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Le cul entre deux chaises

Posté par jacques LAUPIES le 31 décembre 2012

Le cul entre deux chaises dans POLITIQUE picture-6-300x225

L’interview de Rémi Lefebvre, pose sans le dire la problématique à laquelle est confronté Hollande. Par certains aspects cet interview met en évidence les difficultés auxquelles se trouve confronté le gouvernement, lesquelles ne sont pas sans incidence sur le comportement des différentes tendances qui coopèrent ou s’affrontent au sein du PS.

Une chose est sure : Hollande s’était engagé à gouverner selon un programme exposé pendant sa campagne électorale. Il est trop apparu comme déterminé à l’appliquer pour ne pas souffrir d’une certaine navigation  à vue et des changements de cap qu’il opère.

Car ces changements ont l’inconvénient de raffermir la droite qui au lieu d’adopter une attitude discrètement complaisante, ne cesse d’exiger encore plus de concession de sa part et se livre à des attaques politiciennes de grande envergure qui affaiblissent le pouvoir pendant que la gauche radicale (FDG avec les communistes, extême gauche toujours médiatisée à l’excès) a de bonnes raisons de ne pas être tendre avec lui. D’ou affaiblissement général du PS comme l’ont démontré les élections législatives partielles que confirment les sondages.

On ne reste pas ainsi longtemps le cul entre deux chaises. De plus il n’y a pas de tabouret entre les deux pour évider un risque de dégringolade. Le recours à Bayrou ne constitue même pas un strapontin crédible.

En fait comme le souligne à sa façon Rémi Lefebvre il va falloir choisir entre un recentrage avec la droite ou un recentrage avec la gauche (celle du PS et celle du FDG). La première solution parait peu probable car nous ne sommes pas en Allemagne. La seconde peut-être une possibilité mais les forces économiques et financières dominantes dans le pays vont se mobiliser, accéler et poursuivre une entreprise sabotage que laisse augurer les attitudes symboliques d’un acteur ou de quelque PDG en fuite et surtout utiliser les courants socio libéraux du PS pour les entrainer hors de toute alliance avec la gauche radicale.

Alors qui peut décider le PS à trouver des élans fondateurs d’une république sociale ? Vous chers lecteurs, à condition que vous partagiez la présente analyse et en tiriez quelques conclusions d’action.

Il y a bien des mois de cela je suggerais que nous puissions être 4 millions sur les Champs Elysée avec quelque chose à défendre qui ressemblerait au programme qu’a présenté Jean Luc Mélenchon pendant la campagne des présidentielles. Et j’ajouterais, toutes proportions gardées, aussi nombreux dans les métropoles régionales. Le tout assorti de grèves et d’occupation d’entreprises.  

Douce utopie direz-vous ? Mais chers amis  vous pouvez disserter dans vos cuisines, vos salons, vos repas de famille, vos bistrots, vos comités, vos assemblées, vos meetings même et espérer un Hollande révolutionnaire, pour qu’il s’assoie sur la bonne chaise. C’est peut-être un premier pas indispensable.

Bon courage tout de même  !

Car pour qu’il s’asseoie sur la bonne chaise, notre cher Président, il en faut surement un peu plus : d’abord virer la mauvaise de droite autant que les tabourets du centre possibles entre les deux. Et faire de la chaise de gauche une chaise populaire capable de bien caler celui qui prétend s’y asseoir. Se nomma-t-il Hollande. Ce qui n’est pas forcément une obligation.

«La radicalisation à gauche du pouvoir se fera par réalisme, pas par idéologie»

Mots clés : Entretiens,           François Hollande,           gouvernement,           marchés financiers,           remi lefebvre,           libéralisme,           politique sociale,           gauche au pouvoir,      

Pour le politologue Rémi Lefebvre, l’aggravation de la crise pourrait ramener François Hollande à un discours plus musclé à l’égard des forces économiques.

Rémi Lefebvre est professeur de sciences politiques à l’université Lille-II, 
auteur en 2011 des Primaires socialistes. La fin du parti militant, aux éditions Raisons d’agir.

