Le cul entre deux chaises
Posté par jacques LAUPIES le 31 décembre 2012
L’interview de Rémi Lefebvre, pose sans le dire la problématique à laquelle est confronté Hollande. Par certains aspects cet interview met en évidence les difficultés auxquelles se trouve confronté le gouvernement, lesquelles ne sont pas sans incidence sur le comportement des différentes tendances qui coopèrent ou s’affrontent au sein du PS.
Une chose est sure : Hollande s’était engagé à gouverner selon un programme exposé pendant sa campagne électorale. Il est trop apparu comme déterminé à l’appliquer pour ne pas souffrir d’une certaine navigation à vue et des changements de cap qu’il opère.
Car ces changements ont l’inconvénient de raffermir la droite qui au lieu d’adopter une attitude discrètement complaisante, ne cesse d’exiger encore plus de concession de sa part et se livre à des attaques politiciennes de grande envergure qui affaiblissent le pouvoir pendant que la gauche radicale (FDG avec les communistes, extême gauche toujours médiatisée à l’excès) a de bonnes raisons de ne pas être tendre avec lui. D’ou affaiblissement général du PS comme l’ont démontré les élections législatives partielles que confirment les sondages.
On ne reste pas ainsi longtemps le cul entre deux chaises. De plus il n’y a pas de tabouret entre les deux pour évider un risque de dégringolade. Le recours à Bayrou ne constitue même pas un strapontin crédible.
En fait comme le souligne à sa façon Rémi Lefebvre il va falloir choisir entre un recentrage avec la droite ou un recentrage avec la gauche (celle du PS et celle du FDG). La première solution parait peu probable car nous ne sommes pas en Allemagne. La seconde peut-être une possibilité mais les forces économiques et financières dominantes dans le pays vont se mobiliser, accéler et poursuivre une entreprise sabotage que laisse augurer les attitudes symboliques d’un acteur ou de quelque PDG en fuite et surtout utiliser les courants socio libéraux du PS pour les entrainer hors de toute alliance avec la gauche radicale.
Alors qui peut décider le PS à trouver des élans fondateurs d’une république sociale ? Vous chers lecteurs, à condition que vous partagiez la présente analyse et en tiriez quelques conclusions d’action.
Il y a bien des mois de cela je suggerais que nous puissions être 4 millions sur les Champs Elysée avec quelque chose à défendre qui ressemblerait au programme qu’a présenté Jean Luc Mélenchon pendant la campagne des présidentielles. Et j’ajouterais, toutes proportions gardées, aussi nombreux dans les métropoles régionales. Le tout assorti de grèves et d’occupation d’entreprises.
Douce utopie direz-vous ? Mais chers amis vous pouvez disserter dans vos cuisines, vos salons, vos repas de famille, vos bistrots, vos comités, vos assemblées, vos meetings même et espérer un Hollande révolutionnaire, pour qu’il s’assoie sur la bonne chaise. C’est peut-être un premier pas indispensable.
Bon courage tout de même !
Car pour qu’il s’asseoie sur la bonne chaise, notre cher Président, il en faut surement un peu plus : d’abord virer la mauvaise de droite autant que les tabourets du centre possibles entre les deux. Et faire de la chaise de gauche une chaise populaire capable de bien caler celui qui prétend s’y asseoir. Se nomma-t-il Hollande. Ce qui n’est pas forcément une obligation.
«La radicalisation à gauche du pouvoir se fera par réalisme, pas par idéologie»
Pour le politologue Rémi Lefebvre, l’aggravation de la crise pourrait ramener François Hollande à un discours plus musclé à l’égard des forces économiques.
Rémi Lefebvre est professeur de sciences politiques à l’université Lille-II, auteur en 2011 des Primaires socialistes. La fin du parti militant, aux éditions Raisons d’agir.
Huit mois après son accession au pouvoir, y a-t-il chez François Hollande un hollandisme qui lui serait propre, ou la définition de sa politique doit-elle emprunter d’autres références ?
