des professions libérales (huissiers, notaires, notamment) visée par Montebourg, pour leur diminuer les revenus privilégiés dont elles bénéficieraient. Cette dernière entreprise chatouille sérieusement les classes moyennes (les vraies !). Mais j’y reviendrais.
Ce soir l’économiste de service Elie Cohen, le spécialiste des relations sociales, une économiste issue des banques, Mathilde ? et le représentant des professions règlementées Michel Chassang.
Je m’en tiendrai au sujet essentiel et qui me préoccupe le plus : l’apprentissage. J’avoue qu’il me sensibilise, non pas tellement parce qu’ancien apprenti j’ai connu les aléas de ce statut dans les années 50 et en même temps tous les effets bénéfiques que peut en retirer un adolescent qui a besoin d’un cadre et d’une formation. Ce qui m’a probablement été aussi utile que le collège pratique ou le lycée mais qui ne signifie pas que l’enseignement secondaire ne m’ait pas manqué.
Il faut aussi souligner que l’apprentissage au sein d’une grande entreprise nationale (SNCF) avait cet avantage de ne pas m’exposer aux risque de l’apprentissage en milieu patronal artisanal comme nombre de jeunes de ma génération. Je suis assez satisfait lorsque j’entends parler de relancer l’apprentissage dans les entreprises publiques. Même si je n’en connais pas les formes et les objectifs. Pour l’instant on nous parle de l’armée ce qui serait un peu réducteur si l’on s’en tenait là.
L’apprentissage et la formation professionnelle sont une nécessité. Et nous avons insisté durant la campagne électorale municipale, sur l’action qu’une commune pouvait entreprendre en relation avec les collectivités départementales, régionales et l’état. Même si le Parti Communiste est de peu d’influence localement nous avons tout fait pour que la population soit sensibilisée à cette question.
Comme sur l’ensemble de la France le taux de chômage chez les jeunes est très nettement supérieur à la moyenne nationale (le chiffre de 20 % est avancé). Cela est atterrant. Pour nombre de jeunes cette situation a des conséquences désastreuse et conduit les plus vulnérables à l’incivilité et à la délinquance.
Connaître des jeunes dans cette situation et constater que le risque est réel pour eux rend l’impuissance à intervenir douloureuse. La solution est évidemment politique et d’envergure nationale. Elle passe par un parcours professionnel lié à la formation et à une prise en charge financière, certes conditionnée, mais suffisante pour leur assurer l’autonomie. Demander à des artisans qui souvent souhaiteraient former à leur métier soit pour se doter d’une main d’œuvre qualifiée, soit préparer la relève, soit même avoir un soutien dans l’exercice du travail quotidien auquel ils doivent se consacrer, parait bien une démarche naturelle.
Demander plus généralement à toutes les entreprises, y compris publiques, de s’investir dans la formation, leur en donner les moyens sous réserve de respecter un cahier des charges parait tellement utile en l’état actuel de la situation de la jeunesse, qu’il est désastreux de ne pas les y contraindre.
Ce serait sortir la jeunesse, notre avenir, d’une insécurité devenue criminelle à son égard !
Reste que l’éducation nationale doit-être impliquée dans ces projets de manière systématique et plus conséquente !
Les nouveaux bacheliers se préparent à plonger dans le grand bain de l’enseignement supérieur… et de l’austérité.

Nanterre, 10h. Bien que les bancs de la fac soient désertés, des groupes d’étudiants épars circulent sur le campus. Ce sont presque tous de futurs « première année », venus pour les inscriptions administratives qui ont lieu en juillet. D’autres sont des militants associatifs venus pour parler de leurs activités et orienter les « nouveaux ». En argot militant, on appelle ça « les chaînes d’inscriptions ». Une rareté, à l’heure ou la plupart des universités proposent des inscriptions en ligne.