Huit mois après son accession au pouvoir, y a-t-il chez François Hollande un hollandisme qui 
lui serait propre, ou la définition de sa politique doit-elle emprunter d’autres références ?

remi_lefebvre dans POLITIQUE

Rémi Lefebvre. S’il y a un hollandisme, c’est un pragmatisme, il n’est pas un idéologue – il n’a d’ailleurs pas de texte fondateur, alors qu’il a été à la tête du PS durant plus de dix ans. Il y a chez lui une forme de syncrétisme, 
de synthèse d’éléments disparates qui empruntent tout autant 
à Chevènement qu’à la deuxième gauche, voire à la première, doublé d’un côté radical-socialiste, 
et incontestablement social-libéral sur le plan économique. Son obsession du point d’équilibre choque beaucoup à gauche car, 
en huit mois, il n’y a eu aucune réelle rupture, seulement 
des inflexions sur le plan économique de prime abord. 
Or la tradition d’un gouvernement de gauche au pouvoir, c’est 
de marquer des ruptures.

Même sur le sociétal, le mariage 
pour tous n’est pas sa conviction selon vous ?

Rémi Lefebvre. Je crois qu’il n’a pas 
d’idées très arrêtées sur un certain nombre de sujets, mais qu’il cherche à apaiser la société, 
en vraie rupture, là, avec le mandat d’hystérisation de la société 
qui fut celui de Sarkozy. Il a 
une approche non idéologique 
des questions, veut passer des réformes dans une espèce d’harmonie. Avec le risque 
de déplaire à tout le monde ; 
on le voit quand il entend rester 
au milieu du gué concernant 
la procréation médicalement assistée (PMA). Hollande incarne en somme une gauche complexée, on l’a vu à propos de Depardieu par exemple, face à une droite décomplexée. Il est pris entre des injonctions contradictoires, alors que, sur ces thèmes, il n’a aucune excuse pour ne pas agir, contrairement aux questions sociales où la crise, le critère 
des 3 % de déficit, permet 
une rhétorique des contraintes.

Comparé au programme sur lequel il a été élu, assiste-t-on à différents reculs ?

Rémi Lefebvre. Sans doute le pacte de compétitivité et la thématique du coût du travail, absolument pas inscrits à son programme, marqueront-ils un vrai tournant 
du mandat. Tournant qui correspond à ses aspirations profondes : dès la fin des années 1980, quand il enseignait à Sciences-Po avec Pierre Moscovici, c’était un social-libéral assumé. Il ne croit globalement pas à l’économie administrée, il est pour une politique de l’offre. Ce fut subtilement 
mis en suspens durant la campagne, où il insista au contraire sur 
des marqueurs de gauche, comme la tranche de l’impôt sur le revenu à 75 % qui a joué un rôle très important dans sa victoire, 
en donnant l’illusion qu’il pouvait incarner une forme de volontarisme.

Est-il alors social-démocrate ?

Rémi Lefebvre. Je ne crois pas. Dans le modèle allemand ou scandinave, les forces sociales sont très organisées, les forces syndicales capables de peser sur le patronat. Or aujourd’hui, on le voit avec la négociation sur le marché du travail, nous ne sommes pas dans le donnant-donnant social-démocrate qui aurait été de conditionner 
le crédit d’impôt (Cice) du pacte 
de compétitivité à des embauches.

Le centre de gravité ne s’est-il pas déplacé avec des parlementaires 
qui prennent, sur l’amendement 
dit des pigeons ou la PMA, 
le contre-pied de l’Élysée ?

Rémi Lefebvre. C’est encore timide, il y a eu l’appel de la Gauche populaire, des députés qui voulaient conditionner l’octroi du Cice. De jeunes députés, élus de justesse en juin, se sentent concrètement sur un siège éjectable, ceux-là voient bien les risques électoraux de la politique économique menée et tâchent 
de construire un rapport de forces. Le groupe à l’Assemblée est bien tenu 
par Bruno Le Roux, et je suis surpris 
en fait de la domination encore 
très forte de François Hollande 
sur sa majorité, tandis qu’Harlem Désir n’a pas encore construit un leadership critique, dans un rapport dialectique avec l’Élysée. L’horizon du hollandisme est une baisse 
du chômage fin 2013. Si elle n’arrive pas, je n’exclus pas une inflexion 
de Hollande, rappelé par le principe de réalité qui le contraindrait notamment à un rapport de forces différent avec l’Allemagne. 
Sa radicalisation à gauche se fera par réalisme, pas par idéologie.