Rémi Lefebvre. S’il y a un hollandisme, c’est un pragmatisme, il n’est pas un idéologue – il n’a d’ailleurs pas de texte fondateur, alors qu’il a été à la tête du PS durant plus de dix ans. Il y a chez lui une forme de syncrétisme, de synthèse d’éléments disparates qui empruntent tout autant à Chevènement qu’à la deuxième gauche, voire à la première, doublé d’un côté radical-socialiste, et incontestablement social-libéral sur le plan économique. Son obsession du point d’équilibre choque beaucoup à gauche car, en huit mois, il n’y a eu aucune réelle rupture, seulement des inflexions sur le plan économique de prime abord. Or la tradition d’un gouvernement de gauche au pouvoir, c’est de marquer des ruptures.
Même sur le sociétal, le mariage pour tous n’est pas sa conviction selon vous ?
Rémi Lefebvre. Je crois qu’il n’a pas d’idées très arrêtées sur un certain nombre de sujets, mais qu’il cherche à apaiser la société, en vraie rupture, là, avec le mandat d’hystérisation de la société qui fut celui de Sarkozy. Il a une approche non idéologique des questions, veut passer des réformes dans une espèce d’harmonie. Avec le risque de déplaire à tout le monde ; on le voit quand il entend rester au milieu du gué concernant la procréation médicalement assistée (PMA). Hollande incarne en somme une gauche complexée, on l’a vu à propos de Depardieu par exemple, face à une droite décomplexée. Il est pris entre des injonctions contradictoires, alors que, sur ces thèmes, il n’a aucune excuse pour ne pas agir, contrairement aux questions sociales où la crise, le critère des 3 % de déficit, permet une rhétorique des contraintes.
Comparé au programme sur lequel il a été élu, assiste-t-on à différents reculs ?
Rémi Lefebvre. Sans doute le pacte de compétitivité et la thématique du coût du travail, absolument pas inscrits à son programme, marqueront-ils un vrai tournant du mandat. Tournant qui correspond à ses aspirations profondes : dès la fin des années 1980, quand il enseignait à Sciences-Po avec Pierre Moscovici, c’était un social-libéral assumé. Il ne croit globalement pas à l’économie administrée, il est pour une politique de l’offre. Ce fut subtilement mis en suspens durant la campagne, où il insista au contraire sur des marqueurs de gauche, comme la tranche de l’impôt sur le revenu à 75 % qui a joué un rôle très important dans sa victoire, en donnant l’illusion qu’il pouvait incarner une forme de volontarisme.
Est-il alors social-démocrate ?
Rémi Lefebvre. Je ne crois pas. Dans le modèle allemand ou scandinave, les forces sociales sont très organisées, les forces syndicales capables de peser sur le patronat. Or aujourd’hui, on le voit avec la négociation sur le marché du travail, nous ne sommes pas dans le donnant-donnant social-démocrate qui aurait été de conditionner le crédit d’impôt (Cice) du pacte de compétitivité à des embauches.
Le centre de gravité ne s’est-il pas déplacé avec des parlementaires qui prennent, sur l’amendement dit des pigeons ou la PMA, le contre-pied de l’Élysée ?
Rémi Lefebvre. C’est encore timide, il y a eu l’appel de la Gauche populaire, des députés qui voulaient conditionner l’octroi du Cice. De jeunes députés, élus de justesse en juin, se sentent concrètement sur un siège éjectable, ceux-là voient bien les risques électoraux de la politique économique menée et tâchent de construire un rapport de forces. Le groupe à l’Assemblée est bien tenu par Bruno Le Roux, et je suis surpris en fait de la domination encore très forte de François Hollande sur sa majorité, tandis qu’Harlem Désir n’a pas encore construit un leadership critique, dans un rapport dialectique avec l’Élysée. L’horizon du hollandisme est une baisse du chômage fin 2013. Si elle n’arrive pas, je n’exclus pas une inflexion de Hollande, rappelé par le principe de réalité qui le contraindrait notamment à un rapport de forces différent avec l’Allemagne. Sa radicalisation à gauche se fera par réalisme, pas par idéologie.
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