Prostitution
Posté par jacques LAUPIES le 30 novembre 2013
Cela fait quelques fois que fais un commentaire sur la prostitution. J’ai souvent indiqué que la prostitution constituait un fléau dans la société ou nous vivons et je crois avoir précisé que pour l’éradiquer il fallait en premier lieu commencer par s’en prendre aux causes qui sont multiples.
La première est non des moindres est que règne l’inégalité sociale, que les conditions matérielles de vie des plus démunis les conduisent à cet ultime recours : vendre leurs corps, pour pouvoir vivre.
Pour satisfaire ses besoins élémentaires, et la pratique sexuelle en est un, l’être humain doit pouvoir accéder à divers produits fruit d’un travail généralement collectif sauf dans ses relations affectives et sexuelles qui sont fondées sur l’amour, la recherche du plaisir, qui résultent d’un consentement entre partenaires.
Car là on ne consomme pas (même si le terme est souvent employé) on échange, donc on donne et on reçoit même si certains voient dans la relation sexuelle un rapport de force qui puisse aboutir à un quelconque marchandage d’ordre psychologique ou moral.
Je ne pense pas que la pénalisation du « client » soit une solution et il reste à voir si cela aura une efficacité.
Un peu provocant j’ai souvent dit ici que nous étions tous soumis à la prostitution car dans notre société humaine est basée sur l’exploitation des uns par les autres, par l’aliénation de la force de travail que permet la propriété des moyens de production, voire la propriété individuelle quand elle est démesurée.
Alors nous dira-t-on faut-il attendre la transformation des rapports économiques et sociaux entre les individus, en quelque sorte une société communiste, pour espérer une société harmonieuse ou les relations affectives et sexuelles seraient à l’abri d’une transformation plus ou moins hypocrites en un échange marchand ?
Certainement pas ! On peut et on doit apporter aide et soutien à tous ceux qui se trouvent en situation d’esclavage, d’exploitation, y compris par des lois. Reste à savoir si les lois peuvent tout régler dans un monde ou les plus élémentaires droits de l’homme, à la nourriture, au logement, à l’éducation, à la santé donc à gagner dignement sa vie, ne sont pas encore appliqués, parce que le système ne le permet pas ?
C’est pour cela que le règlement des conséquences sociétales des rapports d’exploitation ne doivent pas être l’arbre qui cache la forêt. Ce qui ne m’empêche pas d’approuver le combat contre la prostitution bien évidemment.
Encore un mot : la prostitution si elle frappe avant tout très majoritairement les femmes, concerne également les hommes car nombre d’entre eux et plus particulièrement les jeunes s’y adonnent. Sans doute échappent-ils au proxénétisme, encore qu’il y ait probablement à y voir de plus près en ce domaine.
Quelle qu’en soit la catégorie les prostitués, autant que les clients sont des victimes mais pas de n’importe quoi, ils sont bien des victimes d’un développement de l’humanité à un stade encore entravé par des rapports humains d’inégalité comme je crois utile de le rappeler sans arrêt. Cela dure depuis quelques millénaires et comme toute chose s’organise et s’adapte en fonction des transformations sociales elles même soumises à des rapports économiques inappropriés.
Alors parfois, même si l’un n’empêche pas l’autre, j’ai envie de dire (en me répétant) : faites aussi une loi pour garantir à chacun un toit, une nourriture, une santé, une éducation, une formation, et l’accès à une consommation ordonnée en fonction des besoins essentiels qui naissent d’une offre planifiée de produits utiles, respectant les équilibres écologiques et économiques, en n’en créant de nouveaux qu’en fonction de ces priorités.
Peut-être alors l’amour, le plaisir sexuel partagé (qui est aussi nécessaire aux hommes qu’aux femmes, aux jeunes qu’aux vieux) nous serons capable de nous débrouiller avec, sans marchandage et sans ces lois qui fatalement seront encore détournées !