  • A lire aussi:

Hollande à l’Elysée: la pente résistible du social-libéralisme

Hollande marche sur des oeufs

Entretien réalisé par  Lionel Venturini

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Si ma France en avait…

Posté par jacques LAUPIES le 30 décembre 2012

Et si on appliquait la suppression de la propriété privée des grands moyens de production et d’échange ? Et si on l’appliquait avec une hierarchie de revenu selon les compétences de 1 à 20 (c’est déjà beaucoup accorder aux plus hauts niveaux de responsabilité) au dela de 340 000 € on prend tout ? Les planqués du conseil Constitutionnels auraient la tâche simplifiée et le législateur aussi. Encore faudrait-il de nouveaux et bons législateurs…
Si, si ma tante France en avait, mais voilà elle en a pas. Pardon Mesdames la métaphore n’est que pour la forme et rire un peu !

 

Si ma France en avait... dans POLITIQUE riches

-   humanitefr dans POLITIQUE le 29 Décembre 2012

 

Budget 2013: le Conseil constitutionnel au secours des très riches

Mots clés : tva,           budget,           outre-mer,           impôts,           retraites chapeau,           hauts revenus ,           François Hollande,           gouvernement,           corse,           évasion fiscale,           fraude fiscale,           isf,           conseil constitutionnel,           politique budgétaire,      

Le Conseil constitutionnel a annulé samedi plusieurs mesures phares du budget 2013 qui visaient à imposer plus fortement les très hauts revenus, notamment la taxation à 75% des revenus supérieurs à 1 million d’euros.

Ces annulations viennent relancer la polémique sur l’évasion fiscale. Le détail des mesures retoquées:

  • Taxation à 75%.

Cette dernières mesures emblématique de François Hollande durant la campagne présidentielle, appelée « contribution exceptionnelle de solidarité », devait s’appliquer pendant deux ans aux revenus d’activité excédant 1 million d’euros. Dans son communiqué , le Conseil a fait valoir que celle-ci était « assise sur les revenus de chaque personne physique » alors que l’impôt sur le revenu est prélevé « par foyer ». En conséquence, il a jugé qu’il y avait là « méconnaissance de l’égalité devant les charges publiques ».

Avec cette taxation, un ménage, dont chaque membre percevrait un revenu de 900.000 euros, se trouverait exempté, tandis qu’un autre, dont un seul membre gagnerait 1,2 million d’euros et l’autre rien, devrait l’acquitter, ce qui constituerait à l’évidence une « rupture d’égalité au regard de la faculté contributive », a-t-on expliqué, à titre d’exemple, au Conseil.

Si cette mesure avait un faible rendement – elle devait toucher environ 1.500 personnes, qui auraient payé en moyenne 140.000 euros à ce titre-, elle avait une forte valeur symbolique et constituait un marqueur de la présidence de François Hollande.

  • Plafonnement de l’impôt sur la fortune (ISF).

Le Conseil a retoqué également les modalités de calcul du plafonnement de l’impôt sur la fortune (ISF), en particulier l’intégration des revenus ou bénéfices capitalisés, « que le contribuable n’a pas réalisés ou dont il ne dispose pas ».

  • Retraites chapeaux.

S’il a validé l’instauration d’une nouvelle tranche marginale à 45% de l’impôt sur le revenu, le Conseil a considéré que pour les « retraites-chapeau » la taxation particulière à 75,04% en 2012 et 75,34% en 2013 était « confiscatoire » et a ramené la taxation à 68,34%.

  • Droits sur les donations-successions.