A l’accroche « T’as pas deux minutes ? » des militants de l’Union des Etudiants Communistes (UEC) présents sur place, les futurs étudiants répondent la plupart du temps par un sourire engageant et la plupart s’arrêtent. Confrontés à l’administration et à un campus immense, les nouveaux arrivants semblent ravis de croiser d’autres étudiants et de l’animation, sur un campus qui leur apparait comme un peu « mort » l’été. A Matthieu et Laureen, militants de l’UEC, on demande souvent où se trouve un bâtiment, un bureau, la station du RER. Pour Matthieu, c’est « essentiel d’accueillir les futurs étudiants dès leur inscription. Ils ont souvent des questions, mais c’est aussi une occasion pour nous de partager notre nouvelle campagne sur la réussite des étudiants. Du débat sur la fac, c’est nécessaire, surtout lorsque les étudiants sont si peu entendus et que leur avenir est mis en péril par le manque de moyens ».
L’année prochaine, pour Erwan, casquette visée sur la tête et attaché-case en main, ce sera économie/gestion, avec une partie de ses cours en anglais. Sa mère, « très fière de sa mention bien », insiste sur la sélectivité de son cursus : « Ce n’est pas n’importe quoi, cette licence lui permettra de faire la différence sur le marché du travail ». Qu’en pense Erwan ? Un peu gêné par les propos de sa mère, il se confie : « Je suis content d’être accepté dans cette licence. Mais honnêtement, je ne crois pas que sa sélectivité m’aide à avoir un boulot un jour. C’est surtout le piston qui fonctionne aujourd’hui », finit-il, avec un air blasé.
Nous croisons ensuite Pauline, en train de discuter avec les membres d’une association d’étudiants en droit qui proposent aux futurs « première année » des cours à vendre. L’étudiante commencera en septembre sa Licence 1 de Droit et nous fait part de son inquiétude : « C’est vrai que l’idée d’échouer m’angoisse. Quand on choisit notre licence en terminale, on nous parle toujours des taux d’échecs énormes en première année, en médecine et en droit particulièrement. J’ai envie de mettre toutes les chances de mon côté pour réussir ». Du coup, la voilà qui paye cash, une centaine d’euros, des cours de droit en plus de ses frais d’inscription. « C’est une sorte d’investissement, dit-elle. C’est vrai que ça pose un réel problème notamment pour ceux qui n’ont pas les moyens. Mais évidemment, je partagerai ! » Lâche-t-elle, l’air coupable.
Quand on parle de cours à vendre à Julien, futur étudiant en Anthropologie, il ne mâche pas ses mots : « Je trouve ça incroyable. Ils jouent sur notre peur de l’échec pour se faire du fric ou quoi ? Mais, c’est légal ? » Interroge-t-il finalement. Ce jeune homme blond est souriant et enthousiaste à l’idée de commencer les cours. Il se sent « plutôt serein » par rapport à la rentrée et à son cursus. « Je ne sais pas encore quel métier je ferai. Je travaillerais bien dans les musées, ou dans la recherche », dit-il avec enthousiasme. Alors qu’on l’interroge sur les réductions de budgets à la fac, il tique : « Plusieurs militants d’associations m’ont parlé de ça quand j’allais m’inscrire. Evidemment que ça a des répercussions sur nos conditions d’études. Pour le moment, je ne me rends pas compte, on est peu informés. Heureusement qu’il y a ces associations ! ».
« La plupart du temps, les futurs étudiants viennent nous voir pour des problèmes d’inscriptions. Je trouve qu’ils restent optimistes malgré l’actualité des réductions budgétaires à la fac. Je pense qu’ils ne se rendent pas encore vraiment compte de l’impact que ça peut avoir sur leurs études », nous répond une militante de l’Union Nationale des Etudiants de France (UNEF) que l’on interroge alors qu’elle distribue des tracts. Visiblement, les étudiants Nanterriens semblent bien loin de la déprime et de la fatalité, malgré quelques inquiétudes. Serait-ce un effet du manque d’information des étudiants sur cette question ?