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Société - le 27 Novembre 2013
Entretien avec Patric Jean
Abolition de la prostitution: « Les hommes ne sont pas plus dans une sexualité pulsionnelle que les femmes »
Porte-parole de Zéromacho, le cinéaste Patric Jean publie un « plaidoyer masculin pour abolir la prostitution », dans lequel il décrypte les croyances sur la sexualité.
Votre livre se veut un plaidoyer pour la pensée abolitionniste. N’est-ce pas utopique que de parler d’abolition ?
Patric Jean. Bien sûr que c’est utopique. Comme l’abolition de l’esclavage, la fin des colonies ou la suppression du travail des enfants. Ce sont des utopies qui deviennent des réalités. L’idée abolitionniste est née à la fin du XIXe siècle, dans la ligne de l’abolition de l’esclavage. C’est Joséphine Butler, dans une visée féministe, qui s’est battue la première sur cette question. D’autres se sont très tôt engagés dans ce qu’ils considéraient comme une forme d’esclavage : Victor Hugo, Jean Jaurès, Émile Zola, Victor Schoelcher. Des femmes se sont illustrées contre le « commerce » du sexe, dont Maria Desraimes, Louise Michel ou plus tard Marcelle Legrand-Falco. Ces personnages qui ont tissé la pensée abolitionniste peuvent-ils être taxés de conservatisme moralisateur, rétrograde ou paternaliste ? Ce sont des militants du progrès dont le combat a structuré l’idée de l’égalité.
Pourquoi prenez-vous la parole aujourd’hui ?
Patric Jean. Parce qu’il faut entendre aussi la voix des hommes, celle des hommes abolitionnistes. Cette question n’est pas de l’ordre de la guerre des sexes. Une large majorité d’hommes n’a pas recours à la prostitution. J’en fais partie. Nous sommes nombreux à nous révolter contre l’imaginaire qui veut que nous ayons, nous les hommes, des besoins sexuels qui se manifesteraient comme l’envie d’uriner. Et qu’il est donc du devoir de la cité d’organiser ce soulagement masculin afin de protéger les femmes de leur libido agressive. Les hommes ne sont pas plus dans une sexualité pulsionnelle que les femmes. On est dans la croyance pure, qui fonctionne exactement comme pour d’autres types de croyances. Il faut faire sortir cela des esprits car cette croyance justifie les violences.
On vous sent bouleversé, dans votre livre, par vos rencontres avec les personnes prostituées…
Patric Jean. Je les ai rencontrées dans le cadre de mon travail de cinéaste. J’ai eu un choc. Elles vivent dans une détresse indescriptible. Il m’est impossible de rester indifférent à leur souffrance. On a le devoir de militer, à notre tour, pour abolir le privilège masculin de disposer du corps d’autrui.
Comment réagissez-vous à ceux qui estiment que la prostitution peut relever du libre choix ?
Patric Jean. Ceux que l’on entend sont les grands bourgeois du star-système, des gens déconnectés avec ce que vivent les gens, qui sont dans une surpuissance caricaturale. C’est une classe sociale de personnes médiatisées et qui se foutent totalement – femmes y compris – que dans les classes populaires les femmes soient réduites à louer leur vagin et leur anus. Au-delà de la relation entre les sexes, il y a un mépris social terrible.
Vous vous êtes penché sur les forums des clients. Qu’y avez-vous trouvé ?
Patric Jean. Ces clients développent une misogynie délirante. Les femmes ne peuvent être que des morceaux de viande pour eux. J’ai fait dernièrement un débat avec un responsable de Causeur, à la sortie de leur « manifeste des 343 salauds ». Et à ma question : « Comment faites-vous la différence entre une femme qui est dans un réseau et celle qui ne l’est pas ? » Il m’a répondu : « C’est à l’État de m’informer, quand j’achète de la viande, si elle est avariée ou pas ! » Se plonger dans une telle littérature vous fait rencontrer l’âme humaine dans ce qu’elle a de plus sordide, de plus violent, et surtout de plus indifférent à la douleur de l’autre. Ces personnes évoquent le corps des femmes comme un « bien » qui leur est « acquis ». Ils forment une sorte de fraternité des « clients ».