Les sages ont « censuré l’article 19 de la loi relatif aux donations-cessions », estimant qu’il entraînait « une rupture caractérisée de l’égalité des charges publiques », indique encore le communiqué du Conseil. « Cet article prévoyait que la valeur retenue pour déterminer le gain net de cession de valeurs mobilières ayant fait l’objet de donations dans les dix-huit mois précédant la cession était la valeur d’acquisition de ces valeurs mobilières par le donateur », explique-t-il. « Cette orientation faisait peser sur le donataire de valeurs mobilières une imposition sans rapport avec sa situation mais liée à l’enrichissement du donateur antérieur au transfert de propriété des valeurs mobilières », ajoutent les sages pour expliquer leur décision.

  • Crédit d’impôt compétitivité-emploi validé.

Le Conseil constitutionnel a validé cette mesure phare du pacte de compétitivité issu du rapport Gallois. Les entreprises devraient ainsi recevoir les premiers chèques de 20 milliards d’euros du Trésor public correspondant à ce crédit d’impôt en 2014 au titre de 2013, mais peuvent en tenir compte dès le début 2013 dans leur budget.

La mesure sera financée par une hausse de la TVA, refondue en trois taux de 5, 10 et 20% (6,4 milliards d’euros en 2014), par des économies sur les dépenses publiques pour 10 milliards d’euros et des mesures de fiscalité écologique.

Revenus du capital/ revenus du travail. Le Conseil a jugé conforme le principe de soumettre les revenus du capital au barème de l’impôt sur le revenu. « Le législateur n’a pas créé une rupture caractérisée de l’égalité devant les charges publiques » a t-il estimé.

En revanche, deux niches fiscales ont été retoquées.

  1. Outre-Mer. Le Conseil constitutionnel a en revanche décidé de réduire l’avantage fiscal pour les investissements outre-mer. Alors qu’il était prévu de plafonner à 10.000 euros la plupart des avantages fiscaux des différentes niches fiscale, le budget 2013 comprenait un plafond majoré de 18.000 euros et 4% du revenu imposable pour les investissements en outre-mer ou pour le financement en capital d’oeuvres cinématographiques. Le Conseil a estimé que ce système « permettait à certains contribuables de limiter la progressivité de l’impôt sur le revenu dans des conditions entraînant une rupture d’égalité devant les charges publiques ». En conséquence, il a annulé « la fraction de l’avantage d’un montant égal à 4% du revenu imposable ».
  2. Corse. Les membres du Conseil ont en outre décidé de supprimer le régime dérogatoire applicable aux successions sur les immeubles situés en Corse. Ce dispositif, ancien, conduisait, « sans motif légitime » pour le Conseil, à ce que la transmission d’immeubles soit exonérée de droits de succession.

A lire aussi:

Ménages, entreprises, fiscalité: ce qui va changer dans le budget 2013

Eric Bocqet: « Le budget encourage une visée spéculative au lieu de l’investissement »

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Le philosophe et internet

Posté par jacques LAUPIES le 29 décembre 2012

Le philosophe et internet dans POLITIQUE michel-serres

 

Culture – humanite dans POLITIQUE le 16 Novembre 2012

l’Humanité des débats. L’entretien

Michel Serres : « Mon expérience d’enseignant m’a montré la victoire des femmes »

Mots clés : philosophie,           sciences humaines,           michel serres,           guy debord,      

Professeur à Stanford University (États-Unis), membre de l’Académie française, Michel Serres est un des rares philosophes contemporains à proposer une vision du monde qui associe les sciences et la culture. Auteur de nombreux essais philosophiques et d’histoire des sciences, dont le dernier, Petite Poucette (éditions le Pommier), vient de faire couler beaucoup d’encre…

Si l’on vous dit que beaucoup 
de personnes vous ont parfois confondu avec Lucien Sève, 
est-ce que cela vous vexe ?