Pour l’Université de Nanterre, l’austérité a pourtant un goût amer. Matthieu de l’Union des Etudiants communistes (UEC) évoque les TD surchargés : « Il y a encore quelques années, nous étions dix par TD. Aujourd’hui, on est parfois plus de trente ». Egalement étudiant en droit à l’Université, il nous confie qu’une partie de ses cours est délocalisé au Pôle Universitaire Léonard de Vinci. Surnommée la « fac Pasqua » (du nom de son créateur), cette université privée fut mise en place en 1995 par le Conseil Général des Hauts de Seine. « Nanterre loue avec de l’argent public des salles à cette fac privée pour que certains cours de droit y aient lieu. Sauf que moi j’ai choisi d’étudier à Nanterre, pas là-bas. Je paye mes frais d’inscription à Nanterre, et l’argent de la fac part dans les poches de cette université privée, au lieu de servir à augmenter la capacité d’accueil de la fac que j’ai choisie. Elle en aurait pourtant bien besoin. Les profs aussi se plaignent, mais ils n’ont pas le choix. En plus, à Léonard de Vinci, le restaurant universitaire (RU) coûte six euros, contre trois euros quinze centimes à Nanterre. Si la fusion avec Paris VIII a lieu, ce sera encore pire, des filières entières fermeront sans doute à Nanterre », tranche-t-il, visiblement exaspéré. « Lorsque l’on ferme des filières, les étudiants vont ailleurs et font leurs choix par défaut, en fonction de ce qu’ils ont à proximité de chez eux. C’est aussi comme ça qu’on arrive à 30% d’étudiants mal orientés, ce qui nourrit le taux l’échec en première année ». Aurélia, une étudiante arrêtée par l’UEC, partage le constat : « Mon premier choix, c’était une licence à la Sorbonne, mais je n’ai pas été prise parce qu’ils avaient reçu trop de demandes. Finalement, je serai en première année de Sciences du langage à Nanterre. C’était le cursus le plus généraliste que j’ai trouvé, il parait qu’il ne faut pas se spécialiser trop vite. On verra bien, je n’ai pas envie de me laisser abattre ! », Conclue-t-elle, en s’éloignant.
Nhima, elle, s’est inscrite en Humanité : « C’est une licence un peu unique en France, j’aime bien ce côté généraliste. Je veux faire des sciences humaines, mais j’avais du mal à choisir entre l’histoire, les lettres et la géographie. Il n’y a qu’à Nanterre qu’on trouve ça, met-le dans ton article ! » Insiste-t-elle en riant. « Plus sérieusement, je dis ça parce qu’on critique souvent la fac dans les médias, et moi je pense qu’à Nanterre, on a de bonnes formations. Pas assez de moyens, ça c’est sur, mais c’est un autre problème. Moi, j’ai hâte de commencer les cours ». Après une pause et une minute de réflexion, elle ajoute quand même : « Enfin, je dis ça parce que tout est nouveau pour moi, reviens me voir dans trois mois, quand je serai dans la galère, je te dirais peut être autre chose ! ».
Nous revenons vers Matthieu, le militant de l’UEC, qui n’est pas étonné par l’optimisme du milieu étudiant nanterrien malgré les annonces de réductions budgétaires : « Nanterre est un symbole de contestation, coincée entre la municipalité communiste de Nanterre et le quartier du CAC 40 qu’est la Défense. Mais pour autant, les étudiants sont peu informé sur les réformes de l’enseignement supérieur, comme la loi Fioraso ou la loi LRU d’autonomie des universités. Nous sommes là pour renverser la vapeur et ouvrir le débat aux étudiants. L’UEC organisera l’année prochaine un grand référendum étudiant sur les campus français. Une centaine d’associations locales nous a déjà rejoins pour cette initiative » ajoute-t-il fièrement.
Sous le soleil de midi, le rythme des va-et-vient des étudiants et des militants ralenti. Peut-on en dire autant de la course à l’austérité du gouvernement ?
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