Que pensez-vous de la proposition de loi qui va être discutée à l’Assemblée nationale ?
Patric Jean. Après la loi sur le mariage pour tous, et cette loi abolitionniste, on peut vraiment aller vers une transformation sociale et un progrès pour la société entière. Nous vivons un moment historique. L’adoption de la proposition de loi permettra à la France de servir d’exemple, d’entraîner d’autres pays dans son sillage. D’autant que le débat ressurgit aussi ailleurs sur la prostitution, notamment en Europe.
Lire aussi :
- Témoignage. Laurence Noëlle : « À chaque client, je me sentais souillée »
- Table ronde: Peut-on abolir la prostitution ?
- « Lutte contre la prostitution: contre une vraie violence, pas de faux débat » par Thalia Breton, militante féministe, ex-porte-parole d’Osez le féminisme!
Entretien réalisé par Mina Kaci
Société - le 27 Novembre 2013
Prostitution. une proposition de loi novatrice, mais pas sans lacunes
Les députés examinent ce vendredi le texte qui reconnaît les prostituées comme victimes. Le délit de racolage se voit supprimé, mais les moyens pour accompagner les victimes vers un « parcours de sortie » de la prostitution posent question.
Le débat prévu aujourd’hui, au plus tard vendredi, à l’Assemblée, sera scruté à la loupe. Car si la question de la pénalisation des clients a monopolisé les discussions ces dernières semaines, beaucoup ont omis de signaler que, y compris sur ce sujet, le texte législatif demeurait en deçà des promesses. Ainsi, le mot « délit » n’y figure pas. Les auteurs ont préféré, avant même l’examen parlementaire, jouer le consensus, en préconisant la création d’une simple contravention de cinquième catégorie (soit une amende de 1 500 euros) pour les clients qui recourent à la prostitution d’une personne majeure. Laquelle amende doublera en cas de récidive. L’entrée en vigueur de cette sanction sera différée de six mois par rapport au reste de la loi afin de mener une campagne de sensibilisation dans la société. Rendant un avis favorable à la proposition de loi, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a toutefois insisté, le 5 novembre dernier, pour que ce recours à la prostitution devienne « un délit plutôt qu’une contravention ».
Il reste que ce texte législatif, dont le vote interviendra le 4 décembre, marque un tournant dans la politique publique, car il renverse la charge pénale en ne faisant plus des personnes prostituées des délinquantes mais des victimes. D’ailleurs, il propose de supprimer le délit de racolage. Et met en place tout un arsenal de mesures tendant à protéger et à accompagner socialement les victimes, avec un « parcours de sortie » financé par un fonds de 10 à 20 millions d’euros par an. Mais, là encore, le texte ne va pas au bout de la logique et les moyens humains, financiers et matériels qu’il prévoit sont jugés insuffisants. Surtout, la loi évoque l’obtention d’un titre de séjour « provisoire » de six mois pour les prostituées étrangères victimes de proxénètes. Le Mouvement du nid souhaite, lui, la suppression du pouvoir discrétionnaire du préfet dans l’octroi de la carte de séjour.
Pour l’une des co-auteures du texte, la députée (PS) Maud Olivier, cette loi doit permettre « un changement de mentalité et une responsabilisation des clients ». « Ce texte est une nouvelle étape décisive pour la libération des femmes », appuie sa collègue communiste Marie-George Buffet. Hier, l’UMP disait hésiter sur la position à adopter vis-à-vis de cette loi.
- Pourquoi l’abolition, l’édito de Jean-Emmanuel Ducoin Prostitution. Laurence Noëlle : « À chaque client, je me sentais souillée »
M. K.
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