Michel Serres. Non, mais je n’ai jamais été marxiste et je vais vous expliquer pourquoi. J’étais à l’École normale supérieure à l’époque d’Althusser. Je sortais moi-même d’une prépa sciences, et non pas lettres. Or, les marxistes, à cette époque-là, soutenaient en science des thèses impossibles. Une sorte de déterminisme absolu (basé sur la physique quantique), et du coup « le principe d’incertitude », soutenu par Werner Heisenberg (physicien), était hors la loi… Je me suis longtemps opposé à Althusser sur des questions scientifiques, pas politiques.

Pourquoi appelez-vous « Petite Poucette », cette génération née avec un téléphone 
mobile dans les mains ?

Michel Serres. C’est parce qu’elle est très habile avec ses pouces pour écrire des textos, et parce que c’est plutôt une fille entre un et trente-deux ans… Ce n’est pas la génération née « avec » le numérique, elle vit « dans » les nouvelles technologies. La population qui est extérieure à ce phénomène, comme moi, elle travaille « avec » ces techniques. Eux vivent « dans ». Il y a là une différence de vision qui, à mon avis, va changer la face du monde. Il peut naître une nouvelle démocratie. Les voies du virtuel sont ouvertes.

Pourquoi «Petite Poucette» au féminin ?

Michel Serres. J’enseigne depuis maintenant un demi-siècle et mon expérience d’enseignant m’a montré la victoire des femmes. Elles sont plus travailleuses. Elles ont plus à montrer, prouver, dans une société qui n’est pas pour elles. Du coup, elles travaillent mieux, sont plus appliquées. Voilà pourquoi, j’ai mis Poucet au féminin. Je suis féministe, du point de vue de la lutte des sexes. Elles prennent une place extraordinaire.

À rebours d’une idée reçue, selon laquelle 
les jeunes sont illettrés et qu’Internet 
nous tire vers le bas, vous expliquez que, 
au contraire, nous n’avons jamais autant vécu avec les mots, l’écrit, les messages publicitaires ou politiques et que le savoir est enfin 
à la portée de toutes les mains…

Michel Serres. La révolution numérique, qui date de trente ans environ, est la troisième révolution : il y a eu la première, avant Jésus-Christ, lorsque l’oralité est passée à l’écrit. Tout a changé à partir de là, en politique, comme en économie (on peut faire des chèques, par exemple), et la littérature est née (la poésie). Puis il y a l’imprimerie, à l’époque de Montaigne (avoir une tête bien faite plutôt que bien pleine). Nous sommes à la troisième où tout change. Les historiens, comme Karl Marx, donnent beaucoup d’importance aux révolutions techniques « dures »…  Les techniques industrielles. Mais cette fois-ci, c’est autre chose, on peut parler de techniques « douces ». Mais elles ont réinventé beaucoup de choses.

Que répondez-vous à ceux qui accusent Internet de favoriser le nivellement par le bas (Marc Lévy = Gustave Flaubert) et la paranoïa, voire de favoriser la théorie du complot, 
par le biais de documents falsifiés, tronqués…

Michel Serres. Je réponds qu’à l’époque de Gutenberg, déjà, il y avait autant de porno que de bibles ! Et de mauvais textes. Cette mise à égalité, elle a déjà eu lieu. Dans les bibliothèques et les médiathèques, les livres sont placés par ordre alphabétique, pas par ordre d’importance. Il faut un professeur pour expliquer la différence entre Lévy et Flaubert. Et qui sont les imposteurs… Les mauvais faiseurs.

Il existe de nouveaux modes d’action, 
de lutte, d’engagement politique. Desquels vous sentez-vous le plus proche : les Indignés, les Anonymous, les «pirates», les faucheurs d’OGM, ou Greenpeace ? Autrement dit, pensez-vous toujours que les organisations politiques 
et syndicales sont un peu dépassées ?

Michel Serres. Je crois que oui, à moyen ou long terme. Je suis philosophe. Il y a deux sortes de philosophes : l’engagé, au sens sartrien, qui va jusqu’à prendre sa carte au Parti. Et qui milite en suivant les directives du Parti, qu’il se trompe ou pas… Et il y a le philosophe qui cherche à savoir qu’est-ce que c’est que le contemporain ? Mon engagement à moi est d’étudier le contemporain. En 1960, j’ai annoncé que la société de demain serait dirigée par Hermès et non pas par Prométhée. Et je me suis fait vider par Althusser à cause de ça… Je disais que la communication serait plus importante que la production.

La société du spectacle, évoquée 
par Guy Debord…

Michel Serres. Et qui avait raison ? J’étais sur ce front-là depuis longtemps, puisque j’étais épistémologue (l’étude des sciences – NDLR). Ça n’empêche pas d’utiliser l’intuition, n’est-ce pas…

Quelle est la devise de Petite Poucette ?

Michel Serres. Elle a appris le sens réel du mot « maintenant ». Main tenant… Tenant en main le monde. Son téléphone mobile en main, avec son pouce, elle a un ordinateur, donc accès aux médias, à des lieux, via GPS, et Internet, des chansons, des images, Wikipédia, Google, Facebook, Twitter, etc. Elle a quasiment accès à tous les lieux et tous les « hommes » du monde entier. Il existe un calcul : le « théorème du petit monde », qui pose la question suivante à quelqu’un pris au hasard, dans la rue : en combien d’appels peut-il joindre un autre quidam, à San Francisco, par exemple ? C’était en sept appels avant les grands connecteurs comme Facebook. Aujourd’hui, c’est en quatre appels… Petite Poucette lambda peut joindre n’importe qui dans le monde en quatre tentatives. C’est extraordinaire.

Beaucoup de petites filles, de l’âge de votre Petite Poucette, ont du mal à se concentrer 
au collège… N’est-ce pas à cause du téléphone mobile et d’Internet ?

Michel Serres. La déconcentration vient de la télévision. Les messages publicitaires ont été imposés exprès pour déconcentrer les gens, afin qu’ils consomment, achètent les produits présentés. Ces images passent vite. On a calculé qu’actuellement, lorsqu’on pose une question à quelqu’un à la télévision, la durée moyenne de réponse est de dix secondes. Par conséquent, les gens ne se souviennent pas de ce que j’ai dit à la télé.

À part votre fameux : «Je suis pauvre et je vous emmerde !», qui est passé en boucle au zapping. C’était sur le plateau de Ce soir ou jamais, animé par Frédéric Taddeï, sur France 3.

Michel Serres. Oui, ça, on l’a retenu ! (Il rigole – NDLR.) Mais la télé est faite pour supprimer l’attention et faire de l’argent. D’autre part, Petite Poucette – votre fille – peut faire trois choses en même temps. C’est une performance nouvelle mais elle peut le faire. C’est une intelligence supérieure. Ne confondons pas « faire trois choses en même temps » et « perte de concentration ». Quand on regarde la télé, on est en position « passager », avachi sur le canapé. Devant l’ordinateur, on est en position conducteur, assis et attentif. La première position est passive, l’autre active. Ne confondons pas les médias de papa (voire de pépé) et les nouvelles technologies : Petite Poucette est née « avec », n’oubliez pas. Observez un enfant d’un an devant un ordinateur ou un téléphone mobile…

Et le problème de l’addiction ? Facebook 
et Twitter sont addictifs, comme les SMS. On voit des adolescents, et des adultes, marcher dans la rue comme des automates, des zombies hypnotisés, ou des couples, des amis, 
qui textotent au lieu de se parler à table…

Michel Serres. Ça me rappelle ma grand-mère, qui me disait : « Michel ! Tu es toujours plongé dans tes livres… » J’étais drogué à mes livres. À chaque nouvelle révolution, il y a des nouveaux modes de comportement. On peut être addict à bien d’autres choses. C’est un vieux problème. Pas celui des nouvelles technologies.

Aux «réactionnaires» qui répètent 
«c’était mieux avant…», vous répondez : 150 millions de morts !

Michel Serres. Je les surnomme les vieux grognons. Il n’est pas prouvé que les révolutions du « printemps arabe » sont arrivées grâce aux nouvelles technologies mais elles ont eu une influence évidente. Ce sont les jeunes, les Petites Poucettes, qui ont donné l’impulsion en diffusant les images des violences et autres massacres, comme en Syrie actuellement. Ces nouvelles technologies ont été créées dans un monde qui n’était pas celui qu’il est devenu. Il y a donc un décalage. Petite Poucette est l’héroïne du monde contemporain.

Vous vous dites fils d’Hiroshima…

Michel Serres. Oui, car ma question, plus jeune, était : jusqu’où la science peut-elle aller ? Déontologiquement… Il fallait créer une éthique des sciences. C’est moi qui l’ai fondée. Aujourd’hui, il y a des comités d’éthique partout. Les meilleures innovations tiennent toujours compte du passé et de la tradition. Petite Poucette n’est que la résultante des deux premières révolutions citées plus haut.

Vous êtes pour le métissage et la multitude. Et vous dites que les jeunes ne sont pas apolitiques mais politisés différemment, à leur façon…

Michel Serres. Depuis trente ans, il y a un nouvel amphithéâtre mondial. Un amphi mélangé. N’oubliez pas que j’enseigne à la Sorbonne également. Sont arrivés à mes cours, non plus des Français seulement, mais des Allemands, des Américains et aussi des gens d’Europe de l’Est et de l’Afrique du Nord, etc. Tout à coup, mon amphi français est devenu multiculturel. Même chose à Stanford, aux États-Unis, avec un métissage plutôt du côté de l’Asie. J’ai assisté à des mélanges. C’est ce qui se passe sur Internet et dans le monde.

Comment voyez-vous le monde actuel ?

Michel Serres. Tel qu’il est… Fou et merveilleux. La vraie révolution, c’est le célèbre tableau de Michel-Ange sur la création du monde (le doigt de Dieu s’approchant de celui de l’homme – NDLR). Ce nouveau monde arrive par les doigts… de Petite Poucette, mais aussi par le codage – c’est d’ailleurs la couverture de mon livre.

On a l’impression que le monde moderne accélère de manière exponentielle, 
de plus en plus vite…

Michel Serres. Comme des marées, il y a des hauts et des bas. La marée des trentenaires pousse la génération d’avant : ils envahissent toutes les couches de la société, avec leur nouvelle manière d’appréhender le monde. Ils sont dans le marché du travail et les DRH ont du mal à les comprendre. Mais ce n’est pas une lutte de générations, c’est une rupture historique. Les nouvelles vagues qui vont arriver ont « main tenant en main le monde ». Qui pouvait dire ça autrefois ? Le richissime. L’empereur, l’homme de pouvoir. Or, maintenant, il y a 3 milliards 750 millions de Petites Poucettes qui sentent tenir en main ce monde.

N’oublions pas la grande partie de l’humanité qui n’a pas encore accès à l’eau…

Michel Serres. Bien sûr, mais les enfants de Calcutta apprennent à lire sur ordinateur ! La science, c’est ce que papa apprend à Petite Poucette. La technologie, c’est ce que Petite Poucette apprend à son papa.

Votre livre a eu un succès d’estime 
et fait grincer pas mal de dents…

Michel Serres. Oui, les vieux ronchons, comme je les appelle, sont inquiets. Ils ont peur parce qu’ils ne comprennent pas ce qui se passe.

Sur quoi travaillez-vous actuellement ?

Michel Serres. À une sorte de suite à Petite Poucette. Vous savez, les cordonniers font toujours des chaussures…

Le philosophe des sciences. Né le 1er septembre 1930 à Agen (Lot-et-Garonne), 
fils de marinier, Michel Serres entre à l’École navale 
de Brest en 1949, puis l’École normale de la rue d’Ulm en 1952, où il obtient l’agrégation de philosophie, 
en 1955. En 1968, il obtient un doctorat de lettres. 
Il fréquente le philosophe Michel Foucault, qui enseigne comme lui à Clermont-Ferrand, puis part enseigner 
aux États-Unis (Stanford), tout en enseignant 
à la Sorbonne. Il est l’auteur de nombreux essais philosophiques, dont Temps des crises (éditions 
du Pommier) et Musique (idem), largement salués 
par la presse. Ses chroniques sur France-Info sont très écoutées et il fait le bonheur des plateaux de télévision quand on l’invite pour ses talents de pédagogue
et de vulgarisateur de la philosophie.

  • En vidéo : « Je suis pauvre et je vous emmerde ». Michel Serres à Ce soir ou jamais, sur France 3, le 3 avril 2012

COMMENTAIRE

Jacques Laupies

Si j’ai « piqué » cet interview dans l’Huma c’est qu’il y est dit des chose qui m’intéressent, par une célébrité du monde que l’on appelle parfois « des grands intellectuels ». Comme je le disais à un ami à ne pas confondre avec les OS de la pensée dont nous abreuvent bien des médias !

Evidemment je n’ai aucune prétention à juger ces personnages dont le savoir dépasse mon entendement. Sans être cependant capable d’entrer dans l’analyse de ce philosophe qui fait de temps à autre des apparitions à la télé et dans d’autres médias – je voudrais bien qu’il en fut autant pour Lucien Seve dont le nom est évoqué – je me permettrai de partager sa vision de l’effet que peuvent avoir les nouvelle techniques de communications et en particulier internet.

Par delà les mésaventures où peut entrainer l’usage généralisé (et peut-être abusif) des claviers il faut bien se rendre compte que pour la première fois l’humanité dispose d’un outil d’information et de communication fantastique et que probablement, aussi révolutionnaire soit-elle, l’imprimerie au temps de son invention, n’a pu atteindre. Mais est-ce comparable ?

D’ailleurs internet, redonne à l’écriture ce deuxième bond qualitatif qui suit celui que fut la publication imprimée. Mais nous ne sommes qu’au début des effets de cette extraordinaire révolution technologique qui ne peut, comme effectivement ont pu le dire nombre de marxistes, au sujet de la révolution industrielle, qu’aboutir à une évolution intellectuelle fantastique base essentielle d’un transformation sociale profonde.

Révolution sociale qui ne se fera pas sans l’intervention « concrète » des hommes, et donc sans leur organisation en parti politique, laissant les philosophes à leur réflexion, progressiste ou réactionnaire, en phase avec la science ou l’obscurantisme. Libre donc à eux de réfléchir et d’observer. Ils nous sont utiles, voire indispensables mais ils ne sont qu’un élément dans le processus d’humanisation (au sens ou j’entends la perspective communiste) et ils ne peuvent suffire !

Merci quand même à eux …Et au net !

 

 

 

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Tuons le capitalisme

Posté par jacques LAUPIES le 28 décembre 2012

Rallumer les étoiles

Dites-vous Camarades

De cette mascarade

Je ne vois que des voiles

Couvrant dans une nuit

L’éclairage lunaire

Qui envahit la terre

Quand au ciel rien ne luit

 

J’aurais mieux entendu

Que l’on dise des mots

Qui auraient convenu

A mon esprit falot

Ce que le communisme

Dit à l’humanité

« Pour ta vraie liberté

  Tue le capitalisme »

 

Les barbares ont bâti

Avec du sang d’esclave

Les féodaux ont pris

La sueur du servage

Le bourgeois récupère

L’intellect et les mains

De tous les prolétaires

Qu’il étouffe à deux mains

 

Le poète vit seul

Il a des mots pour lui

Qui seront le linceul

De sa pensée enfouie.

Le peuple c’est le nombre

Il a des mots à lui

Et  lorsqu’il y a pénombre

Son action éblouit

 

Les étoiles la nuit

Nous éclairent si peu

Qu’il nous faut des bougies

Pour que s’ouvrent nos yeux

Que l’on ne parle pas

A coups de métaphore

Pour que naisse la foi

Du peuple qui s’endort

 

Rallumer le regard

De celui qui a faim

Doit se faire sans fard

En ouvrant des chemins

Dans l’urgence il faut dire

Que chacun a son rôle

Et qu’il faut interdire

Que le travail se vole

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Extrait du Bestiaire de Guillaume Apollinaire (nrf-1994)

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Hollande ça ne me fait pas rire !

Posté par jacques LAUPIES le 27 décembre 2012


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2013, rallumons les étoiles par CN-PCF

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